Il y a deux For ever Mozart de Jean-Luc Godard. Le visible et le non-visible. Le visible, c’est le film que l’on a pu voir en salle et qui raconte l’histoire d’une troupe de théâtre qui veut jouer On ne badine pas avec l’amour de Marivaux à Sarajevo, en pleine guerre en ex-Yougoslavie. Sorti en 1996, ce film, bien entendu, fut un échec commercial et ne resta pas longtemps à l’écran.
Le non-visible, ou celui qui n’a jamais été tourné, est le scénario que Jean-Luc Godard m’avait envoyé en 1995: nous venions de travailler ensemble à la préparation de son film 2 X 50 ans du cinéma français, une commande du British Film Institute pour le centenaire de la naissance du cinéma. Le tournage devait avoir lieu du 13 février au 2 avril 1995. Le titre exact était For ever Mozart ou le film de l’intranquillité », faisant ainsi référence à l’œuvre de Pessoa.
Ce scénario, librement inspiré du livre J’ai grandi à Hollywood de Robert Parish, raconte – le terme raconter est toujours ambivalent dans un film de JLG car Godard a sa propre narration – l’échange entre un jeune homme qui veut devenir réalisateur (moi) et un réalisateur connu et reconnu (JLG). L’histoire de ce film est l’histoire de la fabrication d’un film de fiction à travers le regard de ces deux protagonistes. La naïveté du premier illuminera la création du second. L’Ancien et le Moderne en discussion ou plutôt Le Dinosaure et le bébé pour faire référence au dialogue filmé entre Fritz Lang et Jean-Luc Godard (1967).
Dans le synopsis on y lit : « On assiste à la naissance d’un film… à la naissance de la production d’un film… comme l’on pourrait assister à la venue d’une étincelle ». Nous voici en pleine pensée godardienne qui synthétise christianisme et Révolution!
Le film est découpé en neuf chapitres – neuf séquences, lesquelles décrivent toutes les étapes nécessaires à la réalisation d’un film, jusqu’à la sortie officielle en salle ou exploitation, pour reprendre, là aussi, une terminologie godardienne.
Ensuite, en note d’intention, Godard écrit qu’il ne souhaite pas refaire La nuit américaine de François Truffaut (1973) ni Le Mépris (JLG, 1963) mais décrire « les mouvements propres au cinématographe en action, et ce qu’il en reste après une centaine d’années d’existence ». Chez Godard, filmer la naissance d’un film ou sa création, c’est faire acte d’historien et de penseur sur l’acte cinématographique. Chez lui, l’action et la pensée sont toujours unies, telles une dialectique hégélienne.
Godard ne filme « pas des personnages… mais des figures avec leur légende ». Nous voici en plein dans son film Passion (1982) lorsqu’il demande aux acteurs de se comporter comme des couleurs dans un tableau de maître.
Indépendamment de faire souvent appel à des acteurs amateurs, JLG avait, pour ce projet de film, pensé à un casting prestigieux. Il avait prévu de tourner avec le maître du cinéma portugais Manuel de Oliveira et de réaliser une scène avec le pianiste Keith Jarrett.
Le scénario que j’avais reçu s’articulait entre les neuf séquences et par endroit Godard avait introduit des montages picturaux qu’il avait lui-même réalisés à la photocopieuse. Rien n’était figé et il n’y avait aucune précision dans la description d’une scène. Chez Godard, la part d’improvisation est réelle et donne une folle liberté aux comédiennes et aux comédiens mais aussi au réalisateur pour la plus grande peur des producteurs. Savoir dompter cette peur et continuer à faire des films avec un budget conséquent est du pur génie.
Le scénario de For ever Mozart que j’ai eu entre les mains en 1995 n’a pas été tourné tel quel. Le film qui sortira l’année suivante sera totalement différent. Godard n’aura conservé que le titre. ■
Notre rubrique Témoignage et récit reprend des articles des membres de notreHistoire.ch, à l’instar de ce texte de Paul-André Florey basé sur la lettre écrite à Vissoie, le 15 juin 1941, par Marie Gerhard (Ottenwälder) et adressée à son fils Fernando, habitant Valls, en Espagne. (Le titre et les intertitres sont de la rédaction).
