L'Inédit

par notreHistoire


L'équipe studio (2/2)

Le petit studio de Mon Repos encombré par le matériel d'éclairage et les caméras vidéo. De gauche à droite: un cableman, Michel Zangger, Michel Stucky, techniciens, Jean-Louis Roy, M. Mercier, électricien, Jean-Jacques Lagrange, réalisateur, William Baer, chef opérateur et caméraman.

Photo Jaques Margot, coll. J.-J. Lagrange/notreHistoire.ch

Jean-Jacques Lagrange, un des fondateurs de la RTS, fait revivre dans cette série les premières heures de la Télévision, ce nouveau média qui va transformer la société des années 1960. Pour lire les articles précédents, cliquez sur ce lien.

Le 1er Novembre 1954, la Télévision Suisse Romande (TSR) reprend le studio de la TV Genevoise installé à la villa Mon Repos, dans le parc de la Perle du Lac, à Genève. La TV Genevoise y diffusait ses émissions depuis le 28 janvier 1954. Avec la TSR, les émissions seront diffusées les lundi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi, de 20h. à 21h.30. Le mardi est jour de relâche pour l’entretien technique des équipements et le dimanche doit rester sans télévision, selon la décision du Parlement, afin de « respecter le jour du Seigneur » !

Le studio situé dans le salon de la villa Mon Repos mesure 6m. sur 12m. soit 72m2 ! Les PTT (qui sont en charge de la technique pour la TV) l’ont équipé de deux caméras électroniques PYE pour faire des émissions en direct (ce dont ne disposait pas la TV Genevoise) qui complètent le télécinéma 16mm  qui permettaient à la TV Genevoise de diffuser ses programmes entièrement réalisés sur film 16mm et le télécinéma 35mm pour les films cinéma loués.

La Villa Mon Repos, à Genève, siège du studio de la TV Genevoise repris par la TSR le 1er novembre 1954. Elle est dédiée aujourd'hui au Centre pour le dialogue humanitaire.

Photo Jaques Margot, coll. J.-J. Lagrange/notreHistoire.ch

Ce lancement précipité de la TSR, alors que l’émetteur de la Dôle prévu pour la chaîne romande n’est pas terminé, peut s’expliquer par la livraison du car de reportage vidéo PYE qui permet au Conseil fédéral et à la SSR de gérer provisoirement le conflit entre Genève et Lausanne sur l’attribution du Centre TV romand. C’est un compromis pour la période expérimentale en Suisse romande : Genève reçoit le « Centre fixe provisoire » avec le studio de Mon Repos et Lausanne reçoit le « Centre mobile provisoire » avec le nouveau car de reportage !

Une équipe réduite de passionnés

Le directeur de la TSR est Frank R. Tappolet, qui a été formé à la TV de Zurich. Il y a trois réalisateurs : André Béart, Jean-Claude Diserens et Jean-Jacques Lagrange. Nous réalisons chaque soir toutes les émissions en studio ou à l’aide du car, ainsi que les régies d’émission. Au studio, deux caméramen : William Baer, chef opérateur et Jacques Margot, également chargé de faire les photos de plateau. Jacqueline Baer est la scripte. Enfin, l’équipe de la TSR compte encore cinq techniciens pour la vidéo et le son et une décoratrice : Hugo Kleis à laquelle succédera Jean-Pierre Guillermet.

Le caméraman Jaques Margot, un des premiers collaborateurs de la TSR. Il est l'auteur de nombreuses photos de cette série consacrée à l'histoire de la Télévision.

Coll. J.-J. Lagrange/notreHistoire.ch

A Lausanne, le car de reportage PYE est livré début décembre et une équipe dirigée par Alain Rossel, chef technique, peut le prendre en main et faire les premiers essais hors antenne. Cette équipe comprend Roger Bovard, chef opérateur, Frank Pichard caméraman, un électricien et quatre techniciens pour la vidéo et le son, une script girl, une secrétaire et un régisseur : Dominique Cavin.

Comme l’émetteur de la Dôle n’est pas terminé, les émissions sont émises sur l’émetteur de la TV Genevoise, construit par les étudiants de l’Institut de Physique et qui est installé sur la Tour de la Rippaz à Cologny. Il est opérationnel depuis le 28 janvier 1954. L’émetteur de la Dôle entrera en fonction le 1er février 1955.

