Contraste
saisissant entre ces baraquements de saisonniers et les tours de Carouge
situées à l’arrière-plan. Les occupants des baraques sont venus en Suisse pour
construire ces bâtiments, mais ils n’ont pas le droit d’y habiter et de
profiter de leur confort moderne. Avec le statut de saisonnier, on ne peut
séjourner que 9 mois par an dans le pays. Par un effet pervers, il est donc impossible
de louer un logement pour une si courte durée. C’est donc aux entrepreneurs de
s’occuper du logement. Dès les années 1950, avec l’explosion du nombre de
saisonniers, des scandales éclatent dans la presse sur les conditions de
logements de ces travailleurs précaires. Souvent, les patrons les logent dans
des bâtiments en voie de démolition ou en cours de construction, ou dans ces
baraquements aux conditions d’hygiène et de promiscuité inacceptables. On
compte ici 6 personnes dans chacun des 20 pavillons.
De tels camps existent tout autour de Genève, dans
la couronne des cités satellites : à Meyrin, à Cointrin ou au Lignon. Pour
ce dernier chantier, les baraques sont aussi installées au pied des tours, au
Bois-des-Frères. Elles sont toujours là, réaménagées en habitations plus
confortables. On en voit également plus au centre, le long des voies de chemin
de fer, chemin de Galiffe, toujours gérées par l’Armée du Salut.
Dans
les années 1960 déjà, des mouvements de protestation se développent. Issues de
milieux militants, de syndicats ou d’habitants des baraques elles-mêmes, pétitions, manifestations
et menaces de grève dénoncent cette situation et demandent l’abolition du
statut de saisonniers instauré en 1931. A partir de 1970, les autorités
essaient de remplacer ces symboles honteux de la précarité économique par des
foyers plus acceptables. Le centre des Tattes à Vernier est ainsi réalisé en
1987 en collaboration avec les milieux patronaux et syndicaux. Avec la
raréfaction des saisonniers, le centre est reconverti en lieu d’accueil des
requérants et requérantes d’asile. Le statut de saisonnier ne sera aboli qu’en
2002, non pas pour raisons humanitaires, mais pour se conformer aux accords de
libre circulation avec l’Union européenne.
L’auteur de cette photographie, Christian Murat (1933-2013) a travaillé la plus grande partie de sa carrière pour La Tribune de Genève tout en conservant son statut de photographe indépendant. Il a réalisé plusieurs reportages remarquables à l’intérieur des baraquements et à la gare de Cornavin sur l’arrivée des migrants et migrantes. ■
Pour en savoir plus
Nous, saisonniers, saisonnières… Genève. 1031-2019, Archives contestataires, Collège du travail et Rosa Brux, Genève, 2019
« La Suisse officielle a fait au général Guisan de nobles funérailles. Elle s’est acquittée de ce devoir avec simplicité, comme le commandent nos mœurs et nos traditions. La population s’est associée d’un plein cœur à cet hommage. Elle était grave, émue… » Ainsi commence l’éditorial de Pierre Béguin dans La Gazette de Lausanne, du 13 avril 1960, au lendemain des obsèques du général Guisan. Le cortège funèbre, entre le domicile de la famille Guisan à Ouchy et la place de la Riponne, aura rassemblé plus de 120’000 personnes. Un événement exceptionnel dont témoignent de nombreuses photos par la foule. Il faut « fixer » l’Histoire, et qui plus est le dernier hommage de celui qui a fait l’Histoire. Une série d’images réalisées par des anonymes alors que passe le cortège est maintenant réunie sur notreHistoire.ch aux côtés des archives du Ciné Journal Suisse et d’un enregistrement sonore inédit effectué depuis la Tour Bel-Air. On y entend sonner le glas de la cathédrale et la marche du cortège, perturbé par le passage d’avions Venom!
Devant la Tour Bel-Air, justement. Des échelles comme un signe d’élévation ou de recherche d’une transcendance. On veut voir une dernière fois le général Guisan passer sous ses yeux, de haut si possible, pour ne pas être gêné par la foule et lui faire un dernier adieu en plongée, du ciel.
Au premier plan, des échelles de bric et de broc, en bois, qui contrastent avec l’arrière-plan, moderne et infiniment haut de la tour. Cette image symbolise ce changement d’époque qui naît. Quatre ans avant l’Exposition nationale, laquelle engendrera de titanesques travaux d’urbanisme et verra Lausanne entrer de plein pied dans une nouvelle modernité urbaine.
