L'Inédit

par notreHistoire


Fête des vignerons Vevey

Coll. J.-M. Dupasquier/notreHistoire.ch

En pleine matinée du 11 août 1999, le spectacle de la Fête des Vignerons suit son cours. Soudainement, au moment de l’épiphanie de Dionysos, le ciel s’assombrit. Il y avait certes un peu d’orage dans l’air ce jour là, mais l’événement était attendu : une éclipse solaire totale était annoncée, elle allait se dérouler en pleine représentation. A croire que la lune était jalouse du soleil, au point de venir lui ravir un peu de lumière sur la scène de la Fête des Vignerons. Certains sont déçus, il ne fait pas nuit noire. Mais les figurants et les spectateurs se sont figés et une nuée de lunettes argentées couvrent leurs yeux. En silence, tous contemplent le spectacle des deux astres qui se déroule devant leurs yeux.

Comme l’explique François Rochaix, le concepteur de la Fête des Vignerons 1999, au micro de la RTS, tout était prévu. L’éclipse attendue est intégrée au spectacle. « On a pu accompagner l’apparition d’un dieu de fiction, Dionysos, par l’apparition d’une éclipse de soleil réelle, ça s’est extraordinaire! » Tout a été entrepris pour permettre aux spectateurs dans la gradins et aux acteurs et figurants sur scène de profiter de ce moment unique. Avant la représentation, des lunettes ont été distribuées aux entrées et dans les coulisses.

L’ombre créée par le passage de la lune devant le soleil parcourt 13’000 km (du Canada au Benghale, via l’Europe). Malgré sa courte durée, environ 5 minutes, elle reste l’une des plus exceptionnelles et des centaines de millions d’individus peuvent assister à une éclipse totale de soleil. En règle générale, ces phénomènes ne sont observables que dans des régions peu habitées et ne couvrent pas une telle distance.

Comme le titrait le journal 24 Heures dans son édition du 12 août 1999: « Le Soleil noir entre en scène ». Sa prestation, heureusement, n’aura duré qu’un instant. ■

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Les Fêtes des Vignerons en archives photographiques, et en vidéos de la RTS

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Scène de rue en 1943

Coll. M.M. Demont/notreHistoire.ch

Partout la guerre, en ce 8 juillet 1943. Mais à Yverdon-les-Bains, à la rue du Midi, le calme règne sur une petite rue plantée d’arbres. Au sud, elle est bordée de champs où broutent paisiblement les vaches et les chevaux de la ferme Bühler, laquelle est installée à la jonction de la rue du Midi et de la rue Roger-de-Guimps. Longue d’une vingtaine de mètres, la rampe inclinée donnant accès à la grange de l’exploitation agricole sert de piste de luge aux gamins du quartier lors des hivers enneigés d’alors, et le fenil abrite parfois quelques amours enfantines pas toujours innocentes.

Quotidiennement, remontant la rue paisible, poussant devant elle sa brouette, la Marie aux beuses (beuse : variante Suisse romande de bouse) collecte les crottins et les bouses laissés par le bétail. Elle en fait commerce avec des propriétaires de jardins potagers.

Seuls quelques cyclistes se rendant à leur travail, et un petit nombre de chars de livraison tirés par des chevaux empruntent cette artère sur laquelle les enfants du quartier jouent librement à la marelle, au football de grille avec une balle de tennis usée jusqu’à la corde ou une boîte de conserve vide, à cache-cache, à la bague d’or, aux cow-boys et aux Indiens, patinent, font de la luge ou du vélo selon la saison.

Les conducteurs des rares véhicules s’excusent d’interrompre le jeu un bref instant.

Menant sa charrette à bras, le facteur, Monsieur Roy (alpiniste, il a gravi le Cervin), s’accorde une courte pause, juste le temps de participer à l’action avec les enfants et de marquer un but.

Bien avant que le jour ne se lève, Monsieur Zwahlen, le laitier (il s’est rendu célèbre par la fabrication artisanale de marionnettes), secondé par le chien saint-bernard qui tire sa carriole, livre lait, beurre, crème, fromage selon les commandes inscrites sur un billet déposé la veille au soir par chacun de ses clients dans leur boîte à lait.

En 2019, plus de 10’000 véhicules empruntent chaque jour la rue du Midi. ■

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Yverdon-les-Bains, hier et aujourd’hui

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Visite Royale

Coll. J. Blaser/notreHistoire.ch

Le 30 avril 1980, la reine Elisabeth II d’Angleterre fait les honneurs d’une visite officielle au Palais de Beaulieu à Lausanne. A cette occasion, plusieurs centaines de personnes composant la colonie britannique en Suisse sont invitées à une réception. La tournée de la reine comprend un déjeuner au château de Chillon et un cocktail à l’English Speaking Club de l’avenue Dapples. Au passage, le journal 24 heures se permet d’ironiser sur le chapeau de la souveraine, orné de papillons artificiels.

La porte par laquelle sort la délégation appartient à la façade principale du Palais de Rumine. Cette façade de béton est construite en 1939 par l’architecte Charles Braun dans le style néoclassique monumental très en vogue dans les années 1930, à l’instar de Palais de Chaillot, à Paris. Avant l’installation de la foire annuelle du Comptoir suisse à Beaulieu en 1920, dont le Palais est le siège principal, le site faisait partie du domaine du même nom. Le château de Beaulieu, qui abrite aujourd’hui le Musée de l’art brut, se trouve en contrebas. Le terrain est racheté par la Ville en 1860 pour servir de place d’armes et de champ de manœuvres, l’esplanade de Montbenon s’avérant trop étriquée pour ce type d’exercice. La construction de la caserne de Lausanne en 1882 un peu plus haut, à la Pontaise, confirme la vocation militaire du lieu.

