L'Inédit

par notreHistoire


Genève, éléphants au large du quai Wilson

Le bain des éléphants, au large du quai Wilson, à Genève (2e moitié du XXe siècle)

Photo Pierre-Charles George (1931-2004), coll. Bibliothèque de Genève/notreHistoire

Nous terminons cette série avec le huitième article que Jean Steinauer consacre, dans son Petit bestiaire helvétique, aux animaux réels et imaginaires qui jalonnent l’histoire des Suisses (et peuplent leur inconscient). Après l’ours de Berne et l’ours d’Appenzell, les oiseaux, le taureau, le cheval, le bouquetin, le dragon et le lion de Zurich, voici deux créatures particulièrement attachantes et qui, incontestablement, ont été des stars dans notre pays.

Les animaux, Dieu merci, n’ont pas de nationalité, si bien que je revendique, dans mon petit bestiaire helvétique, une place pour deux créatures exotiques s’il en fut, le gorille femelle Goma et l’éléphante Rosa. Je considère que l’une était bâloise, l’autre saint-galloise.

En 1948, pour son soixante-quinzième anniversaire, le zoo de Bâle – le Zolli, disent les indigènes – reçut en cadeau de l’Association de ses amis un gorille fièrement nommé Achille. Examiné de plus près, le primate se révéla être une femelle, qu’on rebaptisa sans trop de peine Achilla. Laquelle, le 23 septembre 1959, mit bas une petite Goma. C’était le premier gorille d’Europe, et le deuxième au monde, à naître dans un zoo. Comme Goma n’était pas soignée correctement par sa mère Achilla, qui ne savait comment s’occuper d’elle, il fallut la confier à des humains. Le directeur du zoo la prit chez lui, et l’on s’extasia devant les photos de famille – Goma prenant son biberon, puis assise à table une serviette autour du cou, Goma se promenant au jardin en tenant la main du patron, ou prenant son bain… Quand elle eut un an, le jeune gorille mâle Pepe, originaire du Cameroun et qui avait le même âge, vint à Bâle et Goma put enfin se faire un copain d’un congénère. Les deux animaux s’intégrèrent dès lors sans mal dans la famille des gorilles. Et le 2 mai 1971 naquit Tam-Tam, fils de Goma et de Jambo. Ce bébé gorille inaugurait la deuxième génération au Zolli. Goma est morte le 6 juin 2018. Toute la Suisse était venue la voir.

Goma fête son premier anniversaire devant les caméras.

Coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

La gloire des Knie

Rosa, elle, avait vu toute la Suisse. Elle fut le troisième éléphant sous le chapiteau des Knie, qui l’avaient achetée en 1928 à leurs collègues allemands Blumenfeld pour 17’000 francs. Elle mourut en 1974 à l’âge de 69 ans, un record de longévité. Elle voyageait encore avec le cirque, mais restait sous la tente de la ménagerie. J’en garde le souvenir enfantin d’une espèce de montagne, ridée, et comme pelée, avec une chaîne au pied. Elle me paraissait quasiment préhistorique puisque mon papa m’assurait l’avoir connue quand lui-même était enfant. D’autres éléphants de notre cirque national ont fait la gloire du dresseur Rolf Knie senior et de ses successeurs, en acquérant une célébrité internationale. Tel, en 1941, le mâle Baby progressant comme un funambule sur deux câbles tendus. Ou celui qui, l’œil frisant de gaîté, donna quelques décennies plus tard la réplique au génial Dimitri dans un numéro plein d’humour et de poésie – je n’ai gardé en mémoire, malheureusement, que le nom du clown. Telle encore, en 2010, la femelle Sabu qui par un soir d’orage quitta les bords du lac à Zurich et alla promener ses 4000 kilos sur la Bahnhofstrasse – un site qu’elle connaissait bien pour y parader chaque année. Mais c’est Rosa qui demeure dans mon cœur, à jamais.

Etre calme en toutes circonstances, la recommandation de Rolph Knie.

Coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

En août 2015, le cirque Knie a pris la décision de mettre un terme à ses numéros avec des éléphants, qu’il faut aller voir désormais à Rapperswil. Une tradition s’est éteinte, qui durait depuis 1920 et qui fut pour beaucoup dans l’affection des Suisses pour le « cirque national ». On ne s’en console pas avec la triste « ronde des éléphants » qu’organise la télévision tous les quatre ans, le soir des élections fédérales, avec les présidents des partis politiques. C’est peut-être du cirque, mais il n’y a pas de musique. ■

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Noemi Lapzeson

Coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

Danser dans un musée ? Nous sommes en 1987, au Musée Rath, à Genève, où la chorégraphe et danseuse Noemi Lapzeson, genevoise d’adoption, présente sa nouvelle œuvre à Viva, l’émission culturelle de la RTS. Incontestablement, Noemi Lapzeson fait oeuvre de pionnière en Suisse romande.

Dans cet extrait de l'émission Viva (15.12.1987 la chorégraphe et danseuse Noemi Lapzeson, présente une œuvre donnée au Musée Rath.

Coll Archives de la RTS/notreHistoire.ch

A l’instar des autres arts, la danse subit de nombreuses révolutions tout au long du XXe siècle. Dès les années 1920, elle sort du théâtre, scène traditionnelle de ses représentations, pour se donner dans la nature, au grand air. En Suisse, c’est en particulier au Monte Verità, à Ascona, que cette danse moderne s’en donne à cœur joie.

Dans les années 1950, Anna Halprin tente aux Etats-Unis de réconcilier la danse avec l’environnement physique et social, en dansant dans les rues, les magasins, les parkings ou même un hangar en construction. Elle investit totalement la ville de San Francisco avec City Dance deux décennies plus tard. Ce n’est pas un hasard si la vidéo hommage que lui consacre Jacqueline Caux en 2006 s’intitule Who says I have to dance in a theater.

Pendant près de dix années, Noemi Lapzeson sera soliste dans la troupe de la chorégraphe américaine Martha Graham. Elle évoque cette période dans Viva (15.05.1990).

Coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

En France, Kitsou Dubois s’empare également de lieux insolites pour ses chorégraphies dans les années 1980, notamment l’univers de l’usine ou bien l’avion dans lequel les astronautes s’entraînent à l’apesanteur.

La fusion de la danse et du théâtre

Mais Noemi Lapzeson est probablement une des toutes premières à faire entrer la danse dans un musée. Pourquoi un musée justement ? Noemi Lapzeson s’intéresse aux influences des autres arts sur la danse, tout comme aux apports de l’expérience et de l’expression de personnes extérieures à la danse. C’est notamment cela qu’elle appelle « dé-danser la danse ».

Ainsi, sa pièce Lussa de 1986 parle de la mort, au milieu d’œuvres picturales, à travers la chorégraphie mais aussi le théâtre. Un comédien fait entendre la vie quotidienne d’un fossoyeur. Le sujet de la pièce entre en écho avec les toiles accrochées aux cimaises et correspond parfaitement au lieu : le sous-sol du musée.

Brigitte Kehrer débute d’ailleurs son compte rendu de la pièce dans la Tribune de Genève du 26 novembre 1986 en insistant sur ce décor inhabituel : « Une allée de pierres jonche le sol de la salle du Musée Rath. Un chapeau gris sur un crâne chauve, des godillots et une sono : c’est l’image du fossoyeur qui colle à la terre comme un fakir sur des clous. Noemi Lapzeson entame sa ronde sous les voûtes arrondies de ce cimetière dont les dalles sont autant de superpositions de tableaux ensevelis. » La journaliste souligne également la fusion originale entre danse et théâtre, très différente du Tanztheater de Pina Bausch alors en plein essor.