Il y a 60 ans maintenant, ce 12 avril 1960, des femmes, des hommes et des enfants s’amassent au centre-ville de Lausanne pour voir défiler le corbillard du général Guisan. Une cérémonie grandiose mais sans faste, nappée de silence et de respect. Ici, au début de la décennie des années 1960, nous nous situons à une intersection. Le monde ancien s’en va et jaillit celui qui deviendra notre contemporanéité. Pour beaucoup le général symbolisait en ces temps de guerre et d’après-guerre l’autorité, le père et une certaine défense de la neutralité et de l’indépendance de la Suisse face à l’Allemagne nazie. Même si l’on sait depuis, grâce aux travaux d’historiens, que la chose fut plus complexe et pleine de contradiction.
Que dirions-nous aujourd’hui d’une telle foule venue saluer une dernière fois un chef militaire ? Il n’y a plus rien de comparable à un tel rassemblement en Suisse. Et le nombre constituant la foule n’est pas le seul critère de ce que l’on appelle sommairement l’émotion collective. Dans les années 2000, la Lake parade à Genève, ou la Street Parade,à Zurich, ont rassemblé elles aussi plus de 100’000 personnes, mais ça, c’est une autre histoire. ■
Notre rubrique Témoignage et récit reprend des articles des membres de notreHistoire.ch, à l’instar de ce texte de Sylvie Bazzanella dont la lecture est bien à-propos en cette période de Pâques (les intertitres sont de la rédaction).
Lausanne fêtait jadis, avec une particulière animation, le corps de métier bien représenté qu’est celui des bouchers. Traditionnellement, la Fête des garçons bouchers, l’une des plus anciennes manifestations lausannoises, se déroulait le lundi de Pâques.
La confrérie des bouchers apparaît déjà dans l’histoire lausannoise en 1343, mais c’est en 1552 que le traditionnel et célèbre ramassage des œufs revêtit sa véritable signification. Il faut dire que cette année là, un garçon boucher fort bien fait de sa personne livra querelle à un étudiant coupable de lui avoir ravi le cœur de sa belle. En 1558, les membres de la corporation des garçons-bouchers, charcutiers et tripiers de Lausanne instituaient la «Fête des œufs» en souvenir de leur loyal compagnon. Depuis elle fut célébrée avec parfois de longues coupures.
Un cortège haut en couleurs, riche en casquettes et culottes noires, blouses de satin blanc, ceintures rouges, emmenés par de magnifiques cavaliers défilait en ville, par Chauderon, Montbenon, Saint-François, les rues du centre, de l’Université, la Borde… Bœufs plantureux parés de guirlandes, groupe instrumental en grands uniformes, groupe de tambours, drapeaux, bannières, groupes de cyclistes fleuris, délégation des laitiers, char fleuri, voitures de fantaisie… De gracieuses jeunes filles en blanc, avec grande écharpe rouge en sautoir. Des enfants tout de blanc ou de rose vêtu portaient de légers arceaux de verdure et de fleurs. Partout, affluence et enthousiasme du public.
La course aux œufs se tenait à Montbenon, puis bien des années plus tard, à Beaulieu. Avec l’installation du Comptoir suisse, la manifestation se déplaça à Vidy. Y était organisé un match de football entre bouchers et boulangers, traction à la corde, course aux sacs, etc…
Aux abattoirs, dans l’une des grandes halles décorée de verdure, après une collation, c’était joie, danse; une animation du tonnerre ! Et le soir, au Splendid, il y avait bal, entrecoupé de productions clownesques et acrobatiques. Mais beaucoup de traditions se perdent…
Afin de faire revivre cette vieille tradition lausannoise, la «Chorale» et la «Section du personnel de la boucherie de Lausanne», organisent chaque année la «Course aux œufs des bouchers» qui se déroule sur l’esplanade du Châtaignier au Mont-sur-Lausanne. Elle est suivie par une course pour les enfants et un concert de la «Chorale des bouchers de Lausanne». En soirée un bal champêtre est organisé. Sauf à Pâques 2020, distanciation sociale oblige… ■
Références
1. Feuille d’Avis de Lausanne, 19 avril 1938 – Gazette de Lausanne, 4 avril 1952 – Le Régional, 6 et 7 avril 2006 – Nouvelle Revue de Lausanne, 19 août 1978. 2. Découvrir la légende à l’origine de la Fête des garçons bouchers par ce lien.
Jean-Jacques Lagrange, un des fondateurs de la RTS, fait revivre dans cette série les premières heures de la Télévision, ce nouveau média qui va transformer la société des années 1960. Pour lire les articles précédents, cliquez sur ce lien.
