L'Inédit

par notreHistoire


Vissoie

Coll. M.F. Guillermin/notreHistoire.ch

Notre rubrique Témoignage et récit reprend des articles des membres de notreHistoire.ch, à l’instar de ce texte de Paul-André Florey basé sur la lettre écrite à Vissoie, le 15 juin 1941, par Marie Gerhard (Ottenwälder) et adressée à son fils Fernando, habitant Valls, en Espagne. (Le titre et les intertitres sont de la rédaction).

Dans une première partie de la lettre, Marie Gerhard demande des nouvelles de son fils cadet Fernando resté en Espagne. C’est lui qui a repris le commerce de vins de son père Robert Gerhard, à Valls, et les temps sont assez difficiles pour les affaires. Puis elle donne des nouvelles de son autre fils, Carlos, venu s’établir avec sa famille à Vissoie en janvier 1941, d’où elle écrit cette lettre :

« … Tu me parles du temps anormal, nous avons eu ici (à Vissoie) la lune rousse, les saints de glace, la St Médard, St Barnabé avec le mauvais temps en plein. La semaine passée il a encore neigé dans la montagne jusqu’assez bas. Du reste nous avons des montagnes devant nous qui restent blanches toute l’année. La végétation est très en retard cette année dans notre contrée, autrement la nature y est splendide, les près d’un vert tendre ont l’air de tapis de velours. Les vaches, les chèvres y restent déjà jour et nuit, les montagnes en sont pleines, lorsqu’elles passent en troupeau avec leur sonnaille c’est toute une symphonie. Tout le monde, même les enfants, vont à présent avec un grand bidon (brante) de lait sur le dos, matin et soir, on déverse le tout à la laiterie où il entre une rivière de lait par jour et quel lait, deux doigts de crème épaisse, il faut même l’écrémer, il est trop gras. Alors je leur donne (à Carlos junior et Marie-Thérèse) la natilla (crème aigre) ou crème fouettée.

Ces jours passés on a fait le partage à la coopérative (laiterie) alors l’une (femme du village) m’a apporté du fromage, une autre une motte de beurre, une dame m’a apporté 2 litres de crème, une autre du pain frais (pain de seigle). Ils (les gens de Vissoie) ont même peur de vous froisser ; des fleurs et des légumes j’en ai maintenant à souhait. J’ai ordre d’aller cueillir à n’importe quel jardin. Il y a un gros propriétaire qui a vécu des années à Buenos Aires et pour le plaisir de pouvoir venir causer un moment le castillan, ce qui nous amuse autant qu’à lui, il nous comble de pommes-de-terre. Il m’a demandé un panier pour m’apporter des champignons et des morilles. Dimanche passé nous étions invités chez le propriétaire (Ulrich Florey et sa femme Marguerite), qui est au-dessus de notre appartement, pour une bonne choucroute accompagnée d’un petit vin blanc extra du Valais, nommé Fendant, il est renommé. Après le soir à un thé avec de la viande séchée. On ne peut trouver des gens plus hospitaliers, plus francs, plus honnêtes que ces gens de montagne. Nous avons aussi la visite de Mr. le curé (Abbé Joseph Francey) un vénérable de 66 ans, il y a 40 ans qu’il est à la paroisse. Il vient volontiers faire un brin de causette avec votre cousin (son fils Carlos senior). Le vicaire (Abbé Albert Buro), 26 ans, vient aussi des fois. Ici le clergé sont des gens illustres quoique d’un petit village.