Quelques jours plus tard, Lussa est donnée au Théâtre Onze à Lausanne… un caveau ! Le critique de danse Jean-Pierre Pastori souligne lui aussi, dans l’édition de 24 Heures du 24 novembre 1986, cette recherche de concordance entre la pièce et ses lieux de représentations : « Cette pièce a entre autres vertus celle de s’adapter aux différents lieux d’accueil. »

Un travail de reconnaissance

À l’époque de cette émission de Viva, la danse contemporaine est en plein essor, en Suisse alémanique comme en Suisse romande, et de nombreuses compagnies et autres festivals fleurissent sur tout le territoire. Mais la danse contemporaine doit encore se faire connaître du grand public, asseoir sa libération de l’emprise classique. Et se faire reconnaître aussi des autorités publiques et des organismes qui subventionnent les arts pour espérer un jour que le milieu de la danse puisse vivre décemment. C’est ainsi que Noemi Lapzeson expose de sa voix douce et posée le besoin de dépasser les clichés d’une danse « divertissante » et « aimable » et surtout son ambition de « dé-danser la danse ».

Née en 1940 à Buenos Aires et décédée début 2018 à Genève, Noemi Lapzeson a mené sa carrière à l’international, avant de s’établir à Genève en 1980 où elle deviendra très vite la cheffe de file de la danse contemporaine. L’Association de danse contemporaine sera fondée grâce à elle en 1989 à Genève. Elle recevra en 2002 le premier Prix suisse de danse et encore en 2017 le Grand Prix suisse de danse, les plus hautes distinctions couronnant la danse suisse, décernées toutes deux par l’Office fédéral de la culture.

Noemi Lapzeson a marqué le paysage chorégraphique suisse de son empreinte à la fois sensible et engagée, humble et impressionnante. Tout ce qui transparaît dans ce court reportage. Depuis, la danse contemporaine a réussi à s’établir dans le paysage culturel suisse. Même s’il reste toujours des progrès à faire.

Il faudra attendre les années 2000 pour que le musée devienne une scène plus habituelle pour l’art chorégraphique. Citons les deux célèbres artistes Carolyn Carlson en 2003 au Musée Bourdelle et Trisha Brown en 2008 au Centre Pompidou. Plus généralement, ce sont tous les lieux et toutes les architectures que la danse investit aujourd’hui. Il suffit de parcourir le programme de la Fête de la danse qui a lieu chaque printemps dans toute la Suisse pour constater la diversité et l’inventivité de cet art. ■

Références

1. Hommage à Noemi Lapzeson dans Le Temps et sur le site de l’ADC, Genève
2. Philippe Albèra et al., Noemi Lapzeson par Jesus Moreno. Photographies de 1981 à 1994, Genève, ADC-Genève, 1994
3. Marcela San Pedro, Un corps qui pense. Noemi Lapzeson, transmettre en danse contemporaine, Genève, MétisPresses, 2014
4 Anna Halprin, who says I have to dance in a theater
Le site de la Fête de la danse

A consulter également sur notreHistoire.ch

L’amour de la danse, une série de vidéos des Archives de la RTS consacrées aux grands chorégraphes et aux compagnies qui ont trouvé en Suisse romande, depuis les années 1950, un terreau fertile.

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Au squat de l'Ilôt 13

Coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

Genève, fin des années 1980. Je suis tombé amoureux d’une punkette. L’Usine vient d’ouvrir ses hautes portes sur la place des Volontaires. Nous folâtrons dans l’insouciance de l’après Mur de Berlin. Non, les tanks russes n’envahiront pas les rues de nos villes, pas plus que les bombes atomiques des deux blocs ne réduiront en poussière nos utopies et nos désirs d’avenir. D’autres s’en chargeront, avec autrement plus de malice.

Elle me semble si belle, avec ses cheveux blancs hérissés et son blouson clouté, sa minijupe de vinyle noir et le dragon qui s’enroule autour de sa jambe, depuis le haut de sa cuisse jusqu’à sa cheville fine, enfoncée dans une paire de Dr. Martens éculées ; fantasme alternatif qui se découpe dans la pénombre d’un immeuble occupé du boulevard des Philosophes, à l’angle de la rue de Carouge, comme une réminiscence du Blade Runner de Ridley Scott.