Initiateur du groupe de la Télévision Genevoise, René Schenker, qui est alors directeur adjoint de Radio-Genève, propose à la Ville de Genève un reportage sur le Corso fleuri des Fêtes de Genève de 1954. Un projet qui déclenche des commandes de NBC, RTF Paris, Hilversum, Hambourg et Copenhague. Mais comme il est impossible de tirer des copies de films, l’équipe de tournage doit profiter des deux passages du Corso pour filmer un maximum d’images. C’est à Berne, aux laboratoires Schwarz, que les films inversibles sont développés et montés pour gagner du temps. Chaque plan est coupé en six pour faire six films presque identiques qui sont envoyés par poste express aux cinq stations qui les ont commandés, alors que la sixième version est diffusée sur l’antenne de la Télévision Genevoise avant d’être envoyée à la TV Suisse de Zurich. C’est notre premier reportage qui va passer sur la TV Suisse ! Pour ne pas le manquer, l’équipe de Mon Repos monte au Salève afin de capter l’émetteur du Bantiger en branchant une antenne sur un récepteur TV alimenté par un générateur !
Mais ce qui frappe surtout les édiles et les membres du Conseil municipal, ce sont les lettres qu’ils reçoivent de Suisses émigrés aux Etats-Unis, émus et excités d’avoir vu le Corso sur leur écran TV. Soudain, pour tous ces politiques, la télévision prend une autre dimension et ils en perçoivent vaguement les possibilités. Ils votent dans la foulée tous les crédits que le maire de Genève, Albert Dussoix, leur propose !
Un nouvel effort pour l’automne
1954
René Schenker et Albert Dussoix préparent déjà les grandes manœuvres en vue de l’automne. Il faut un nouveau budget que Dussoix trouve facilement. Il faut ensuite profiter de la pause d’été commençant le 10 juillet pour déplacer l’émetteur afin de mieux arroser le canton. Le choix se fixe sur la Tour de la Rippaz, à Cologny, qui permet d’étendre la diffusion sur l’ensemble du territoire genevois et sur la côte lémanique jusqu’à Lausanne. Pour entrer le châssis de l’émetteur dans la tour exiguë, il faudra le hisser extérieurement par le toit puis le scier en deux et le ressouder à l’intérieur !
La liaison link est donc facile de la Rippaz sur la villa Mon Repos, à Genève, où on installe le Télécinéma 16mm Radio-Industrie dans la véranda avec un nouveau Télécinéma 35mm que René Schenker a acheté à un constructeur genevois d’électronique, les Laboratoires Industriels de Monsieur Pradier. René Schenker achète également une petite caméra vidéo industrielle sans viseur pour pouvoir faire des annonces en direct sur laquelle on bricole une tourelle avec deux objectifs : un grand angle et un téléobjectif que l’on change à vue d’un vif coup de manivelle ! Et le bulletin de programme La Boîte à images que nous adressons aux téléspectateurs rappelle cette consigne importante : « Ne pas oublier de diriger l’antenne de votre poste récepteur sur la Tour de la Rippaz à Cologny et ne plus la laisser diriger vers l’Institut de Physique » !
La saison d’automne de la Télévision Genevoise démarre en fanfare le 30 août 1954. René Schenker a trouvé à Paris pour un prix dérisoire les films de Dimitri Kirsanof, un marginal du cinéma français, et d’autres films qui enrichissent le programme. Il achète les films de voyage de Georges Marny, un metteur en onde de Radio-Genève et ceux du journaliste-cinéaste Jean-Paul Darmstetter.
Pour mettre en valeur la Genève Internationale, René Schenker crée une émission en anglais Happy to meet you confiée à Robert Nivelle, chef des services radio de l’ONU et à son épouse américaine, Colette Carvel, qui présente l’émission. Le bulletin de La boîte à images s’est étoffé et on y présente en détail des productions comme le reportage du Théâtre de Poche. A défaut de photos, je continue à faire des petits dessins suggestifs gravés directement sur les stencils ! Comme celui qui illustre le premier tournage son synchrone au Théâtre de Poche.
Enfin René Schenker a obtenu de l’Office Français du Tourisme une invitation pour un reportage en Pays Basque. Ce sera le premier reportage à l’étranger de la Télévision Genevoise ! Le 1er septembre 1954, je pars donc pour Biarritz comme réalisateur-journaliste avec Robert Ehrler qui utilise sa VW personnelle avec, dans le coffre, la caméra Paillard, la petite caméra son et une valise de survoltées.
