L'Inédit

par notreHistoire


L'abbaye d'Hauterive l'incendie

Coll. M. Morel/notreHistoire.ch

Quelques jours après l’incendie qui a détruit une bonne partie du bâtiment principal de l’ancienne abbaye d’Hauterive, à une dizaine de kilomètres de Fribourg, de jeunes hommes en blouse de paysan posent devant une pompe à bras. Sont-ils des pompiers ou des sinistrés ? Des villageois venus de Posieux, Ecuvillens, Arconciel ou Farvagny pour combattre le sinistre, ou des élèves de l’Ecole normale que l’Etat de Fribourg a logée dans ces murs ? C’est difficile à dire, et puis la distinction est un peu vaine, parce que la formation des futurs instituteurs est encore très proche de l’enseignement agricole.

Nous sommes au printemps 1884. Il ne reste du bâtiment abbatial, construit entre 1718 et 1768, que les murs. On a déjà déblayé, semble-t-il, les éléments carbonisés du toit, de la charpente et de l’étage supérieur. L’incendie s’est déclaré le 21 avril, peu avant minuit. La cause en sera attribuée à l’imprudence de deux élèves ayant mal éteint leurs bougies avant de les ranger dans une armoire, où le feu a pu couver pendant deux heures avant d’éclater brusquement. On sonne le tocsin, on expédie à Fribourg un messager à cheval, on met en position une pompe à bras portative, mais vainement, puis on s’efforce de sauver les meubles. Les pompiers des environs, accourus vers 2 heures du matin, ne viendront à bout du feu que le surlendemain, ayant actionné leurs pompes durant 37 heures – encore heureux que la Sarine coule juste à côté du bâtiment – sans que leur puissance y suffise. Ces pompes à bras exigent de nombreux servants, 16 hommes répartis en deux équipes se relayant après quelques minutes de travail, dit un règlement de 1926. Ici ou là, ces engins resteront en usage jusque dans les années 1960.

Comment se présente l’Ecole normale frappée par l’incendie ?

Cette année-là, justement, le Conseil d’Etat lui attribue définitivement le site d’Hauterive. Les propriétés du couvent, supprimé en 1848, avaient été dévolues à l’Etat. D’autres affectations, celles d’une place d’armes ou d’un hospice cantonal, avaient été envisagées pour ces bâtiments, mais on fixa la caserne en ville et on donna la priorité à la construction d’un asile d’aliénés à Marsens. La vocation pédagogique d’Hauterive, inaugurée en 1859, allait se prolonger jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Des connaissances utiles à la ferme

Dans les années 1880, l’Ecole normale y compte une soixantaine d’élèves, tous des garçons évidemment, mais qui ne se destinent pas tous à l’enseignement. Le personnel domestique et enseignant totalise une vingtaine de personnes, dont plusieurs religieuses affectées au ménage et les travailleurs nécessaires à l’exploitation d’un domaine agricole. Deux ans après le sinistre, le directeur obtiendra que les élèves ne fassent plus les labours, semailles et moissons au détriment de leur temps d’étude, mais le programme d’enseignement contiendra jusque vers 1935 des éléments d’agriculture théorique et pratique. On pensait que, dans une société presque exclusivement paysanne, les instituteurs de village auraient à dispenser aussi, voire surtout, des connaissances utiles à la ferme; et cela coûterait moins cher qu’un véritable enseignement agricole tenant éloignée des champs une jeune main d’œuvre indispensable.

En 1884, la durée des études passe de 3 à 4 ans, mais c’est théorique. L’incendie rendant impossible la mise en place d’une année supplémentaire, la quatrième est remplacée par un stage rémunéré qui équivaut, pratiquement, à une première année de travail. Et le directeur Adrien Michaud, qui a pris ses fonctions l’année précédente, se désole de constater le retard de son Ecole sur celles des cantons alémaniques, du point de vue des conceptions pédagogique et des moyens alloués. Les élèves d’Hauterive, logés en internat, seraient en outre soumis à une discipline de caserne, ou plutôt de couvent… si le règlement de 1878 était véritablement appliqué. L’important est d’éloigner ces garçons des tentations offertes par la ville.  