A la Fête-Dieu, on boit, on chante

Maintenant il faut que je vous explique la fête Corpus (Fête-Dieu) de ce pays. Au son de « repiquement » général et carillon, coups de mortier, le régiment (détachement de soldats) était passé en revue sur la place de l’église ; les petites filles en blanc, les jeunes filles et les femmes avec des voiles blancs formaient la procession derrière la fanfare de l’endroit et celle-ci derrière le régiment avec les fifres et tambours et tous les drapeaux déployés, celui de la Confédération, le drapeau Suisse, celui du Valais, celui du régiment et celui de Vissoie (désignation un peu fantaisiste). La musique jouait pendant la messe, après la messe, la procession va jusqu’à la clairière de la forêt une espèce de « Heiternplatz » (place de la gaieté, des loisirs ?), toujours avec la fanfare et militaires où de grandes tables comme pour un banquet sont installées. Il y a profusion de pain, de fromage et de beurre, le fameux Fendant n’y manque pas. Plus d’un est déjà rentré dîner avec son plumet. A deux heures de l’après-midi la fête recommence, tout le village y est réuni autour des tables. On boit, on chante. Votre cousin (son fils Carlos senior) qui voulait faire un tour par là pour avoir une idée de la fête a été prié immédiatement à prendre place entre Mr. le curé et le maire, il lui a fallu boire et trinquer autrement ils se seraient froissés, finalement ils étaient tous un peu partis, moins Mr. le curé et votre cousin. Au jeune vicaire un moment donné un militaire lui a mis son casque. En voulez-vous des discours ? Chacun y allait avec ce sans gêne. Comme ils étaient tous illuminés et bien inspirés. A 6 heures du soir sonnait l’angélus, quand ordinairement les fidèles se rendent à l’église pour dire le chapelet, on l’a dit en plein air en chœur autour des verres pleins. Après la fanfare jouait des chansons patriotiques et tout le monde chantait à haute voix. A votre cousin on lui disait : je parie que vous n’êtes pas capable chez vous d’une pareille Fête-Dieu ! À 10 heures du soir on entendait de chez nous encore le bruit de la fête. Le lendemain matin votre cousin partait à la première heure avec sa valise que l’on pouvait à peine soulever, arrivé dans la rue de suite un militaire l’attrape, se la charge sur le dos et la lui porte jusqu’à la poste. Allez, c’est des gens comme on en fait plus. (…)

En postscriptum : (...) Je quitte ce village (Vissoie) à regret et doute fort que je trouve cette sympathie et tous ces avantages dans la grande ville (Zurich), mais bah, là-bas on en trouve d’autres… »

Qui étaient les Gerhard ?

Robert Gerhard de Brittnau AG, vint s’établir à la fin du XIXe siècle à Valls, en Catalogne, comme commerçant en vins. Il épousa Marie Ottenwälder, une Alsacienne, et eurent trois enfants : Roberto, Carlos et Fernando. Après avoir accompli des études commerciales à Neuchâtel, Carlos repris tout d’abord le commerce de son père, puis s’étant tourné vers la politique, son frère Fernando continua l’exploitation du commerce alors que Roberto devint musicien et célèbre compositeur de musique classique. Entre-temps Carlos fait des études de droit et épouse une jeune espagnole : Teresa Hortet. Ils eurent deux enfants : Carlos junior et Marie-Thérèse. En 1932, Carlos senior devint député socialiste de la province de Tarragone, du premier parlement autonome Catalan après la chute du dictateur Primo de Rivera. Il quitta Valls avec sa famille pour s’établir à Barcelone. En 1938, son épouse Teresa mourut d’un cancer à Montserrat et c’est sa belle-mère, Marie, qui s’occupa des enfants jusqu’à sa mort en 1947 à Zurich.

En 1939, après la guerre espagnole, la famille Gerhard (la grand-mère, le père et les deux enfants) dut quitter le pays pour se réfugier d’abord en France près de Paris et, en juin 1940, l’arrivée des Allemands les contraint à nouveau fuir vers le sud. Détenteurs d’un passeport suisse, ils s’établirent d’abord à Vissoie puis à Zurich. En 1952 ils s’expatrièrent pour le Mexique et s’installèrent définitivement à Mexico-City.

La famille Gerhard habita le chalet "Les Muguets, à Vissoie, propriété d'Ulrich et Marguerite Florey-Crettaz.

