L'Inédit

par notreHistoire


Marie-José de Belgique

Coll. L. Saugy/notreHistoire.ch

L’exil, même volontaire, incite à voyager léger. Une princesse doit s’encombrer, tout de même, de quelques bagages. Ceux de Marie-José de Savoie, quand elle arrive en Suisse le 8 septembre 1943, tiennent dans un camion, photographié devant l’hôtel Excelsior à Montreux. Elle voyage sous le nom de marquise de San Maurizio. Le 24 juillet, son beau-père le roi Victor-Emmanuel – toujours sur le trône mais complètement largué – a entériné le limogeage de Mussolini par le Grand Conseil fasciste et nommé chef du gouvernement le maréchal Badoglio, qui demande aussitôt l’armistice aux Alliés progressant sur le sol italien. Le 1er octobre, ils occupent Naples, et « une Italie coupée en deux va devoir affronter pendant dix-huit mois les horreurs compliquées de la guerre et de la guerre civile », écrit l’historien Pierre Milza. C’est dans ce contexte difficile que l’épouse du prince héritier d’Italie, Umberto, se réfugie en Suisse avec ses quatre enfants : Maria-Pia, Marie-Gabriella, Vittorio-Emmanuele et Maria-Beatrice.

La princesse repassera le Grand-Saint-Bernard en direction du sud le 1er mai 1945 pour retrouver son mari, promis au trône par l’abdication de son père. Pressent-elle la précarité de ce retour au pays ? C’est en petit équipage qu’elle franchit le col, venue à pied de Bourg-Saint-Pierre avec une équipe de porteurs, photographiée à la pause sur les marches de la cantine de Proz, un bâtiment aujourd’hui disparu. Les retrouvailles avec l’Italie n’auront qu’un temps : un mois plus tard, le peuple transalpin vote la République, et les Savoie reprennent le chemin de l’exil à titre définitif. Marie-José y gagnera le surnom de « reine de mai ». ■

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Rue Léon-Jaquier

Immeubles à loyer modéré construits par la Coopérative du logement ouvrier dans le quartier des Prés-du-Lac à Yverdon.

Coll. P. Auderset/notreHistoire.ch

Notre rubrique Témoignages et récits reprend des récits de membres de notreHistoire.ch et des articles rédigés par eux, à l’instar de ce texte de Robert Curtat (1931 – 2015), publié en novembre 2013. Journaliste et écrivain, auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire sociale, de nouvelles et d’essais, Robert Curtat fut également secrétaire de l’Association vaudoise des écrivains.

Choc violent des idées : au début des années 1920, la Suisse, comme une vulgaire république bananière, confie à l’armée en lien étroit avec les milices bourgeoises (fascistes) le soin de surveiller les quartiers ouvriers tandis que les évêques suisses condamnent à l’enfer les paroissiens qui rejoindraient une organisation socialiste (1). Etrangement c’est dans ce monde en furie que surgit une solution de sagesse : la coopérative d’habitation, le moyen d’offrir un logement aux familles de travailleurs hors de tout profit capitaliste.

L’histoire s’arrête, un instant, en octobre 1920 à la Maison du peuple de Lausanne. En vedette Léon Nicole, syndicaliste et socialiste, apporte la bonne parole de Genève où vient d’être lancée l’une des premières sociétés coopératives romandes d’habitation. Le public apprécie le principe de solidarité qui autorise des loyers plus bas mais, plus encore, un projet formidable proposé par les jeunes architectes «engagés» Braillard et Martin: une cité jardin de 120 logements ! En regard des taudis urbains, où logent encore la plupart des travailleurs et leurs familles, difficile d’imaginer mieux. C’est d’ailleurs ce modèle que la Société coopérative d’Habitation de Lausanne (SCHL) adopte pour la «campagne» de Prélaz, destinée au logement de 60 familles dont près de la moitié dans 26 maisons familiales en rangées. Les projets de Prélaz à Lausanne, de la campagne d’Aïre à Genève, d’Hirzbrunnen à Zurich, et avec eux des centaines d’autres à travers le pays, témoignent d’un vent nouveau qui souffle alors pour les familles de travailleurs. Certes il leur faut accepter des contraintes nombreuses, entre autres un manque de moyens de transport public, mais c’est le prix à payer pour que leur famille vive mieux.