Nous nous sommes rencontrés à l’occasion d’un concert dans la cave brinquebalante de l’Ilôt 13, derrière la Gare Cornavin. Île au trésor pour jeunes rebelles et haut lieu de contestation sonique, où l’on converge chaque week-end en provenance des quatre coins du canton, de la France voisine, voire de l’Europe toute entière, sous une voûte humide qui semble au bord de la rupture à chaque coup de cymbale, à chaque vague de pogo ou décharge de guitare saturée.

Un refuge, une énergie, des amitiés

L’époque est modeste, nos moyens humbles. Point d’ordinateur, encore moins de smartphone, pas de téléviseur, encore moins de couleur, et une téléphonie toujours enterrée, nos possessions se résument le plus souvent à quelques disques et livres, un tourne-disque et deux vieilles enceintes. Nos dépenses se limitent à une bière ou un renversé dans un vieux bistrot du Rond-Point de Plainpalais. Mais l’énergie bouillonne et notre liberté reste farouche, avec les squats pour refuge.

Pas de douche et d’eau chaude, on se lave en catimini dans les vestiaires de l’Uni Dufour, une structure de béton inspirée par Le Corbusier qui abrite le Rectorat et les services administratifs de l’Université de Genève. Une forme de pauvreté joyeuse et participative, ne rien posséder sinon l’amitié. Et le week-end, c’est la fête quand Ordure le skinhead offre sa tournée en remplissant le frigidaire du bar illégal au rez-de-chaussée, avec sa paie de vigile à l’aéroport.

À chaque étage, ses squatteurs. À chaque escalier, ses graffitis et son ambiance. Ici, des étudiants en art qui ouvriront bientôt, plus haut sur le boulevard, le fameux Rhino, acronyme d’un « retour des habitants dans les immeubles non occupés ». Là-bas, un tatoueur en appartement, dont on dit qu’il faut se méfier quand il a trop bu, mais qui n’en a pas moins le cœur sur la main, avant de jouer des poings. Et tous ces anonymes qui vivent, bricolent et créent à la marge.

Comme une famille recomposée, tribu chaotique avec ses grandes gueules et ses cousins parfois simplets. Bien loin de l’image lisse de la « ville du bout du lac » des cartes postales, des photographies du jet d’eau avec le massif du Mont-Blanc en fond de décor, des boutiques chics des rues basses ou des salons compassés du Ritz-Carlton et de l’Hôtel des Bergues. Une autre ville, qui vibre et frémit encore, pour un temps, à l’écart des normes et des bilans comptables. ■

A lire également dans L’Inédit

Le témoignage de l’occupation de l’immeuble 2, rue Argand et sa série de photos

A consulter également sur notreHistoire.ch

Le bonheur est dans le squat, une série de vidéos des archives de la RTS
Les squats de Suisse romande, en photos des membres de notreHistoire.ch

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L'équilibre des forces

Coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

Notre rubrique Témoignage et récit reprend des articles des membres de notreHistoire.ch, à l’instar de ce texte de Marc Schindler, journaliste de presse écrite et de télévision (le titre et les intertitres sont de la rédaction).

Il fut mon rédacteur en chef au Journal de Genève et mon premier maître en journalisme. Bernard Béguin (1923-2014) était un grand journaliste à l’ancienne. Je revois encore sa longue silhouette, son élégance britannique, son regard amical derrière ses lunettes, sa manière d’écouter, j’entends sa voix douce au téléphone : Béguin. Il m’avait engagé sur un coup de téléphone. Le Journal de Genève cherchait un jeune journaliste pour sa rubrique étrangère. Je terminais mes études à l’Institut de hautes études internationales. Quelques semaines plus tard, je franchissais la porte du vieil immeuble de la rue Général-Dufour, à Genève. J’étais admis dans le saint des saints de la haute bourgeoisie et du libéralisme protestant genevois !