En direct et sans filet !

Toutes les émissions sont en direct et il n’y a aucun enregistrement possible de la vidéo jusqu’à l’installation d’un kinescope en 1959 ! La première émission de la TSR enregistrée le 31 janvier 1958 sur le kinescope de SRG à Zurich sera La Valse de Maurice Ravel par l’OSR dirigé par Ernest Ansermet. Les photos de cet article sont les seuls témoignages de toutes les émissions réalisées en direct (elles sont consultables sur notreHistoire.ch)

Chaque soir, l’émission TSR commence avec le Téléjournal diffusé la veille à SRG Zurich. Il s’agit de 15 minutes de news en film exclusivement qui sont commentées en cabine par Jean-Jacques Forestier ou Raymond Bech. Cette formule est imposée par le fait qu’il n’y a pas de liaison hertzienne entre Zurich et Genève. Donc, chaque soir la bobine film du Téléjournal, après diffusion à Zurich, est déposée par « hors sac » au wagon postal du train de nuit et récupérée à la gare de Genève par un collaborateur TSR pour traduction du commentaire allemand et diffusion le soir en différé!

Charles Aznavour est l'invité de la TSR dans son premier studio, à Mon Repos. Il est interviewé par Georges Hardy.

Photo Jaques Margot, coll. J.-J. Lagrange/notreHistoire.ch

Au printemps 1955, trois nouveaux réalisateurs viendront se joindre à l’équipe de départ : Paul Siegrist qui s’est formé en stage à la RTF, Raymond Bech journaliste et cinéaste qui prend le nom de Raymond Barrat comme réalisateur puis Pierre Matteuzzi, musicien qui s’est formé en stage à Mon Repos ainsi que d’autres collaborateurs, régisseurs de plateau et assistants.

Tensions entre Lausanne et Genève

Très vite, le studio de Mon Repos et ses 72 m2 se révèlera trop petit pour les projets d’émissions des réalisateurs. Au début 1955, le directeur de Radio-Lausanne, Jean-Pierre Meroz, profite de la situation et fait transformer son grand studio radio de 200 m2 en studio TV, contrairement aux engagements pris par les deux villes. Un gril pour éclairage est installé et le directeur TSR, Frank Tappolet, y laisse le car de reportage y réaliser des émissions dramatiques et des variétés.

La réplique de Genève est immédiate. Radio-Genève et la Ville de Genève transforment la salle de répétition de l’OSR dans le bâtiment de Carl-Vogt en un grand studio de 400 m2 avec construction de deux régies image et son sur le toit du bâtiment ainsi que des locaux pour les TC 16mm et 35mm.

La SSR et les PTT à Berne interviennent pour faire respecter les engagements pris entre Lausanne et Genève alors que les réalisateurs invoquent les possibilités offertes par le grand volume du nouveau studio Carl-Vogt pour demander le déménagement.

En juin 1955, la TSR s’installe dans ce studio que les PTT équipent d’une troisième caméra PYE, d’une grue de studio pour caméra et d’une girafe-son. De plus, la Direction générale de la SSR fait démonter le studio de Lausanne.

Pour rester neutre dans cet imbroglio politique, le directeur de la TSR, Frank Tappolet, ne se déplace pas à Carl-Vogt et garde son bureau à la villa Mon Repos avec toute la logistique naissante qui se mettait en place (administration, comptabilité, montage film et tous les nouveaux collaborateurs engagés). Mais très vite, les locaux deviennent exigus et la TSR déménage dans des bureaux loués dans un immeuble à la Place des Eaux-Vives. La villa Mon Repos a été rendue à la Ville de Genève qui y a installé le Centre pour le dialogue humanitaire. ■

Le prochain article de notre série sur l’histoire de la Télévision sera consacré au premier directeur de la TSR, un passionné de jazz.

A consulter également sur notreHistoire.ch

Il ne reste que de rares photos de cette période de l’histoire de la TSR, elles sont réunies sur notreHistoire.ch

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Collège Saint - Michel Fribourg - 1949

Sous la statue de saint Pierre Canisius, la traditionnelle photo de classe. Au premier rang, au centre, le préfet de l'internat, l'abbé Rossel, entouré des surveillants (1949).