Une formule heureuse

Retour à Lausanne, quelques mois après la réunion de la Maison du peuple. Pour lancer son projet l’association toute neuve doit réunir 600 souscriptions à 300 francs – à peu près le salaire mensuel d’un compagnon – et elle y parvient en trois mois. Le solde sera fourni par les banques à un taux exorbitant : 7 % ! Bonnes et mauvaises nouvelles tricotent la chronique de ce chantier de Prélaz jusqu’au 15 octobre 1921, date de son inauguration. A Noël 1921 tous les logements sont occupés. L’histoire forte de la coopérative de Lausanne, comme celle de Genève, comme celle des organisations plus petites – l’Association suisse pour l’habitat en recense 225 en Suisse romande – témoigne pour la formule heureuse de la coopérative d’habitation qui répond à une exigence récurrente : le besoin de logements «sociaux » pour des familles de travailleurs disposant de revenus modestes.

Des salles de bain pour les familles ouvrières

Dans les périodes qui suivent, le nombre des bâtiments construits en Suisse par des coopératives d’habitation progresse fortement, passant d’un peu moins de 1500 avant 1919 à près de 6500 jusqu’en 1945, enfin à 9123 entre 1946 et 1960, point culminant du mouvement. Au-delà commence la chute forte des projets de construction pour arriver en l’an 2000 à un peu plus de 1000 logements surgis de terre en une décade. A cette date la statistique suisse indique que 7,10 millions de personnes ont un toit mais que, sur ce total, on ne recense jamais que 330’000 coopérateurs. (…)

En 1970, les locataires fêtent, au café du Jura, à Fribourg, les 25 ans de la fondation de la Coopérative d'habitation Champ des Fontaines.

Coll. L. Chevalley/notreHistoire.ch

A bien regarder on revient de très loin. Dans un petit document marquant ses 75 ans d’existence, la coopérative d’habitation de Montreux indique : «En 1932 nous avons commencé à construire mais notre projet souleva des résistances très fortes parce que nous proposions des logements avec salles de bains pour des familles ouvrières.»

La chronique des débuts du mouvement coopératif d’habitation en Suisse romande fourmille de notations semblables. Cette histoire riche qui a suscité de nombreux ouvrages (2) aligne des faits plutôt rugueux. La société dans laquelle la coopérative d’habitation est née, celle qui a suivi avec le poids des tristes « idéaux » qui dominaient dans les classes dirigeante jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la montée d’une société toujours moins solidaire ont marqué ces cent ans d’existence. Ce constat n’anticipe pas de changements qui pourraient être un peu plus positifs pour le logement social. Comme le répète le proverbe chinois «L’expérience est une lanterne qu’on porte dans le dos. Et qui n’éclaire que le chemin parcouru». Mais rien n’indique que le pouvoir politique à tous les niveaux, particulièrement celui des cantons et des communes à la manœuvre sur ce dossier, veuille libérer plus largement des moyens qui soutiendraient une deuxième jeunesse du logement social. (…)

Selon le principe qui veut qu’un malheur puisse en cacher un autre, le logement social souffre d’un mal irrémissible : le désamour toujours plus marqué pour cette forme d’habitat de ce côté de la Sarine. Le choc des chiffres est sans appel : là où les coopératives d’habitation de Zurich offrent plus d’un logement sur cinq, celles de Genève n’en alignent qu’un sur douze. De toute évidence le sujet est politiquement sans attrait pour la plupart des décideurs romands et le poids d’une administration souvent tatillonne retarde encore les travaux. Il arrive certes qu’une commune dont les magistrats ont compris l’intérêt d’un projet de logement social mette à disposition une parcelle et favorise la mise à disposition de logements à loyer modéré (3). Une belle exception que René Char commente en poète: «il arrive que le réel désaltère l’espérance. C’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit» ! (…) ■

