Fin des années 1970, Genève a expérimenté sa vision alternative du monde dans le sillage des raouts hippies « do it yourself » à la mode. Fondé en 1975, le Festival du Bois de la Bâtie a vu le jour l’année même où le Maroc prenait possession du Sahara occidental, au détriment des Sahraouis. Si le Festival de la Bâtie s’est immédiatement consacré à la culture (musique-théâtre-cinéma) pour mieux véhiculer son message, il ne dédaignait pas alors de se mêler de politique en prenant fait et cause pour l’indépendance des Sahraouis.
L’entrée de ce festival étalé sur trois jours en juin était gratuite. La buvette proposait déjà sur sa carte du thé arabe et du taboulé. Porté en étendard par de jeunes idéalistes, le pacifisme répondait aux turpitudes d’un monde rythmé par la Guerre froide. En 1979, une pétition a circulé à la Bâtie en faveur des Sahraouis. Le Comité suisse de soutien au peuple sahraoui fustigeait depuis un certain temps la position de la Suisse dans ce dossier, notamment celle de l’ancien conseiller fédéral socialiste neuchâtelois Pierre Graber, chef du Département des Affaires étrangères, du 1er février 1970 au 31 janvier 1978.
Neutralité suisse exigée
Pierre Graber était accusé par certains d’avoir repris les thèses des autorités marocaines dans le conflit du Sahara occidental. Ce territoire de 265’000 km2 situé entre le Maroc, l’Algérie et la Mauritanie, était occupé par le Maroc depuis 1975. Plusieurs associations exigeaient la neutralité de la Suisse dans ce conflit. Fin juin 1979, Pierre Graber apparaît donc à la Bâtie sous les traits acérés d’une caricature. Il est reconnaissable à ses lunettes double foyers. Des bombes et lance-roquettes émergent d’un fez marocain posé sur sa tête.
A la suite du départ des Espagnols de leur ancienne colonie, la République Arabe sahraouie démocratique (RASD, Front Polisario) exigeait à nouveau l’indépendance. La vision de dizaines de milliers de Sahraouis quittant leur terre, le Sahara occidental, pour fuir la guerre et se réfugier dans des camps en Algérie voisine avait d’ailleurs choqué ces années-là une partie de l’opinion publique suisse. A fortiori à Genève, siège des Nations Unies, où la cause sahraouie avait de nombreux défenseurs.
Douze ans après ce Bois de La Bâtie politisé, la Mission de l’ONU pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) allait être déployée. Pour surveiller dès 1991 le cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario et pour organiser un référendum permettant aux Sahraouis de décider du statut de ce territoire. Référendum d’autodétermination dont le Maroc n’a voulu entendre parlé. ■
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