Avec le recul, la formation des instituteurs à Hauterive apparaît comme une entreprise idéologique. Il fallait effacer la mémoire des réformes radicales de 1848-1857, qui avaient créé pour eux une « section pédagogique » au collège, rebaptisé Ecole cantonale. En pleine ville. ■

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Genève - Notre-Dame - M. et Mme de Gaulle marient leur nièce

Photo F. Taken, coll. J.-C Curtet/notreHistoire.ch

Ce jour-là

L’homme du 18 juin à Genève

C’est l’événement mondain – on ne dit pas « people » – de cette année 1946 à Genève. Le général de Gaulle, accompagné de son épouse, assiste en cette matinée du 29 mai 1946 au mariage religieux de sa nièce, Mlle Geneviève de Gaulle, avec Bernard Anthonioz.

La cérémonie a lieu à 10h30 à l’église Notre-Dame. Comme le relate Le Journal de Genève, un important service d’ordre est mis en place, car « une foule de plusieurs milliers de personnes est venue acclamer la mariée qui, on le sait, a eu une attitude admirable durant la guerre ». Cette attitude admirable, c’est son engagement dans la Résistance, au sein du Groupe du musée de l’Homme et du réseau Défense de la France. Arrêtée par la Gestapo, elle est déportée en février 1944 au camp de Ravensbrück. Le 22 avril 1945, Geneviève de Gaulle rejoint son père à Genève, Xavier de Gaulle, consul de France. Et une année plus tard, c’est l’heureux événement célébré à l’église Notre-Dame, à Cornavin. La messe de mariage est dite par l’abbé Carlier, curé de Sainte-Thérèse, et c’est à l’abbé Journet – le futur cardinal qui est alors professeur au Grand séminaire de Fribourg – que revient de prononcer le sermon et de donner la bénédiction. Geneviève de Gaulle a deux témoins, son oncle, le général, et le lieutenant Jacques Gordo. Quant à son mari, Bernard Anthonioz, ses témoins sont Jean Laloy, ancien consul de France à Genève, et Georges Catauï, homme de lettres.

Vive les mariés! A la fin de la cérémonie, le couple descend les marches de Notre-Dame

Photo Joseph Zimmer-Meylan (1882-1962), coll. Bibliothèque de Genève/notreHistoire.ch

La veille, dans un cadre intimiste, le mariage civil a été célébré dans la commune française de Bossey, au pied du Salève, où Bernard Anthonioz possède une propriété. Durant leur séjour à Genève, Charles et Yvonne de Gaulle logent à l’Hôtel Beau-Rivage. Un lieu protégé par la police – et deux inspecteurs fédéraux – car, là aussi, la présence du héros de la France libre attire la foule. Plus d’un millier de personnes s’est rassemblé, et crie « Vive de Gaulle » quand le couple descend de voiture. Pas en reste pour accueillir leur illustre hôte, le fils, la fille et la nièce du directeur de l’Hôtel offrent au général des bouquets aux couleurs françaises. Quant à une certaine Mme O. Haller, résidence française à Genève, elle réussit à remettre « un magnifique coq gaulois en or au Premier Résistant de France ». Nous ne savons pas ce que sont devenus ni Mme Haller, ni le coq. ■

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Squat-argand-84-12

Coll. N. Pallfy/notreHistoire.ch

Est-on punk parce qu’on photographie des punks ? Est-on punk parce qu’on vit l’âge d’or du mouvement squat dans un squat punk à Genève dans les années 1980 ? Peut-on être punk vivant en Suisse, pays le plus riche et capitaliste de la planète ? Ces questions, je me les pose à moi-même et elles font sens dans une société de plus en plus normative et léthargique.