Lire l’article intégral dans notreHistoire.ch

Références

1. Collectif, Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses, vol III, p. 129, Payot, 2004
2. Tant à Genève qu’à Lausanne, l’ouvrage qui marquait les 75 ans de l’institution a été rédigé par des universitaires qualifiés comme historiens
3. Exposé dans Le Temps du 22 mai 2013

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La coopérative d’habitation de Vieusseux, à Genève, un document des archives de la RTS

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La baie de Clarens

Coll. M. Bezençon/notreHistoire.ch

Cette photographie montre le bateau Le Léman au débarcadère de Clarens. Au fond de l’image se dresse la Dent de Jaman, en-dessous s’étendent les premières maisons de Vernex qui constitueront plus tard le centre de Montreux. Derrière le mât du bateau, avec deux galeries dotées de stores en tissu, se trouve l’infirmerie de Montreux construite en 1877. L’hôtel Belmont, mis en chantier en 1892, n’existe pas encore. L’absence de toute construction laisse supposer que le cliché a été pris au début des années 1880.

Au premier plan, à gauche, se déploie le quai de Clarens, dont la construction par étape est entamée à la fin des années 1870. Il est décidé que le quai servira de « promenade publique interdite aux chars », signe du développement d’équipements destinés exclusivement aux loisirs. Pour aménager les bords du lac encore faut-il que le niveau des eaux ne soit plus sujet à fortes variations. Cela est rendu possible par un accord trouvé entre les cantons de Genève, Valais et Vaud en 1885. Des retenues d’eau seront réalisées au débouché du lac, à Genève, avec le financement des trois cantons et de la Confédération. Ce projet donne lieu à la construction des Bâtiment des forces motrices, près du pont de la Coulouvrenière, achevé en 1892, et se complète d’un barrage à « rideau » au Pont-de-la-machine. La Ville se voit fournie par la même occasion en eau courante et en énergie électrique grâce à la pression obtenue. Dès le niveau du Léman régulé, toutes les agglomérations environnantes, qui jusqu’alors vivaient les pieds dans l’eau, se dotent de routes de contournement ou de quais, qui offrent un regard continu sur le panorama.

Une fusion pour donner naissance à la CGN

Le Léman qui apparaît sur l’image a été construit en 1857 par la société Escher-Wyss à Zurich. En 1873, la compagnie qui le gère fusionne avec celle de L’Helvétie et de L’Aigle pour donner naissance à la Compagnie générale de navigation (CGN), qui dispose dès lors du monopole du transport de passagers sur le lac. Rénové en 1876, Le Léman est équipé d’un pont ouvert à l’avant et à l’arrière permettant aux passagers de profiter au mieux du paysage.

Clarens pourrait presque être considéré comme à l’origine du tourisme sur l’arc lémanique. En effet, dès la levée du blocus imposée à l’Angleterre par Napoléon, les voyageurs britanniques se précipitent pour visiter « le bosquet de Clarens », décor du roman Julie ou La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, publié en 1761 et auréolé d’un énorme succès.

Deux jours en diligence de Genève à Vevey

Au début des années 1820, quelques années après les guerres napoléoniennes, un Américain originaire de Boston, Edward Church, qui séjourne à Genève, s’étonne de l’absence de bateaux de transport sur le Léman. Le plan d’eau présente pourtant les conditions les plus favorables. Jusqu’alors, les barques à voiles qui naviguent sur le lac transportent rarement des voyageurs, mais surtout des marchandises. Les personnes passent de préférence par la route. Le trajet en diligence de Genève à Vevey prend alors deux jours, en s’arrêtant une nuit à Nyon, dans des conditions de confort précaire. Le mauvais état de la chaussée fait notamment subir de très pénibles cahots. Church a déjà lancé plusieurs lignes de bateaux à vapeur sur les lacs de Côme et de Constance, sur le Rhône et la Saône. Ce nouveau moyen de transport a été mis au point par un ingénieur, également américain, Robert Fulton. Sa première exploitation commerciale en 1807 sur l’Hudson River, entre New York et Albany, rencontre un succès foudroyant.