Dans une première partie de la lettre, Marie Gerhard demande des nouvelles de son fils cadet Fernando resté en Espagne. C’est lui qui a repris le commerce de vins de son père Robert Gerhard, à Valls, et les temps sont assez difficiles pour les affaires. Puis elle donne des nouvelles de son autre fils, Carlos, venu s’établir avec sa famille à Vissoie en janvier 1941, d’où elle écrit cette lettre :
« … Tu me parles du temps anormal, nous avons eu ici (à Vissoie) la lune rousse, les saints de glace, la St Médard, St Barnabé avec le mauvais temps en plein. La semaine passée il a encore neigé dans la montagne jusqu’assez bas. Du reste nous avons des montagnes devant nous qui restent blanches toute l’année. La végétation est très en retard cette année dans notre contrée, autrement la nature y est splendide, les près d’un vert tendre ont l’air de tapis de velours. Les vaches, les chèvres y restent déjà jour et nuit, les montagnes en sont pleines, lorsqu’elles passent en troupeau avec leur sonnaille c’est toute une symphonie. Tout le monde, même les enfants, vont à présent avec un grand bidon (brante) de lait sur le dos, matin et soir, on déverse le tout à la laiterie où il entre une rivière de lait par jour et quel lait, deux doigts de crème épaisse, il faut même l’écrémer, il est trop gras. Alors je leur donne (à Carlos junior et Marie-Thérèse) lanatilla(crème aigre) ou crème fouettée.
Ces jours passés on a fait le partage à la coopérative (laiterie) alors l’une (femme du village) m’a apporté du fromage, une autre une motte de beurre, une dame m’a apporté 2 litres de crème, une autre du pain frais (pain de seigle). Ils (les gens de Vissoie) ont même peur de vous froisser ; des fleurs et des légumes j’en ai maintenant à souhait. J’ai ordre d’aller cueillir à n’importe quel jardin. Il y a un gros propriétaire qui a vécu des années à Buenos Aires et pour le plaisir de pouvoir venir causer un moment lecastillan, ce qui nous amuse autant qu’à lui, il nous comble de pommes-de-terre. Il m’a demandé un panier pour m’apporter des champignons et des morilles. Dimanche passé nous étions invités chez le propriétaire (Ulrich Florey et sa femme Marguerite), qui est au-dessus de notre appartement, pour une bonne choucroute accompagnée d’un petit vin blanc extra du Valais, nommé Fendant, il est renommé. Après le soir à un thé avec de la viande séchée. On ne peut trouver des gens plus hospitaliers, plus francs, plus honnêtes que ces gens de montagne. Nous avons aussi la visite de Mr. le curé (Abbé Joseph Francey) un vénérable de 66 ans, il y a 40 ans qu’il est à la paroisse. Il vient volontiers faire un brin de causette avec votre cousin (son fils Carlos senior). Le vicaire (Abbé Albert Buro), 26 ans, vient aussi des fois. Ici le clergé sont des gens illustres quoique d’un petit village.
A la Fête-Dieu, on boit, on chante
Maintenant il faut que je vous explique la fête Corpus (Fête-Dieu) de ce pays. Au son de « repiquement » général et carillon, coups de mortier, le régiment (détachement de soldats) était passé en revue sur la place de l’église ; les petites filles en blanc, les jeunes filles et les femmes avec des voiles blancs formaient la procession derrière la fanfare de l’endroit et celle-ci derrière le régiment avec les fifres et tambours et tous les drapeaux déployés, celui de la Confédération, le drapeau Suisse, celui du Valais, celui du régiment et celui de Vissoie (désignation un peu fantaisiste). La musique jouait pendant la messe, après la messe, la procession va jusqu’à la clairière de la forêt une espèce de « Heiternplatz » (place de la gaieté, des loisirs ?), toujours avec la fanfare et militaires où de grandes tables comme pour un banquet sont installées. Il y a profusion de pain, de fromage et de beurre, le fameux Fendant n’y manque pas. Plus d’un est déjà rentré dîner avec son plumet. A deux heures de l’après-midi la fête recommence, tout le village y est réuni autour des tables. On boit, on chante. Votre cousin (son fils Carlos senior) qui voulait faire un tour par là pour avoir une idée de la fête a été prié immédiatement à prendre place entre Mr. le curé et le maire, il lui a fallu boire et trinquer autrement ils se seraient froissés, finalement ils étaient tous un peu partis, moins Mr. le curé et votre cousin. Au jeune vicaire un moment donné un militaire lui a mis son casque. En voulez-vous des discours ? Chacun y allait avec ce sans gêne. Comme ils étaient tous illuminés et bien inspirés. A 6 heures du soir sonnait l’angélus, quand ordinairement les fidèles se rendent à l’église pour dire le chapelet, on l’a dit en plein air en chœur autour des verres pleins. Après la fanfare jouait des chansons patriotiques et tout le monde chantait à haute voix. A votre cousin on lui disait : je parie que vous n’êtes pas capable chez vous d’une pareille Fête-Dieu ! À 10 heures du soir on entendait de chez nous encore le bruit de la fête. Le lendemain matin votre cousin partait à la première heure avec sa valise que l’on pouvait à peine soulever, arrivé dans la rue de suite un militaire l’attrape, se la charge sur le dos et la lui porte jusqu’à la poste. Allez, c’est des gens comme on en fait plus. (…)
En postscriptum : (...) Je quitte ce village (Vissoie) à regret et doute fort que je trouve cette sympathie et tous ces avantages dans la grande ville (Zurich), mais bah, là-bas on en trouve d’autres… »
Qui étaient les Gerhard ?