Ces diverses remarques resurgissent en regardant les magnifiques photos réalisées par Nicholas Palffy en 1984, en immersion, dans le mythique squat punk de la rue Argand, à quelques mètres de la gare Cornavin. En 2020, squatter un immeuble locatif dans ce quartier est de l’ordre de l’inimaginable.

La photo qui m’a le plus touché est celle de cette jeune femme assise au bord d’une fenêtre ouverte, une cigarette à la main, et fixant l’objectif du photographe. Un visage radieux que la lumière naturelle vient éclairer à la perfection.

La pose, la lumière, la composition et l’usage du noir et blanc sont maîtrisés et rejailli sur nous, tel un flux, l’ultra-sensibilité du photographe.

Ce qui me frappe, c’est le décalage entre l’iconographie punk et le classicisme total d’une telle photographie. Dans l’imagerie punk, on s’attendrait à voir une image pleine de poussière, mal cadrée et mal développée et prise sur le vif. Non. Ici, nous retrouvons tous les codes traditionnels de la photographie noir et blanc. Vraiment ! La série que nous propose Nicholas sur notreHistoire.ch est sublime et documente une période importante et libre du mouvement punk genevois que peu de gens connaissent.

Chaotique… forcément chaotique!

Que s’est -il passé à la rue d’Argand en ces années 1980 ? Ce squat est le plus emblématique de la période punk à Genève. Dans l’immeuble, à l’angle, de la rue d’Argand et Necker, des punks, étudiants et réfugiés, pour la plupart venus d’Amérique latine, vivent et cohabitent dans une ambiance libertaire et chaotique. Comme on ne supprime vraiment jamais la logique de classe, même chez les punks, ce sont les étudiants qui représentent et coordonnent le squat. Il est intéressant de noter ce qu’écrit Maria-Isabel Sanchez dans son mémoire sur le mouvement punk à Genève : « (Il) est plutôt l’effet d’une mode à Genève et ne joue pas le même rôle qu’à Londres où les jeunes punks sont le reflet d’une réelle réaction à une société en crise ».

A d’Argand, la musique joue un rôle crucial et tous, pratiquement, s’investissent dans la gestion de la salle de concert et la planification des dates. Le groupe de rock « Killing Joke » s’y est même produit.

Aujourd’hui, le squat de la rue d’Argand n’existe plus et, à la place, le syndicat Unia a pris possession des lieux. Une autre forme de lutte institutionnalisée prend la relève. Le photographe Nicholas Palffy, qui a si bien documenté ce moment de vie utopiste par de beaux portraits et des photos de concert très personnelles, a fondé sa propre boîte de communication. Un destin houellebecquien, en somme. ■

A lire également

Le témoignage d’un squatter de la rue d’Argand

Référence

Sanchez, Maria-Isabel, La contre-culture punk dans le mouvement alternatif genevois dans les années 1970 et 1980, Maîtrise, Uni Genève, 2009.

A consulter également sur notreHistoire.ch

Le squat de la rue d’Argand en photos

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Nauchâtel, un tramway

Photo J. Bazin, 14.06.1956, coll. A. Salamin/notreHistoire.ch

Cette photo signée J. Bazin, un photographe français qui a largement documenté les tramways de nos villes, date du 14 juin 1956. Et la chose est assez rare pour le remarquer, nous pouvons même connaître précisément à quelle heure le cliché a été pris : 8h53 comme en témoigne l’horloge publique. Autre détail relevé par un membre de notreHistoire.ch: des boilles à lait sur le trottoir, sans doute transportées sur cette ligne de tram de Neuchâtel. Ceci pour dire l’importance à l’époque de ces lignes reliant le centre ville à sa campagne.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la ville de Neuchâtel se blottit au pied du château et il n’y avait pas grande nécessité d’avoir un service de transport public. L’industrialisation de la région et l’augmentation de la population engendrent un besoin de mobilité. Avec la venue du chemin de fer en 1859, mais qui passe à mi-côte, une liaison des localités du littoral au chef-lieu se fait de plus en plus sentir.