Coll. M. Savioz/notreHistoire.ch

La famille Gerhard habitait à Vissoie au chalet « Les Muguets » appartenant à Ulrich et Marguerite Florey-Crettaz. Ils étaient nos voisins car ma famille résidait dans le chalet « Les Lilas Blancs » propriété de mes parents Edouard et Martine Florey-Perruchoud. Nous avions de très étroits contacts avec ces gens si sympathiques, attachants et cordiaux. Le dernier contact que mes parents ont eu avec eux, c’est en 1949, lors d’une visite chez eux à Agno (TI). Depuis lors nous n’avions plus eu de leurs nouvelles. Ma sœur Raymonde, par hasard, a retrouvé au Tessin leur trace au Mexique. Ayant l’adresse de Ruth, l’épouse de M. Carlos Gerhard senior (lui étant décédé), j’ai pris contact par son intermédiaire avec Carlos junior. C’était en 1987. Depuis lors nous nous sommes souvent rencontrés avec lui et son épouse Antonia, en Suisse, au Mexique et même en Espagne à Rosas où les Gerhard ont un appartement et leur fille aînée, Tessa, une magnifique villa près de la mer. Nous entretenons avec eux des contacts réguliers. Malheureusement Marie-Thérèse est morte avec deux de ses enfants dans un accident d’auto au Mexique en 1962 à l’âge de 30 ans. Je ne l’ai donc plus revue. Quant à Carlos, il est décédé le 7 octobre 2014, à l’âge de 86 ans.

Pour des raisons de sécurité, eu égard aux antécédents politiques de son fils Carlos, Marie Gerhard ne cite jamais son nom. Elle le désigne par « cousin ».

Cette lettre manuscrite m’a été transmise par Carlos (petit-fils de Mme Gerhard) le 10 septembre 2008. Il la tenait de son cousin Fernando junior de Valls. ■

A consulter également sur notreHistoire.ch

Vissoie hier et aujourd’hui, en photos et vidéos, avec notamment des documents des Archives de la RTS

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Fribourg. Cortège funèbre

Coll. Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg/notreHistoire.ch

Pour un bel enterrement, c’est un bel enterrement. Précédé par une voiture de fleurs, le corbillard est tiré à deux chevaux, les tentures et caparaçons noirs sont frangés d’argent, douze enfants de chœur l’escortent, portant des cierges. Une double haie de soldats en armes, fusil au bras pointé vers le sol comme veut le protocole militaire en pareil cas, encadre le char funèbre. Derrière viennent sur deux rangs les membres de la famille, puis, devançant les corps constitués et la foule compacte qu’on voit progresser sur le boulevard de Pérolles, à Fribourg, marchent en file indienne et gibus sur la tête les membres du Conseil d’Etat. C’est leur collègue Louis Ody qu’on emmène au cimetière, le 1er décembre 1908. Mort d’une brève maladie de foie, il n’avait pas 40 ans.

Le photographe est Albert Ramstein, actif à Fribourg depuis 1896. Son atelier partage le marché local avec celui, ancien (1860), d’Ernest Lorson et celui, récent (1891), de Cyprien-Prosper Macherel, mais des liens étroits unissent ce petit monde : Macherel a été l’apprenti de Lorson, son fils Prosper sera celui de Ramstein. Dans ces premières années du siècle, alors qu’une certaine spécialisation les distingue déjà, l’époque favorise doublement leur artisanat, car la technique photographique se perfectionne et la ville se métamorphose. Le centre des affaires et l’habitat bourgeois se déplacent vers le haut, le dynamisme passe aux nouveaux quartiers de Pérolles et de Beauregard, centrés sur la gare du chemin de fer. Le bourg historique ne conserve plus que les sièges du pouvoir politique et religieux – l’hôtel de ville, l’évêché et la collégiale Saint-Nicolas où le défunt aura sa messe d’enterrement. Il habitait Pérolles, mais la paroisse de Saint-Pierre n’aura sa propre église que dans vingt ans.

Posté à l’entrée du boulevard de Pérolles, achevé en 1900, Ramstein a saisi en arrière-plan les badauds. Ils ont pris place devant le café Continental (1905), sous la belle marquise de fer et de verre, et l’immeuble de la Belle Jardinière (1907) qui fait l’angle avec la place de la Gare. Les immeubles de rapport contigus dont la rangée prolonge le café ont été élevés entre 1898 et 1904. Cette année-là, mais à l’autre bout de la ville, s’ouvre le cimetière de Saint-Léonard où l’on emmène le conseiller Ody. Le cortège défile dans le décor d’un Fribourg résolument moderne, même si la pompe funèbre, traditionnelle, le shako, les tuniques à double rangée de boutons et le sac à poil des soldats appartiennent encore au XIXe siècle.