Le « Guillaume Tell » ouvre une nouvelle ère

Church s’associe avec François Mathieu, un riche homme d’affaire genevois, pour faire construire un bateau à Bordeaux, Le Guillaume Tell. Celui-ci est inauguré à Genève en 1823 devant une importante foule de curieux. Il est dès lors possible de rallier tous les jours Genève à Ouchy en 6 heures, puis, très rapidement de faire le tour du lac, dans des conditions de confort inédit, sans cahot et au bénéfice d’un chauffage en cas de froid. En raison de leur coût, ces trajets ne s’adressent qu’à une catégorie de personnes privilégiées et demeurent prohibitifs pour de simples ouvriers. Cependant, le succès est immédiat et l’opération s’avère hautement lucrative, suscitant aussitôt d’autres vocations et la création de plusieurs sociétés concurrentes. De là va se développer toute une industrie du tourisme avec la construction de grands hôtels à Lausanne, Vevey et Montreux, ainsi que le lancement de lignes de chemin de fer au départ de Villeneuve, à la conquête des Alpes et de l’Italie. ■

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Les vapeurs de la CGN
Un article détaillé sur le vapeur Le Léman

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Cérémonie d'accueil de la Conseillère fédérale Ruth Dreifuss par les autorités genevoises

Coll. Ephège Gobet/notreHistoire.ch

Le 19 mars 1993, Genève fête sa nouvelle conseillère fédérale. Au bras de Germaine Duparc, pédagogue de renom, Ruth Dreifuss paraît radieuse en déambulant dans les couloirs de l’école de Sécheron. Faut-il y voir la joie de retrouver la lointaine familiarité d’un établissement dont elle fréquenta les bancs ? Ou alors le bonheur simple de partager un instant complice ? Peut-être. Mais la gaîtée qu’elle affiche doit sans doute beaucoup à la folle journée qu’elle a vécue la semaine précédente. Retour sur un séisme politique qui fit basculer le destin d’au moins deux femmes.

En mars 1993, à la suite de la démission du socialiste René Felber, commence la course pour l’élection d’un nouveau membre au sein du Conseil fédéral. Depuis l’éviction précipitée d’Elisabeth Kopp en 1989, ce dernier ne compte plus aucune femme. La gauche estime qu’il est temps de corriger cette anomalie, d’autant plus que l’immense grève féministe à laquelle ont participé un demi-million de personnes deux ans plus tôt est encore dans tous les esprits (lire l’article à ce propos dans L’Inédit). Et puis, comment justifier la mise à l’écart de la moitié de la population, plus de vingt ans après l’introduction du suffrage féminin ?

Les socialistes font alors de Christiane Brunner leur candidate, mais la droite n’apprécie guère son profil et lui refuse une bonne partie de ses suffrages, lui préférant un homme en la personne de Francis Matthey. L’élection suscite un tollé et rarement la Berne fédérale aura été soumise à une telle effervescence. Finalement, face à l’ampleur de la contestation, un nouveau vote a lieu. Tout se jouera cette fois-ci entre deux candidatures féminines : Christiane Brunner, qui obtient une seconde chance, et Ruth Dreifuss.

Née le 9 janvier 1940, Ruth Dreifuss est bien connue des milieux de gauche, elle est l’ancienne adjointe scientifique à la direction de la coopération et de l’aide humanitaire du Département des Affaires étrangères, poste qu’elle occupe de 1972 à 1981, avant de devenir secrétaire de l’Union syndicale suisse. En politique, la socialiste Ruth Dreifuss a été membre du Conseil de Ville de Berne, entre 1989 et 1992. Lors des élections fédérales de 1991, elle n’obtient pas le siège de conseillère nationale qu’elle convoitait pour le PS.

Tout se joue pour elle le 10 mars 1993. Ruth Dreifuss est finalement élue au 3e tour de scrutin avec 144 voix. Par la même occasion, elle deviendra la première femme socialiste et la première personne de confession juive à siéger au gouvernement fédéral. Voilà qui justifie bien le sourire rayonnant qu’elle arbore dans l’école de son enfance, vous ne trouvez pas ? ■

A consulter également sur notreHistoire.ch

Une série de documents consacrés à Ruth Dreifuss, dont un choix de vidéos des archives de la RTS

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