Coll. P. Frochaux-Chevrot/notreHistoire.ch

Vidé de ses élèves par les mesures de lutte contre la pandémie, le collège Saint-Michel, à Fribourg, vit côté jardin le réveil de la nature, et côté cour un printemps silencieux. Plus un bruit, plus un mouvement dans l’espace minéral dessiné par les bâtiments d’origine et les ajouts du XXe siècle (l’ancien internat, « l’aquarium » à façade vitrée), pas un signe de vie non plus sur la place qui sépare l’église (1613) et le Lycée (1830). Dans ce cadre imposant, la suspension du temps favorise l’apparition de fantômes. Il y en a de plusieurs générations.

Les plus récents, encore bien en chair pour beaucoup, ce sont les grands-pères des garçons et des filles d’aujourd’hui. Ceux-là peuvent rire avec attendrissement, ou cultiver la nostalgie, en visionnant dans un document des Archives de la RTS, Mgr Edouard Cantin (1953-1971), leur ancien recteur, expliquer aux téléspectateurs romands, avec une onctuosité de prélat, que la mixité dans les écoles secondaires n’était pas souhaitable, à son point de vue de pédagogue catholique. Il fallait s’y résoudre néanmoins, ponctuellement, pour des raisons pratiques. Le collège du recteur Cantin était encore celui qu’avait façonné Georges Python, leader des conservateurs fribourgeois et directeur de l’Instruction publique de 1886 à sa mort en 1927.

Faire entrer des filles à Saint-Michel? Des élèves et le recteur, Mgr Cantin, expriment leurs réticences, trois mois après Mai 68.

Emission Carrefour (18.09.1968), coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

Soit un établissement 100% masculin, chez les élèves comme dans le corps professoral. Les seules robes qu’on pouvait croiser sur le site étaient les soutanes habillant les professeurs ecclésiastiques logés dans la maison. (Pour les filles, il y avait l’Académie Saint-Croix tenue par les Sœurs d’Ingenbohl, une boîte privée reconnue par le canton pour délivrer la matu selon les prescriptions fédérales.) Unique à ce niveau dans le canton, le collège Saint-Michel était fermement structuré. A la filière humaniste classique, latin-grec ou latin-sciences, flanquée d’une filière commerciale, la malice des temps et le réalisme de Python avaient ajouté une légère teinture de chimie, de physique et de sciences naturelles dans les deux dernières années d’un cursus qui en durait huit. Toute la maison était cléricalement encadrée. Le recteur ne pouvait être qu’un ecclésiastique, idem pour le préfet des études et celui de l’internat, les prêtres enseignants détenaient tous les postes essentiels, la prière ouvrait les cours et la messe du dimanche était obligatoire. Tous les élèves portaient ce jour-là l’uniforme, un complet-veston-casquette bleu foncé à parements dorés qui les faisait vaguement ressembler à des caricatures d’officiers de marine.

La réputation du collège doit beaucoup à l'enseignement de la philosophie.

Emission Temps Présent (09.03.1972), coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

Ont totalement disparu du site les fantômes d’Alexandre Daguet et de ses amis du régime radical (1848-1856) qui tentèrent, dans cette brève parenthèse éclairée, de remodeler le vieux collège pour l’adapter aux besoins du temps. Rebaptisé Ecole cantonale, ce qui était déjà blasphématoire pour les tenants de la tradition, l’établissement s’articula en trois sections, littéraire (classique), pédagogique (pour former les instituteurs) et industrielle (la Realschule que les bourgeois de Bulle réclamaient depuis longtemps). Revenus au pouvoir, les conservateurs s’empressèrent d’effacer les traces de cette réforme, jusque dans les mémoires.

