L'Inédit

par notreHistoire


Le Messager boiteux, Samuel Burnand

Samuel Burnand, fut l'un des nombreux figurants de la Fête des Vignerons de 1955 et 1977. Il continua à tenir ce rôle jusqu'à sa mort en 1985.

Coll. S. Bazzanella/notreHistoire.ch

Que de légendes sur l’histoire du Messager boiteux, figure essentielle de la Fête des Vignerons! Qu’en est-il réellement? Avec sa jambe de bois, sa redingote et son tricorne, il sort tout droit du XVIIIe siècle. Lorsqu’il apparaît pour la première fois à la Fête des Vignerons de 1927, sous les traits de François Streit, le personnage est déjà bien connu en Suisse Romande. C’est que son histoire est vieille de plusieurs siècles et intimement liée à celle d’un almanach du même nom dont la couverture représente un colporteur boiteux, appuyé sur sa canne.

Depuis le Moyen Age, les colporteurs sont des marchands ambulants qui sillonnent villes et campagnes. Son nom tire ses racines des verbes comportare qui signifie « transporter » en latin, mais aussi du verbe coltiner : « porter un lourd fardeau » et du terme « coltin » qui désigne une pièce de cuir, sorte de capuchon que les colporteurs portaient pour se protéger du froid et des intempéries. Les colporteurs voyageaient ainsi à pied en portant toute leur marchandise sur le dos, boitillant sous la charge en s’appuyant sur un bâton ou une canne. Dans leur sac, en plus des marchandises, ils diffusaient des almanachs. Ces publications contenaient les calendriers relatifs au travaux agricoles et viticoles mais aussi des éphémérides, des recettes de cuisine, des contes et des étrennes, des nouvelles des quatre coins du pays. Ils comprenaient souvent des esquisses afin que les paysans illettrés puissent les parcourir et reproduire les conseils dessinés dans leur champ ou leur vigne.

Il y a toujours un véritable messager quelque part

C’est en 1676 qu’apparaissent à Bâle deux almanachs nommés Der Hinkende Bote. Largement diffusés, dès 1707 une version française est colportée jusqu’à Vevey. A partir de 1748, il est édité dans la ville et sa version française y est directement imprimée directement en 1755. Le Messager boiteux devient alors Le Véritable messager boiteux de Berne ou Le Véritable Messager boiteux de Vevey en 1799 et enfin Le Véritable Messager boiteux de Berne et Vevey en 1803, nom qu’il porte encore aujourd’hui. Son édition est intimement liée à la ville puisque plusieurs imprimeries ancestrales l’éditeront au fil des siècles. Mais les Messagers boiteux ne sont pas uniquement une tradition romande puisqu’on en retrouve à Strasbourg et à Francfort, entre autres régions où sa figure s’est imposée comme la représentation du colporteur et du messager.

Une opération marketing réussie

Ils sont trois à avoir incarné le Messager boiteux lors des Fêtes des Vignerons de 1927 à 1999. François Streit en 1927, Samuel Burnand lors des éditions de 1955 et de 1977, enfin Jean-Luc Sansonnens en 1999. A la Fête de 2019, pour la première fois, c’est une jeune femme, Sofia Gonzalez, habitante de Jongny et championne d’athlétisme handisport, qui devient la première « Messagère » de l’histoire de la Fête des Vignerons.

C’est grâce à Emile Gétaz, un des Conseillers de la Confrérie des Vignerons, Abbé-Président de 1942 à 1952, mais aussi directeur de La Feuille d’Avis de Vevey (1898) et des imprimeries Klausfleder SA (depuis 1894) qui édite le fameux almanach, que le Messager boiteux apparaît lors de la Fête des Vignerons de 1927. S’il y a quelque chose d’une opération marketing bien menée pour l’époque, son apparition n’est pas anodine. Elle rend aussi hommage à un personnage de fiction iconique de la ville. A la manière dont la Fête des Vignerons assimile les traditions locales, le Messager boiteux devient alors le colporteur (au sens de messager) de la Fête et en 1955, Samuel Burnand qui l’incarne, restera célèbre pour avoir effectuer l’aller-retour à pied jusqu’à Lausanne et Berne pour annoncer la nouvelle Fête aux autorités cantonales et fédérales.