Le cercueil est posé sur le corbillard communal, car il n’existe pas encore d’entrepreneur de pompes funèbres à Fribourg, la maison genevoise Murith n’y ouvrira une succursale qu’en 1916. Pour les gens modestes, la famille et les voisins se chargent des opérations, la Ville se bornant à fournir le char et les porteurs. Pour un conseiller d’Etat en exercice, bien sûr, on imagine que l’organisation des obsèques mobilise les bureaux de la chancellerie, mais les fonctionnaires ont de l’expérience.

En 1900 est mort en fonctions le vétéran de l’exécutif, Henri Schaller, 72 ans d’âge et quarante années au gouvernement. Louis Ody n’y a siégé que deux ans. Un an après ses obsèques, le 25 novembre 1909, se déroulent celles, non moins officielles, du commandant de corps Arthur de Techtermann; il a aussi été brièvement conseiller d’Etat, démissionnant en 1881 pour se consacrer à l’armée. En 1914 meurent en fonctions deux membres du gouvernement, Stanislas Aeby et Louis Cardinaux. Jusqu’à la fin du siècle, quatre conseillers d’Etat en exercice passeront encore en corbillard devant leurs concitoyens : Georges Python (1927), Emile Savoy (1935), Romain Chatton (1941) et Maxime Quartenoud (1956). Quels que soient la profession ou le statut social du défunt, les Fribourgeois restent amateurs de beaux cortèges funèbres. On n’a pas oublié pas ceux de l’abbé Bovet (1951), du coureur automobile Jo Siffert (1971) ou du plasticien Jean Tinguely (1991), tous insurpassables, chacun dans son registre. « Mais où sont les funérailles d’antan ? », chantait Georges Brassens. ■

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Grock

Agence de presse Mondial Photo-Presse, coll. L'Inédit/notreHistoire.ch

Doué pour le violon de poche et les acrobaties, le clown Grock s’était adonné, jeune, à la haute voltige. Quitte à en perdre l’équilibre. Charles Adrien Wettach avait 14 ans en mai 1894. De nature téméraire, il remplaça au pied levé un horloger dont le projet était de traverser sur une corde la place du Marché-Neuf à Bienne. Quelques bonnes dizaines de mètres à parcourir tête et buste hauts perchés, comme un funambule en équilibre avec une vue imprenable sur la ville. Mais un accident est arrivé. La corde n’était pas assez tendue. Il s’en était fallu – ô malheur – d’un souffle pour que Grock, qui allait devenir quelques années plus tard l’un des plus grands clowns du XXe siècle, ne connaisse dans le Seeland des débuts laborieux voire ratés.

Dans cette interview de 1953 réalisée par Lyne Anska, l'artiste révèle comment l'achat d'un petit violon lui inspirera l'un de ses plus grands numéros et dévoile la genèse de la « chute dans la chaise », réalisée pour la première fois en 1912.

Coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

Dans le document des Archives de la Radio Télévision Suisse, il déclare avec justesse qu’ « un clown doté d’un faux nez n’est pas comique ». Seule l’exploitation de sa physionomie et de ses expressions compte artistiquement, selon lui.

D’où provenait aussi son truculent « Saaaaaaannnns blâââââguuuue » ponctué du rire sardonique dont raffolent les enfants qui s’esclaffaient jadis en écoutant ou en observant les drôleries de Grock. Avec son râle moelleux et rauque, ce clown d’un autre temps aurait pu naître en Haute-Provence et inspirer par exemple Giono, Daudet, Tartarin de Tarascon… Mais c’est au lieu-dit du Moulin de Loveresse, dans le Jura bernois, près de Reconvilier, que naquit Charles Adrien Wettach, dit « Grock », détenteur du timbre vocal un brin chantant des Jurassiens bernois qualifiés pourtant de taiseux. Mais au cours de sa longue carrière de troubadour, ce pince-sans-rire s’aperçut aussi que les spectateurs anglais ne saisissaient pas exactement toute la poésie contenue dans son « Saaaaaaannnns blâââââguuuue » sans queue ni tête,  devenu avec le temps sa marque de fabrique. Grock avait vécu plusieurs années outre-Manche et connaissait donc bien les zygomatiques d’Albion.   