L’esprit de saint Pierre Canisius

Les fantômes les plus anciens, ceux de saint Pierre Canisius (1521-1597) et de ses compagnons jésuites, sont encore bien présents à Saint-Michel, parce que nombre de témoignages ont matérialisé leur souvenir, côté cour et côté jardin, et parce que l’empreinte du ratio studiorum élaboré au sein de la Compagnie a marqué la pédagogie du collège pendant quatre siècles. Pierre Canisius, que l’on célèbre comme le fondateur de la maison, n’y a jamais donné une heure de cours, mais la chambre où il est mort, transformée en chapelle, ouvre sur le jardin et le monument qui lui est dédié. A quoi ressemblait son collège ? Il était masculin et clérical à 100%, bien sûr, tout l’enseignement état dispensé par les Pères et les cours n’accueillant que les garçons. Il était élitiste, par force : non seulement les familles patriciennes détentrices du pouvoir étaient les seules solvables, ou presque, mais encore la stratégie des jésuites visait à former des dirigeants capables de mener au succès la Contre-Réforme dans l’ordre temporel, sous la conduite de l’Eglise. L’enseignement était humaniste, enfin, dans la mesure où il honorait les classiques Anciens. Les cours se donnaient d’ailleurs en latin. Au fond, le collège de Canisius était une préfiguration concentrée du collège de Georges Python.

Autant dire que Saint-Michel a connu plus de bouleversements depuis quarante ou cinquante ans que dans les quatre siècles précédents. Plus d’uniforme, plus de messe obligatoire. Dirigé par un laïc depuis 1983, le collège a perdu ses prêtres enseignants, accueilli dans ses classes les filles (en 1976 les Alémaniques, dix ans plus tard les Romandes) et recruté des femmes professeures (une pionnière est signalée dès 1970). Il a perdu son monopole cantonal pour la délivrance des matus, il y en a deux autres en ville, un quatrième à Bulle et un cinquième à Payerne, partagé avec le canton de Vaud. Enfin, la réorganisation des maturités fédérales en système à options multiples, entre 1998 et 2002, a fait sauter la structure traditionnelle des sections. Bref, le collège de Canisius et de Georges Python, aujourd’hui, est un bahut comme les autres. Mais les fantômes demeurent, et même ils agissent. « C’est le collège de Harry Potter », m’a confié une élève, ravie. ■

A consulter également sur notreHistoire.ch

Le collège Saint-Michel, en photos et vidéos des Archives de la RTS

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Carouge, la Praille: baraquements de saisonniers derrière la rue Alexandre Gavard

Photo Christian Murat, coll. Bibliothèque de Genève/notreHistoire.ch

Contraste saisissant entre ces baraquements de saisonniers et les tours de Carouge situées à l’arrière-plan. Les occupants des baraques sont venus en Suisse pour construire ces bâtiments, mais ils n’ont pas le droit d’y habiter et de profiter de leur confort moderne. Avec le statut de saisonnier, on ne peut séjourner que 9 mois par an dans le pays. Par un effet pervers, il est donc impossible de louer un logement pour une si courte durée. C’est donc aux entrepreneurs de s’occuper du logement. Dès les années 1950, avec l’explosion du nombre de saisonniers, des scandales éclatent dans la presse sur les conditions de logements de ces travailleurs précaires. Souvent, les patrons les logent dans des bâtiments en voie de démolition ou en cours de construction, ou dans ces baraquements aux conditions d’hygiène et de promiscuité inacceptables. On compte ici 6 personnes dans chacun des 20 pavillons.

De tels camps existent tout autour de Genève, dans la couronne des cités satellites : à Meyrin, à Cointrin ou au Lignon. Pour ce dernier chantier, les baraques sont aussi installées au pied des tours, au Bois-des-Frères. Elles sont toujours là, réaménagées en habitations plus confortables. On en voit également plus au centre, le long des voies de chemin de fer, chemin de Galiffe, toujours gérées par l’Armée du Salut.

Dans les années 1960 déjà, des mouvements de protestation se développent. Issues de milieux militants, de syndicats ou d’habitants des baraques elles-mêmes, pétitions, manifestations et menaces de grève dénoncent cette situation et demandent l’abolition du statut de saisonniers instauré en 1931. A partir de 1970, les autorités essaient de remplacer ces symboles honteux de la précarité économique par des foyers plus acceptables. Le centre des Tattes à Vernier est ainsi réalisé en 1987 en collaboration avec les milieux patronaux et syndicaux. Avec la raréfaction des saisonniers, le centre est reconverti en lieu d’accueil des requérants et requérantes d’asile. Le statut de saisonnier ne sera aboli qu’en 2002, non pas pour raisons humanitaires, mais pour se conformer aux accords de libre circulation avec l’Union européenne.