Dans ce reportage de la RTS de 1985, l'anthropologue Bernard Crettaz intervient. Il considère que les almanachs sont l'expression d'une science populaire, faite de siècles d'observation.

Coll. Archives de la RTS/notreHIistoire.ch

Mais la légende prend vie ! Samuel Burnand n’était pas seulement le Messager boiteux de la Fête des Vignerons. Il était réellement le colporteur de l’almanach qu’il distribue à pied sur les marchés et dans les foires de la région et le restera jusqu’à sa mort en 1985, quelques années après la Fête des Vignerons de 1977. Le costume est ici plus clinquant qu’au Moyen Age ou qu’au 18e siècle. Le coltin a disparu, remplacé par une redingote bleu et un chapeau tricorne. Mais il conserve son effet et rare sont les Veveysans ou les Romands qui ne le reconnaissent pas immédiatement à son allure.

Un mot encore sur la photo de cet article et publiée par Sylvie Bazzanella sur notreHistoire.ch. A-t-elle été prise à Vevey, ou à Lausanne? Yannick Plomb a levé le mystère. Après une recherche dans les annuaires vaudois, il a pu situer le magasin Confection Maison Moderne à la rue de la Madeleine 1 à Lausanne, en activité de 1925 jusqu’en septembre 1936, date de sa mise en faillite. On peut reconnaître l’immeuble sur Google, précise Yannick Plomb, malheureusement une camionnette est garée devant. Un livreur, sans doute, qui a pris la place des colporteurs! ■

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Le messager boiteux, une série de photos des différentes Fêtes des Vignerons et un choix de vidéos des Archives de la RTS

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Genève, église Saint-Joseph

Coll. Bibliothèque de Genève/notreHistoire.ch

A son invention à la fin des années 1870, la carte postale ne comporte aucune illustration ; il faut attendre la fin du siècle pour voir y apparaître des images et le début du siècle suivant pour qu’y soient reproduites les premières photographies. Initialement, le verso de la carte est exclusivement réservé à l’adresse et le message envoyé à son destinataire doit être écrit au recto, en profitant de la place laissée aux marges.

Cette carte postale de l’église Saint-Joseph, issue des collections de la Bibliothèque de Genève, date donc très probablement des années 1890 : la photographie n’a pas encore remplacé le dessin et celui-ci est environné d’un grand espace vide tout prêt à recevoir un texte manuscrit. Ce qu’on perçoit des abords de l’édifice vient confirmer cette hypothèse : la grille visible à gauche du porche entourait le bâtiment primitif, inauguré en 1869 ; elle disparaîtra trente ans plus tard, lorsque des bas-côtés seront ajoutés afin d’accueillir des fidèles de plus en plus nombreux.

Les procès-verbaux des différentes instances de la paroisse, retrouvés dans les archives de la cure, permettent de retracer les étapes des transformations qui vont être entreprises sur le bâtiment. La première date de 1894. Lorsque le chanoine Jean-Marie Jacquard, curé, en fait la relation au conseil d’administration l’année suivante, le procès-verbaliste ne note que des « modifications et réparations importantes » ; longtemps, les historiens en ont été réduits, sur la base d’un article largement postérieur du bulletin paroissial, à supposer qu’il s’agissait de l’ajout d’un déambulatoire autour du cœur. Mais il leur fallait alors faire confiance à des propos tenus en 1939, soit 45 ans plus tard… Une lecture attentive des comptes-rendus des années suivantes m’a permis de confirmer cette donnée. Quand il est à nouveau question de travaux lors de la séance du 2 avril 1898, le point de l’ordre du jour relatif à cet objet commence par un rappel précis de ce qui a déjà été construit : il s’agit bel et bien d’un déambulatoire !

Au carrefour de Rive, près d'un siècle plus tard.