Nous rejoignons à Bordeaux Monsieur Aymar, le délégué de l’OFT qui va nous accompagner. C’est un monsieur charmant, très cultivé, un peu vieille France avec sa lavallière et son panama blanc qui profite de cette mission pour faire de bons gueuletons ! Il décroche une interview du maire de Bordeaux… Jacques Chaban-Delmas, avant d’entraîner l’équipe à la découverte du Pays Basque qu’il connaît très bien. En une semaine cinq sujets de dix minutes sont tournés. Ils seront diffusés (et souvent rediffusés) sous le titre Le Pays basque à coup de manivelle : Les huîtres du bassin d’Arcachon – Corrida à Bayonne – Biarritz et Biriatou – Pelote basque – Voiles à Saint-Jean-de-Luz (voir une séquence vidéo et des photographies prises lors du tournage).
La Télévision Genevoise bouscule
la SSR
Mais le développement du
programme de la Télévision Genevoise pour l’automne et le dynamisme des
initiatives genevoises en fait tousser plus d’un à Lausanne et en Suisse ; la
SSR, elle, commence à s’échauffer. Il faut ici faire un petit retour en arrière
pour comprendre cette irritation du reste du pays.
En janvier 1953, le Parlement a voté les crédits pour une période expérimentale de télévision prévue uniquement à Zurich jusqu’en 1957. Il est décidé que la Suisse romande sera servie après 1958, mais un émetteur à la Dôle pourra relayer, dès 1954, le programme en allemand et un car de reportage couvrira probablement la Suisse romande en 1955 ! Cette politique timide et centralisée n’a fait qu’accélérer la détermination de l’équipe de Mon Repos à avancer dans son projet d’une télévision genevoise.
La Direction générale de la SSR constitue donc une équipe de jeunes Alémaniques, de Romands et Tessinois issus de la radio pour commencer cette période expérimentale à Zurich, sous la direction d’Edouard Haas, directeur des Ondes Courtes Suisses. Aucun des membres de l’équipe de Mon Repos ne s’étant inscrit pour aller à Zurich, René Dovaz veut qu’un Genevois fasse partie de cette équipe et il désigne Frank Tappolet (qui parle le suisse-allemand). Tappolet est un excellent producteur de variétés et régisseur musical à Radio-Genève. Il ne s’est pas intéressé à l’aventure de Mon Repos mais est attiré par la télévision. Il part donc à Zurich comme futur réalisateur.
L’équipe zurichoise est prise en
main par le couple Willy et Anne Roetheli – deux Suisses professionnels du
cinéma en France – pour un stage d’un mois à la RTF, à Paris, puis s’installe à
Zurich dans un studio de cinéma de la Kreutzstrase équipé en vidéo par les PTT pour
commencer ses émissions le 1er juillet 1953.
Cette période expérimentale se
déroule dans un certain climat d’hostilité de la classe politique alémanique
qui est contre l’introduction de la télévision en Suisse. Les relations sont
aussi mauvaises avec les cinéastes alémaniques qui méprisent le nouveau média
vidéo et avec les distributeurs de films qui se sentent menacés par l’arrivée
de la télévision.
En Suisse romande au contraire,
l’intérêt est très grand et exacerbe la lutte Genève-Lausanne. Pourtant les
deux villes surmontent leur rivalité pour demander d’une seule voix le
lancement rapide et anticipé d’un programme TV en Suisse romande. Le grand
succès de la Télévision Genevoise, la construction en cours de l’émetteur de la
Dôle et la venue annoncée pour Noël d’un car de reportage en Suisse romande
vont bouleverser les timides plans fédéraux et forcer la SSR à reprendre la
main pour convaincre le Conseil fédéral d’avancer l’expérience TV en Romandie.
La SSR reprend la Télévision
Genevoise
D’âpres négociations s’engagent, mais dans la hâte. Car la SSR souhaite lancer la Télévision Suisse Romande (TSR) au 1er novembre 1954 déjà. Le Parlement vote finalement un budget d’un million de francs pour l’extension TV en Suisse romande.
René Dovaz, René Schenker et Albert Dussoix insistent pour que l’équipe de la Télévision Genevoise soit engagée dans la nouvelle TSR et intégrée au personnel (surtout des techniciens de Radio-Lausanne) pour le car de reportage. Chacun des membres de l’équipe de Mon Repos pourra choisir s’il reste à Radio-Genève ou s’il passe à la TSR.