Robert Gerhard de Brittnau AG, vint s’établir à la fin du XIXe siècle à Valls, en Catalogne, comme commerçant en vins. Il épousa Marie Ottenwälder, une Alsacienne, et eurent trois enfants : Roberto, Carlos et Fernando. Après avoir accompli des études commerciales à Neuchâtel, Carlos repris tout d’abord le commerce de son père, puis s’étant tourné vers la politique, son frère Fernando continua l’exploitation du commerce alors que Roberto devint musicien et célèbre compositeur de musique classique. Entre-temps Carlos fait des études de droit et épouse une jeune espagnole : Teresa Hortet. Ils eurent deux enfants : Carlos junior et Marie-Thérèse. En 1932, Carlos senior devint député socialiste de la province de Tarragone, du premier parlement autonome Catalan après la chute du dictateur Primo de Rivera. Il quitta Valls avec sa famille pour s’établir à Barcelone. En 1938, son épouse Teresa mourut d’un cancer à Montserrat et c’est sa belle-mère, Marie, qui s’occupa des enfants jusqu’à sa mort en 1947 à Zurich.
En 1939, après la guerre espagnole, la famille Gerhard (la grand-mère, le père et les deux enfants) dut quitter le pays pour se réfugier d’abord en France près de Paris et, en juin 1940, l’arrivée des Allemands les contraint à nouveau fuir vers le sud. Détenteurs d’un passeport suisse, ils s’établirent d’abord à Vissoie puis à Zurich. En 1952 ils s’expatrièrent pour le Mexique et s’installèrent définitivement à Mexico-City.
La famille Gerhard habitait à Vissoie au chalet « Les Muguets » appartenant à Ulrich et Marguerite Florey-Crettaz. Ils étaient nos voisins car ma famille résidait dans le chalet « Les Lilas Blancs » propriété de mes parents Edouard et Martine Florey-Perruchoud. Nous avions de très étroits contacts avec ces gens si sympathiques, attachants et cordiaux. Le dernier contact que mes parents ont eu avec eux, c’est en 1949, lors d’une visite chez eux à Agno (TI). Depuis lors nous n’avions plus eu de leurs nouvelles. Ma sœur Raymonde, par hasard, a retrouvé au Tessin leur trace au Mexique. Ayant l’adresse de Ruth, l’épouse de M. Carlos Gerhard senior (lui étant décédé), j’ai pris contact par son intermédiaire avec Carlos junior. C’était en 1987. Depuis lors nous nous sommes souvent rencontrés avec lui et son épouse Antonia, en Suisse, au Mexique et même en Espagne à Rosas où les Gerhard ont un appartement et leur fille aînée, Tessa, une magnifique villa près de la mer. Nous entretenons avec eux des contacts réguliers. Malheureusement Marie-Thérèse est morte avec deux de ses enfants dans un accident d’auto au Mexique en 1962 à l’âge de 30 ans. Je ne l’ai donc plus revue. Quant à Carlos, il est décédé le 7 octobre 2014, à l’âge de 86 ans.