Coll. C.-A. Fradel/notreHistoire.ch

L’élargissement des bas-côtés se fait ensuite en deux temps durant l’année 1899 : la première extension, qui doit servir de test de faisabilité et d’esthétique, est réalisée du côté de la rue du Rhône. Le résultat étant jugé satisfaisant, un ajout similaire vient border la rue Petit-Senn quelques mois plus tard, entraînant la suppression de la grille qui courait de chaque côté de la nef. Cette carte postale est donc antérieure à ces travaux. Comme l’arrière de l’édifice n’est pas visible, il est difficile de dire si l’image a été dessinée peu avant son élargissement, alors que le déambulatoire avait déjà été érigé, ou dans les années qui ont immédiatement suivi sa construction. Mais elle n’est en tous les cas pas postérieure à 1899.

Au premier plan, entouré d’objets mêlant pouvoir religieux et pouvoir laïque, figure Joseph, le saint patron de la paroisse. L’époux de Marie tient une tige de lys, fleurs que l’on retrouve sur la droite ; c’est l’un de ses attributs traditionnels et il symbolise sa chasteté. Comme on ne sait à peu près rien de la décoration primitive de l’édifice, il est impossible de dire s’il s’agit là de la représentation d’une statue qui était placée dans l’église, de la copie d’une autre statue ou d’une œuvre de pure imagination. ■

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Dans le quartier des Eaux-Vives, une série de documents photographiques et de vidéos des Archives de la RTS

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Edward Whymper

Le 14 juillet 1865, avec sa cordée, Edward Whymper (1840-1911) atteint pour la première fois la cime du Cervin (4478 m).

Coll. A. Groux/notreHistoire.ch

Notre rubrique Témoignage et récit reprend des articles des membres de notreHistoire.ch, à l’instar de ce texte d’Olivier Buchs qui lui valut le Prix Mémoire de Montagne 2018 (ex-aequo avec Markus Schweizer), créé par la RTS/FONSART et remis lors du Festival international du film alpin des Diablerets (le titre et les intertitres sont de la rédaction).

Jeune universitaire et alpiniste genevois, Charles Gos (1885-1949) n’a que 22 ans lorsqu’il écrit à Edward Whymper, le célèbre conquérant du Cervin (1865) pour lui parler d’un projet controversé de chemin de fer sur la non moins célèbre montagne. Il aura la bonne surprise de voir l’Anglais lui répondre, mais la mauvaise de ne pas pouvoir compter sur son soutien – publiquement du moins. Voici ce que Whymper lui répond:

Coll. O. Buchs/notreHistoire.ch

Je n’aime pas le projet d’un chemin de fer gravissant le Cervin, mais je pense que c’est une affaire que les Suisses doivent résoudre eux-mêmes; et que, si je devais écrire des lettres sur le sujet soit à des journaux suisses, soit à des journaux anglais, on pourrait me dire à juste titre: «Occupez-vous de vos affaires».

Le motif du projet semble être divulgué dans la phrase conclusive de la coupure de presse que vous m’avez envoyée, à savoir «Les auteurs de ce projet sont convaincus que l’affaire sera excellente au point de vue financier». Si cela s’avérait être le cas, ce serait au détriment des Suisses. On a déjà privé de pain les Zermattois avec la construction du chemin de fer du Gornergrat, et maintenant on cherche à leur enlever aussi les miettes, en les empêchant de conduire les touristes au lac Noir, aux cabanes sur le Cervin, et au sommet du Cervin. L’Hôtel Lac Noir également ne sera plus convoité. Les Zermattois, il me semble, sont profondément concernés par cette affaire. S’ils s’y opposent vigoureusement, peut-être que le Conseil fédéral ne confirmera pas la concession.

Les chemins de fer de montagne de la Suisse sont certainement très intéressants, mais ils ne contribuent pas à l’attrait du paysage suisse, et ils ont déjà chassé une partie considérable de la clientèle hors de Suisse.