Comme René Schenker désire rester à Radio-Genève selon l’engagement qu’il a pris envers Frank Tappolet quand celui-ci a rejoint la TV de Zurich, c’est Tappolet qui est nommé directeur de la Télévision Suisse Romande. Il amène avec lui de Zurich quelques Romands de l’équipe expérimentale : Catherine Borel, Roger Bovard, Jean Kaehr, Jacques Stern et Serge Etter.
Pour la réalisation, la SSR engage trois personnes: Jean-Claude Diserens, Lausannois diplômé de l’IDHEC, André Béart, metteur en onde à Radio-Lausanne mais aussi ancien cinéaste documentaire et exploitant du Cinéac à Lausanne. Le troisième réalisateur doit être Genevois (pour conserver l’équilibre!) Je suis candidat avec William Baer. Finalement celui-ci préfère devenir chef opérateur du studio, je suis donc engagé comme réalisateur.
Pour apaiser les tensions entre les villes, le Conseil fédéral désigne Genève comme centre fixe «provisoire» et Lausanne comme centre mobile «provisoire» de la TSR. Ironie du sort, comme l’émetteur de la Dôle n’est pas terminé, les PTT sont bien content de reprendre l’émetteur des étudiants de l’Institut de physique qui va rester en fonction jusqu’en mars 1955 comme seul émetteur des images TSR !
C’est ainsi que le samedi 30 octobre 1954, l’équipe de Mon Repos diffuse son dernier programme qui résume six mois d’émissions et clôt en feu d’artifice une incroyable aventure qui s’achève victorieusement par le lancement anticipé de la Télévision Suisse Romande.
La dernière émission
Ce dernier programme commence à 20h30 avec une grande rétrospective de 60 minutes que j’ai montée avec les actualités, reportages et documentaires diffusés pendant six mois. A 21h30 Variétés parisiennes avec quatre jeunes de la chanson. A 22h L’invitation à la valse, un court métrage avec Roger Blin et Suzy Carrier. A 22h15 l’émission en anglais Happy to meet You de Robert Nivelle et Colette Carvel et, à 22h45, Pour prendre congé : C’est demain dimanche par le pasteur Robert Stahler!
C’est aussi la fin du bulletin La boîte à images et, pour tous ceux qui, dans l’équipe, ont été engagés à la TSR, c’est leur dernier jour d’employés de Radio-Genève. Robert Ehrler devient le correspondant du Téléjournal pour la Suisse Romande.
Le lendemain, 1er novembre 1954, tout l’équipe retrouve Frank Tappolet à Mon Repos pour préparer une première émission TSR sous ses ordres. Il y a quelques nouveaux techniciens qui desserviront sous peu les deux caméras PYE qui devront équiper le studio. Mais pour l’instant, on continue avec le matériel bricolé de la Télévision Genevoise alors que les techniciens PTT découvrent l’émetteur de la Rippaz qu’ils vont désormais utiliser en attendant que l’émetteur de la Dôle soit terminé.
Après la répétition, tout le
monde se rend dans un salon de l’Hôtel Métropole pour la cérémonie de passation
des pouvoirs. Discours des autorités politiques genevoises et de Marcel
Bezençon, directeur général de la SSR qui présente Frank Tappolet, le nouveau
directeur TSR.
Qui a la clé du studio ?
Après le cocktail, l’équipe
repart vers Mon Repos pour faire la première émission de la TSR et les
techniciens PTT rejoignent Cologny et la Rippaz. Mais arrivés au pied de la
tour, ils s’aperçoivent qu’ils n’ont pas la clef de la porte restée dans la
poche des étudiants de l’Institut de physique, jeunes potaches qui sont allés
fêter l’événement dans un bistrot de campagne. A Mon Repos, une tentative est
faite, en vain, pour prendre contact avec la Rippaz. L’émetteur restera muet et
la première émission de la TSR ne sera jamais diffusée !
Ainsi se termine l’aventure de la Télévision Genevoise commencée dans l’incertitude d’un nouveau média inconnu et qui s’achève deux ans plus tard par les débuts de la Télévision Suisse Romande. Une aventure rendue possible grâce à tous les collaborateurs bénévoles qui ont sacrifié leur temps libre à cette expérience d’une petite équipe de passionnés. Grâce aussi à l’aide des autorités municipales et cantonales qui ont investi plus d’un million de francs dans le financement de la Télévision Genevoise et dans la mise à disposition gratuite de terrains pour que la SSR puisse construire le centre TV de Carl-Vogt. ■
La suite de la série sera consacrée aux premières heures de la Télévisions Suisse Romande à la Villa Mon Repos.