En 1920, l’architecte Charles Braun dirige déjà la construction d’une première halle en dur, faite de grands cintres en béton armé. Autour de cette halle centrale, s’agglutinent progressivement de nouveaux équipements : grand restaurant, halle des fêtes, bâtiment administratif et théâtre. Braun, architecte attitré du Comptoir suisse, en assume la réalisation jusqu’à sa mort en 1946. Les architectes Charles Thévenaz et son fils Charles-François prennent alors la relève. Au-dessus de chaque porte est indiquée une des différentes fonctions du bâtiment : salle de bal, grill-room, théâtre, etc. Les candélabres de part et d’autre de chaque porte ont aujourd’hui disparu. La photo ne permet pas de voir à gauche et à droite de la façade deux grandes statues de béton, dressées par le sculpteur Casimir Reymond en 1954 et représentant l’agriculture et l’industrie dans un style presque stalinien.

La mort du Comptoir suisse a été déclarée en 2019. Le site est aujourd’hui en pleine transformation. Le théâtre, une des plus grandes salles de Suisse, est en train de subir une rénovation complète. L’intérieur de Palais a été presque entièrement vidé ou reconstruit, ne conservant que sa façade monumentale. God save Beaulieu! ■

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Marcel Cotting

Marcel Cotting a pris la succession de son père au Café des Chemins de fer, à Fribourg, faisant de ce lieu une institution populaire.

Photo Alain Wicht, coll. L'Inédit/notreHistoire.ch

Non loin de la gare de Fribourg, des ensembles résidentiels ont poussé de part et d’autre du passage du Cardinal. Face à son débouché, les archéologues des siècles futurs ne risquent pas de découvrir les vestiges du Café des Chemins de fer, mais le souvenir reste vivant.

La mémoire des cafés remplit des bibliothèques, parce que les écrivains – piliers de ces établissements – ont érigé l’éloge du bistrot en genre littéraire. Les peintres ont si bien contribué à l’entreprise d’immortalisation que le bistrot est devenu lui-même œuvre d’art, objet culturel, et matière à expositions. La dernière en date, close le 17 mars 2019 au Musée d’art et d’histoire Fribourg, rappelait opportunément la fonction des cafés : c’est « une soif de société » qu’ils étanchent.

On le ressent d’autant plus douloureusement que les cafés ont connu une véritable décimation, à Fribourg, dans les quartiers historiques de la Basse-Ville et du Bourg. Dans la ville haute et les quartiers modernes, ceux où les voisins composent un fond de clientèle consistant ne se comptent plus que sur les doigts d’une seule main. Du moins sont-ils encore debout. Le Café des Chemins de fer, lui, ne vit plus que dans les têtes, où il résume une tranche d’histoire urbaine – celle qu’il concentra entre les décennies 1920 et 1970, quand il polarisait en bonne partie le quartier de Pérolles.

Coll. L'Inédit/notreHistoire.ch

L’odeur des fabriques

Celui-ci, né à la belle Epoque, avait au milieu du siècle ajouté à sa population bourgeoise originelle une dense classe moyenne de fonctionnaires et commerçants, artisans et petits patrons, sur un socle ouvrier résistant. Les usines s’y mêlaient encore aux habitations. L’industrie longeait la voie de chemin de fer, et plus on s’éloignait de la gare, plus elle devenait hégémonique. Les fabriques se reconnaissaient à l’odeur : chocolat, fonderie, bière, patates. Dans les propos quotidiens, leurs raisons sociales obéissaient à un code familier; on bossait au Cardoche (la brasserie du Cardinal), aux Cartonnages (l’Industrielle, ou Cafag), aux Flocons (la Fédération des syndicats agricoles produisait des aliment pour le bétail). Le Café des Chemins de fer ralliait à heures fixes beaucoup de ces travailleurs – l’écriture inclusive n’est pas de mise ici, car les femmes ne fréquentaient pas les bistrots, du moins pas seules. Le Fribourg de l’immédiat après-guerre gardait aussi une forte proximité au monde rural. On y croisait autant de tracteurs que de camions. A moins de cent mètres du café, sur la droite, opérait le marchand de bétail Geissmann; à la même distance, du côté opposé, s’étendait le champ de foire. Le café offrait à celui-ci une sorte d’annexe, terrain vague en bordure de rue où les paysans attachaient à une barre de fer les bovins qu’ils venaient d’acheter. Tout cela, bien sûr, a disparu.

Louis Cotting a tenu le Café des Chemins de fer durant quatre décennies.

Coll. L'Inédit/notreHistoire.ch

Louis Cotting (1882-1966) avait racheté le bistrot en 1923, imperturbable en dépit des sarcasmes sous le bonnet brodé qu’il ne quittait que pour dormir : « Tu n’auras jamais personne, c’est trop loin de la gare. » Presque trente ans plus tard, quand il laissa les rênes à son fils Marcel (1921-1988), le bistrot ne désemplissait pas de la journée. En vingt ans, Marcel en fit une véritable institution, tout en acquérant la stature d’un patron légendaire, à la bonne humeur inaltérable. Il gérait son établissement avec un doigté musical, réglant les entrées et mouvements de la clientèle comme un chef d’orchestre ceux de ses registres.

Moyennant quoi le Café des Chemins de fer intégra sans douleur les changements du quartier, parce que toutes les générations et les milieux sociaux s’y côtoyaient ou s’y relayaient, mais aussi parce qu’il s’enrichissait des apports les plus improbables. Les étudiants américains de la Villa Saint-Jean, par exemple, qui y passaient autant d’heures qu’à leurs cours, introduisirent le self-service au bar sans perturber le travail des sommelières, et le rock’n’roll au juke-box sans exclure le yodel aimé du patron, qu’ils appelaient « Mââârcel », of course. ■   

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