En 1907, Charles Gos – il obtiendra le prix Schiller en 1916 – n’est pas encore un écrivain connu lorsqu’il s’indigne d’un projet de funiculaire sur le Cervin. Dans son ouvrage Près des Névés et des Glaciers, il rend compte d’un échange qu’il a eût à ce sujet avec Edouard Whymper pour lui demander de peser de tous son poids contre la réalisation : « Je lui avais écrit, le priant, le suppliant plutôt, lui, le héros, de protester ouvertement contre le projet. Sa voix vénérée n’eût pas manqué de rallier du bon côté tous les sceptiques et les indifférents. Il n’en fit rien. » (1) En effet, Whymper ne prendra pas position publiquement de peur d’être accusé de « se mêler des affaires des autres » (2) – il est Anglais, et la question concerne les Suisses. Mais son avis et ses arguments ne sont guère différents de ceux que Charles Gos avait exprimés dans un article paru dans la Gazette de Lausanne deux jours auparavant – un véritable appel à la révolte.

Charles Gos (1885-1949), à gauche, à Anniviers en 1947.

« La Suisse est une vaste hôtellerie »

On retrouve dans son argumentaire les thèmes du moment. Gos insiste sur la portée symbolique de ce qu’il considère comme une profanation. A une époque où le rapport coûts-bénéfices de l’industrialisation se trouve questionné par les milieux conservateurs, il sait que les discours sur la nécessité de préserver l’esthétique du paysage commencent à fédérer – il joue abondamment cette carte en chantant la beauté encore immaculée du Cervin. Il fait aussi vibrer la fibre patriotique : « Les temps ont changés ; on est tout juste Suisse pour la forme, et sous prétexte de progrès on laisse lâchement accomplir de véritable sacrilèges. » (3) Comme Whymper, il dénonce enfin une mauvaise affaire sur le plan économique : « La Suisse est une vaste hôtellerie ; c’est entendu. Mais soyons au moins des hôteliers intelligents et ne détruisons pas ce qui est et doit rester l’éternelle beauté de notre patrie. »(4)

Le Heimatschutz récoltera l’essentiel des 68’365 signatures contre le projet (5) qui n’aboutira pas : devant l’ampleur de la contestation, le gouvernement ne prendra jamais la décision d’accorder la concession.

L’indignation soulevée par le projet de funiculaire au Cervin est un exemple parmi d’autres – de nombreux chemins de fer ou barrages doivent alors faire face à des résistances importantes. La contestation s’inscrit dans un contexte où la modernité, jusqu’ici largement cantonnée à la plaine, s’invite en montagne au risque de gâter le pittoresque des lieux. Hormis la détérioration du paysage, on redoute les effets du contact permanent entre les populations montagnardes et les riches étrangers emmenés près des alpages par l’industrie touristique en plein essor. C’est que la mythologie nationale a fait des habitants des hauteurs les gardiens d’un mode de vie traditionnel et des vertus helvétiques originelles. ■

Références

1. Charles Gos,  Près des Névés et des Glaciers (3e édition), Fischbacher, Paris, 1915 (1912), p. 262
2. Edward Whymper, Lettre à Charles Gos du 16.01.1907, Folio 3.4, Fonds Charles Gos et Laeticia Gos-Lovey du CREPA
3. Charles GOS (E.-M.), « Un ascenseur au Cervin », in Gazette de Lausanne, 14.01.1907
4. idem
5. Alice Denoreaz, « Les oppositions au projet d’un chemin de fer touristique entre Zermatt et le sommet du Cervin (1906) : l’étude des impacts de la modernisation de la Suisse à la Belle Epoque (1890-1914) et l’affirmation de l’identité nationale », Mémoire de licence dirigé par Cédric Humair, Université de Lausanne, 2009, p. 50.

A consulter également sur notreHistoire.ch

Le Cervin, une série de documents photographiques et de vidéos des Archives de la RTS
Un siècle après Whymper, en 1965, la RTS réalise la première ascension filmée du Cervin

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Genève, éléphants au large du quai Wilson

Le bain des éléphants, au large du quai Wilson, à Genève (2e moitié du XXe siècle)

Photo Pierre-Charles George (1931-2004), coll. Bibliothèque de Genève/notreHistoire

Nous terminons cette série avec le huitième article que Jean Steinauer consacre, dans son Petit bestiaire helvétique, aux animaux réels et imaginaires qui jalonnent l’histoire des Suisses (et peuplent leur inconscient). Après l’ours de Berne et l’ours d’Appenzell, les oiseaux, le taureau, le cheval, le bouquetin, le dragon et le lion de Zurich, voici deux créatures particulièrement attachantes et qui, incontestablement, ont été des stars dans notre pays.