En 1890, on construit le funiculaire à contrepoids d’eau Ecluse-Plan (EP) puis, deux ans plus tard, est ouverte la ligne régionale à vapeur, reliant la gare de Neuchâtel (construite en 1882) à Cortaillod et Boudry en passant par le littoral (NCB).

Du gaz et des chevaux

Mais l’origine des tramways neuchâtelois remonte au 14 juillet 1892 avec la création d’une société pour l’exploitation d’une ligne de Neuchâtel à Saint-Blaise. Au départ, l’idée novatrice repose sur l’exploitation des machines à gaz, mais c’est un échec. Deux trams à gaz avec leurs remorques sont livrées en 1893 par une société de Vevey. Ces machines sont équipées d’un moteur à gaz comprimé à 10 atmosphères et d’une puissance de 8 CV. Les essais sont décevants et la compagnie exploite durant 30 mois, du 22 décembre 1894 au 18 mai 1897, des trams hippomobiles.

Avec l’arrivée de l’électricité à Neuchâtel, le NStB est électrifié et la Société devint la Compagnie des Tramways de Neuchâtel (TN).

La compagnie NCB posséde deux locomotives à vapeur non carénées, utilisables uniquement sur le parcours de plaine et trois engins carénés équipés de crémaillère qui peuvent monter jusqu’à la gare. En 1898, la partie de la ligne Place Pury – Gare de Neuchâtel est électrifiée et cela permet d’abandonner la crémaillère. Le reste de la ligne est électrifié en 1902. En 1901, la compagnie est reprise par les TN qui s’approprient également, en 1906, le funiculaire Ecluse-Plan (EP).

Au tour des trolleybus

Sous l’impulsion des TN, le réseau connaît une rapide extension vers Serrières en 1899, Valangin et Peseux en 1901 puis vers Corcelles – Cormondrèche en 1902. En 1910, les différentes lignes de tramways sont reliées par la boucle « Tour de ville » permettant d’atteindre les principaux points du centre.

En 1910, la Société Neuchâtel – Chaumont inaugure le tram des Sablons à La Coudre et le funiculaire de La Coudre à Chaumont. Cette Société sera rachetée par les TN en juin 1943.

Le 16 février 1940, les premiers trolleybus font leur apparition sur la ligne de Serrières et en 1949 sur la ligne de Valangin et celle de la boucle des Parcs. La conversion en trolleybus suit sur d’autres lignes: 1957 Saint-Blaise, la Coudre en 1964, Corcelles – Cormondrèche en 1976.

Remarquons qu’en 1939, la ligne Neuchâtel – Serrières est remplacée par un service d’autobus diesel.

Dans une autre partie du canton, le chemin de fer régional du Val-de-Ruz a ouvert en 1903 une ligne de tramways entre les Hauts-Geneveys et Villiers.

Prenant exemple sur Neuchâtel et Bienne, la première ligne de tramway électriques de La Chaux-de-Fonds est ouverte à l’exploitation au 1er janvier 1897. Mais entre 1948 et 1950, des service de Bus et de Trolleybus remplacent progressivement les tramways sur toutes les lignes. Le 15 juin 1950, les rue de la ville voient pour la dernière fois circuler des tramways. Un peu de nostalgie pour ces petits trams bleus (une douzaine de motrices) qui ont assuré durant 53 ans les Services urbains de la métropole horlogère.■

Références

1 Archives de l’Express et de l’Impartial
2 Neuchâtel, il y a 100 ans, Jürg Schwerry, 1994
3 Les Tramways à vapeur à Berne et en Suisse, Éditions Endstation-Ostring, Berne

A consulter également sur notreHistoire.ch

Au temps des trams, une série de photos dans les villes de Suisse romande

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