Sur la bande grésillante des vieux studios d’antan, il égrène les étapes qui conduisaient à la transformation – au cœur de sa loge de maquillage – de Charles Adrien Wettach en Grock. Clown aux lèvres et yeux noirs et aux oreilles rougies. Et cette moque collée sous les narines, cette morve de saltimbanque. ■

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Genève - Place Neuve, 1951 - Le Grand Théâtre en feu

Coll. J.-C. Curtet/notreHistoire.ch

Il est midi, la foule afflue pour voir le triste spectacle à Genève, Place de Neuve, rue de la Croix-rouge, balcons genevois, plus loin ; la fumée se laisse apercevoir bien au-delà du Grand Théâtre. On serait tenté d’écouter La Walkyrie pour accompagner l’image que l’on regarde, puisque c’est en pleine répétition du célèbre opéra de Richard Wagner qu’un engin pyrotechnique met le feu à la scène, l’incendie se propageant rapidement. Mais c’est le silence qui règne dans l’attroupement. Peut-être certains commentent-ils brièvement, interrogent, déplorent, mais qu’y a-t-il à dire, pour l’instant, seulement à voir : le Grand Théâtre brûle. L’institution qui fait rayonner Genève, vieille d’à peine septante ans, se consume devant les Genevois hypnotisés par le tableau. Les pompiers s’activent, soutenus par tous ces yeux rivés sur eux, peut-être entendent-ils les prières et les encouragements que chacun formule en silence. Ils sont 250 à tenter de maîtriser le sinistre. Le combat dure plusieurs heures, aucune perte humaine n’est à déplorer mais les dégâts matériels sont conséquents ; les trois quarts du bâtiment sont détruits, dont la scène, la salle de spectacle, les salles annexes et le carré d’or. Seuls le grand foyer et la bibliothèque échappent aux flammes. Dehors, les façades sont préservées, les statues également représentant la danse, la comédie, la musique et la tragédie. Et c’est l’allégorie de la tragédie qui retient l’attention en ce 1er mai 1951, alors que le feu peu à peu s’éteint et que la fumée s’éloigne, emportant avec elle la musique de Wagner, le chœur des chanteurs, le trac de la troupe, l’impatience de l’orchestre, les ambitions de son chef.

Une année après l'incendie, en 1952, l'intérieur du Grand Théâtre est semblable à des ruines romaines.

Coll. C.-A. Fradel/notreHistoire.ch

Ensuite, pendant de nombreuses années, il s’agira d’argent et non plus d’art. Le Conseil administratif de la Ville de Genève se lance dans l’étude d’une reconstruction qui intégrerait les moyens électro-mécaniques les plus modernes de l’époque. Son projet, budgétisé à 14 millions de francs, est refusé lors du référendum populaire d’octobre 1953. Les travaux ne peuvent commencer, les volontés et les espoirs s’assoupissent. En 1958, un deuxième projet prévoit un budget à peine moins élevé de 13 millions de francs. Finalement, la facture s’élève à 26 millions de francs, en raison notamment de l’inflation, nous dit la Ville de Genève (notice d’autorité-Grand théâtre-Archives). Le Grand Théâtre reconstruit est inauguré le 10 décembre 1962, avec la version française de Don Carlos, de Verdi. Wagner attendra. Il sent encore le souffre. Il ne reviendra que le siècle suivant, en 2013 et en 2019, avant et après les seconds travaux de rénovation de la plus grande et la plus chère institution culturelle de Suisse romande. C’est d’ailleurs ce statut de géant autant que d’ogre que lui reprocheront les manifestants en 2015, en colère suite aux coupes budgétaires touchant la culture alternative. Cette fois, leur révolte touchera les façades du Grand Théâtre, la statue de la tragédie se retrouvant maculée de tags, devant les yeux indignés d’une autre génération de Genevois. ■

A consulter également sur notreHistoire.ch

Le Grand Théâtre, une série de photos et un document sonore des Archives de la RTS

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