Les animaux, Dieu merci, n’ont pas de nationalité, si bien que je revendique, dans mon petit bestiaire helvétique, une place pour deux créatures exotiques s’il en fut, le gorille femelle Goma et l’éléphante Rosa. Je considère que l’une était bâloise, l’autre saint-galloise.

En 1948, pour son soixante-quinzième anniversaire, le zoo de Bâle – le Zolli, disent les indigènes – reçut en cadeau de l’Association de ses amis un gorille fièrement nommé Achille. Examiné de plus près, le primate se révéla être une femelle, qu’on rebaptisa sans trop de peine Achilla. Laquelle, le 23 septembre 1959, mit bas une petite Goma. C’était le premier gorille d’Europe, et le deuxième au monde, à naître dans un zoo. Comme Goma n’était pas soignée correctement par sa mère Achilla, qui ne savait comment s’occuper d’elle, il fallut la confier à des humains. Le directeur du zoo la prit chez lui, et l’on s’extasia devant les photos de famille – Goma prenant son biberon, puis assise à table une serviette autour du cou, Goma se promenant au jardin en tenant la main du patron, ou prenant son bain… Quand elle eut un an, le jeune gorille mâle Pepe, originaire du Cameroun et qui avait le même âge, vint à Bâle et Goma put enfin se faire un copain d’un congénère. Les deux animaux s’intégrèrent dès lors sans mal dans la famille des gorilles. Et le 2 mai 1971 naquit Tam-Tam, fils de Goma et de Jambo. Ce bébé gorille inaugurait la deuxième génération au Zolli. Goma est morte le 6 juin 2018. Toute la Suisse était venue la voir.

Goma fête son premier anniversaire devant les caméras.

Coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

La gloire des Knie

Rosa, elle, avait vu toute la Suisse. Elle fut le troisième éléphant sous le chapiteau des Knie, qui l’avaient achetée en 1928 à leurs collègues allemands Blumenfeld pour 17’000 francs. Elle mourut en 1974 à l’âge de 69 ans, un record de longévité. Elle voyageait encore avec le cirque, mais restait sous la tente de la ménagerie. J’en garde le souvenir enfantin d’une espèce de montagne, ridée, et comme pelée, avec une chaîne au pied. Elle me paraissait quasiment préhistorique puisque mon papa m’assurait l’avoir connue quand lui-même était enfant. D’autres éléphants de notre cirque national ont fait la gloire du dresseur Rolf Knie senior et de ses successeurs, en acquérant une célébrité internationale. Tel, en 1941, le mâle Baby progressant comme un funambule sur deux câbles tendus. Ou celui qui, l’œil frisant de gaîté, donna quelques décennies plus tard la réplique au génial Dimitri dans un numéro plein d’humour et de poésie – je n’ai gardé en mémoire, malheureusement, que le nom du clown. Telle encore, en 2010, la femelle Sabu qui par un soir d’orage quitta les bords du lac à Zurich et alla promener ses 4000 kilos sur la Bahnhofstrasse – un site qu’elle connaissait bien pour y parader chaque année. Mais c’est Rosa qui demeure dans mon cœur, à jamais.

Etre calme en toutes circonstances, la recommandation de Rolph Knie.

Coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

En août 2015, le cirque Knie a pris la décision de mettre un terme à ses numéros avec des éléphants, qu’il faut aller voir désormais à Rapperswil. Une tradition s’est éteinte, qui durait depuis 1920 et qui fut pour beaucoup dans l’affection des Suisses pour le « cirque national ». On ne s’en console pas avec la triste « ronde des éléphants » qu’organise la télévision tous les quatre ans, le soir des élections fédérales, avec les présidents des partis politiques. C’est peut-être du cirque, mais il n’y a pas de musique. ■

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