Le Journal dirigé par René Payot était une petite rédaction d’individualistes. Olivier Reverdin, directeur, conseiller national et professeur de grec à l’Université, envoyait chaque semaine son édito de politique fédérale, rédigé dans le train. Eugène Fabre, au passé bien connu d’extrême-droite, menait d’une main de fer le secrétariat d’édition, tout en assurant d’une plume féroce la critique théâtrale. Jean-Daniel Candaux, brillant spécialiste de Voltaire, avait été chargé de la politique genevoise où il brocardait les notables. Le jeune avocat Alain Hirsch mettait ses compétences au service de la rubrique économique. Georges Duplain régnait en maître comme correspondant à Berne. Walter Weideli animait la rubrique littéraire, l’un des fleurons du quotidien, et il avait réussi à convaincre la direction de mener une collaboration avec un journal de Varsovie – en pleine guerre froide – avant d’écrire sur le baron Necker, ministre des Finances de Louis XVI, une pièce intitulée Le banquier sans visage, qui avait fait scandale à Genève!

Dialogue avec un putschiste

Bernard Béguin menait cette barque d’une main ferme, sans élever la voix. Chaque matin, la conférence de rédaction réunissait les journalistes dans le bureau de René Payot. Tout le monde était debout, la séance était vite enlevée, les rôles distribués et Payot proposait l’édito, qu’il rédigeait à la main en « pattes de mouche » que seul le chef d’atelier parvenait à déchiffrer. J’ai pris ma première leçon de journalisme en avril 1961, lors du putsch des généraux en Algérie, qui ont tenté de soulever l’armée et les pieds-noirs pour maintenir l’Algérie française. J’étais noyé sous l’avalanche de dépêches que crachaient les télex. Comment raconter l’histoire qui s’emballait, comment vérifier ? Bernard Béguin gardait la tête froide. La Der comprendrait à gauche le récit des événements vus de Paris, à droite, le récit vu d’Alger et au milieu le commentaire du rédacteur en chef!

Bernard Béguin était un spécialiste de politique étrangère, dont il connaissait les acteurs et les rouages. Bien informé, notamment grâce aux contacts personnels de Payot avec le monde politique français, il rédigeait des éditoriaux qui faisaient autorité en Suisse et à l’étranger. Il m’a appris – je ne l’ai pas oublié – que lorsqu’une négociation est rendue publique, c’est qu’elle a échoué. Il savait qu’un journaliste ne doit jamais écrire tout ce qu’il sait. Il m’a raconté son entretien confidentiel avec le colonel Antoine Argoud, la cheville ouvrière du putsch des généraux, pilier de l’OAS, condamné à mort par contumace. L’officier putschiste en cavale avait passé deux heures dans le bureau de Béguin pour lui raconter sa guerre pour l’Algérie française. Le journaliste n’avait pas osé prendre des notes. Il n’avait même pas pu prévenir sa femme qu’il ne serait pas là pour le repas. Il craignait que le colonel pense qu’il appelait la police !

Après le départ du colonel putschiste, Béguin avait frénétiquement rédigé un mémo sur son entretien, mais rien n’a paru dans Le Journal de Genève. Un scoop, ce n’était pas le genre de ce gentleman du journalisme !

Je l’avais retrouvé à la Télévision romande où il était devenu directeur des programmes, après le putsch des jeunes Turcs du journal qui l’avaient privé de son poste. Ce n’était pas un homme de télévision. Mais ses commentaires lucides, bien écrits et dits d’une voix claire passaient bien à l’écran. Il avait même trouvé un truc pour conclure : il mettait dans la poche de son veston le stylo qu’il tenait en main. Ce grand journaliste avait aussi une haute idée de son métier et de l’éthique de la profession. Il avait écrit un petit ouvrage à l’intention de ses jeunes confrères Journaliste, qui t’a fait roi ? Il racontait : « un jeune et brillant journaliste de la Télévision déclarait : Nous sommes là pour déranger. – Ah ? et qui vous en a chargé ? Ainsi le vétéran posait lui-même la question: «Qui t’a fait roi?» Avons-nous vraiment, comme Napoléon, pris la couronne des mains du pape pour la poser nous-mêmes sur notre propre tête ? » Une leçon de modestie et de rigueur professionnelle qui restera sa marque. ■

A consulter également sur notreHistoire.ch

L’interview du Shah d’Iran, lors de sa visite en Suisse, en octobre 1961. Un document des Archives de la RTS.

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