L’auteur de cette photographie, Christian Murat (1933-2013) a travaillé la plus grande partie de sa carrière pour La Tribune de Genève tout en conservant son statut de photographe indépendant. Il a réalisé plusieurs reportages remarquables à l’intérieur des baraquements et à la gare de Cornavin sur l’arrivée des migrants et migrantes. ■

Pour en savoir plus

Nous, saisonniers, saisonnières… Genève. 1031-2019, Archives contestataires, Collège du travail et Rosa Brux, Genève, 2019

A consulter également sur notreHistoire.ch

Le reportage de Temps Présent (27.11.1980) sur la vie quotidienne des saisonniers
Un choix de documents des Archives de la RTS

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Général Guisan, Lausanne, 1960

Coll. G. Baud/notreHistoire.ch

« La Suisse officielle a fait au général Guisan de nobles funérailles. Elle s’est acquittée de ce devoir avec simplicité, comme le commandent nos mœurs et nos traditions. La population s’est associée d’un plein cœur à cet hommage. Elle était grave, émue… » Ainsi commence l’éditorial de Pierre Béguin dans La Gazette de Lausanne, du 13 avril 1960, au lendemain des obsèques du général Guisan. Le cortège funèbre, entre le domicile de la famille Guisan à Ouchy et la place de la Riponne, aura rassemblé plus de 120’000 personnes. Un événement exceptionnel dont témoignent de nombreuses photos par la foule. Il faut « fixer » l’Histoire, et qui plus est le dernier hommage de celui qui a fait l’Histoire. Une série d’images réalisées par des anonymes alors que passe le cortège est maintenant réunie sur notreHistoire.ch aux côtés des archives du Ciné Journal Suisse et d’un enregistrement sonore inédit effectué depuis la Tour Bel-Air. On y entend sonner le glas de la cathédrale et la marche du cortège, perturbé par le passage d’avions Venom!

Devant la Tour Bel-Air, justement. Des échelles comme un signe d’élévation ou de recherche d’une transcendance. On veut voir une dernière fois le général Guisan passer sous ses yeux, de haut si possible, pour ne pas être gêné par la foule et lui faire un dernier adieu en plongée, du ciel.

Au premier plan, des échelles de bric et de broc, en bois, qui contrastent avec l’arrière-plan, moderne et infiniment haut de la tour. Cette image symbolise ce changement d’époque qui naît. Quatre ans avant l’Exposition nationale, laquelle engendrera de titanesques travaux d’urbanisme et verra Lausanne entrer de plein pied dans une nouvelle modernité urbaine.

Il y a 60 ans maintenant, ce 12 avril 1960, des femmes, des hommes et des enfants s’amassent au centre-ville de Lausanne pour voir défiler le corbillard du général Guisan. Une cérémonie grandiose mais sans faste, nappée de silence et de respect. Ici, au début de la décennie des années 1960, nous nous situons à une intersection. Le monde ancien s’en va et jaillit celui qui deviendra notre contemporanéité. Pour beaucoup le général symbolisait en ces temps de guerre et d’après-guerre l’autorité, le père et une certaine défense de la neutralité et de l’indépendance de la Suisse face à l’Allemagne nazie. Même si l’on sait depuis, grâce aux travaux d’historiens, que la chose fut plus complexe et pleine de contradiction.

A la place de la Riponne, la foule des anonymes.

Coll. G. Baud/notreHistoire.ch

Que dirions-nous aujourd’hui d’une telle foule venue saluer une dernière fois un chef militaire ? Il n’y a plus rien de comparable à un tel rassemblement en Suisse. Et le nombre constituant la foule n’est pas le seul critère de ce que l’on appelle sommairement l’émotion collective. Dans les années 2000, la Lake parade à Genève, ou la Street Parade,à Zurich, ont rassemblé elles aussi plus de 100’000 personnes, mais ça, c’est une autre histoire. ■

Référence

Les archives du Temps, Gazette de Lausanne du 13 avril 1960

A consulter également sur notreHistoire.ch

Une série inédite de photos des funérailles
L’enregistrement sonore du cortège réalisé depuis la Tour Bel Air
Les actualités du Ciné Journal Suisse

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