Pour des raisons de sécurité, eu égard aux antécédents politiques de son fils Carlos, Marie Gerhard ne cite jamais son nom. Elle le désigne par « cousin ».
Cette lettre manuscrite m’a été transmise par Carlos (petit-fils de Mme Gerhard) le 10 septembre 2008. Il la tenait de son cousin Fernando junior de Valls. ■
Pour un bel enterrement, c’est un bel enterrement. Précédé par une voiture de fleurs, le corbillard est tiré à deux chevaux, les tentures et caparaçons noirs sont frangés d’argent, douze enfants de chœur l’escortent, portant des cierges. Une double haie de soldats en armes, fusil au bras pointé vers le sol comme veut le protocole militaire en pareil cas, encadre le char funèbre. Derrière viennent sur deux rangs les membres de la famille, puis, devançant les corps constitués et la foule compacte qu’on voit progresser sur le boulevard de Pérolles, à Fribourg, marchent en file indienne et gibus sur la tête les membres du Conseil d’Etat. C’est leur collègue Louis Ody qu’on emmène au cimetière, le 1er décembre 1908. Mort d’une brève maladie de foie, il n’avait pas 40 ans.
Le photographe est Albert Ramstein, actif à Fribourg
depuis 1896. Son atelier partage le marché local avec celui, ancien (1860),
d’Ernest Lorson et celui, récent (1891), de Cyprien-Prosper Macherel, mais des
liens étroits unissent ce petit monde : Macherel a été l’apprenti de
Lorson, son fils Prosper sera celui de Ramstein. Dans ces premières années du
siècle, alors qu’une certaine spécialisation les distingue déjà, l’époque favorise
doublement leur artisanat, car la technique photographique se perfectionne et
la ville se métamorphose. Le centre des affaires et l’habitat bourgeois se
déplacent vers le haut, le dynamisme passe aux nouveaux quartiers de Pérolles
et de Beauregard, centrés sur la gare du chemin de fer. Le bourg historique ne
conserve plus que les sièges du pouvoir politique et religieux – l’hôtel de
ville, l’évêché et la collégiale Saint-Nicolas où le défunt aura sa messe
d’enterrement. Il habitait Pérolles, mais la paroisse de Saint-Pierre n’aura sa
propre église que dans vingt ans.
Posté à l’entrée du boulevard de Pérolles, achevé en
1900, Ramstein a saisi en arrière-plan les badauds. Ils ont pris place devant
le café Continental (1905), sous la belle marquise de fer et de verre, et
l’immeuble de la Belle Jardinière (1907) qui fait l’angle avec la place de la Gare.
Les immeubles de rapport contigus dont la rangée prolonge le café ont été
élevés entre 1898 et 1904. Cette année-là, mais à l’autre bout de la ville, s’ouvre
le cimetière de Saint-Léonard où l’on emmène le conseiller Ody. Le cortège
défile dans le décor d’un Fribourg résolument moderne, même si la pompe funèbre,
traditionnelle, le shako, les tuniques à double rangée de boutons et le sac à
poil des soldats appartiennent encore au XIXe siècle.
Le cercueil est posé sur le corbillard communal, car
il n’existe pas encore d’entrepreneur de pompes funèbres à Fribourg, la maison
genevoise Murith n’y ouvrira une succursale qu’en 1916. Pour les gens modestes,
la famille et les voisins se chargent des opérations, la Ville se bornant à
fournir le char et les porteurs. Pour un conseiller d’Etat en exercice, bien
sûr, on imagine que l’organisation des obsèques mobilise les bureaux de la
chancellerie, mais les fonctionnaires ont de l’expérience.
En 1900 est mort en fonctions le vétéran de l’exécutif, Henri Schaller, 72 ans d’âge et quarante années au gouvernement. Louis Ody n’y a siégé que deux ans. Un an après ses obsèques, le 25 novembre 1909, se déroulent celles, non moins officielles, du commandant de corps Arthur de Techtermann; il a aussi été brièvement conseiller d’Etat, démissionnant en 1881 pour se consacrer à l’armée. En 1914 meurent en fonctions deux membres du gouvernement, Stanislas Aeby et Louis Cardinaux. Jusqu’à la fin du siècle, quatre conseillers d’Etat en exercice passeront encore en corbillard devant leurs concitoyens : Georges Python (1927), Emile Savoy (1935), Romain Chatton (1941) et Maxime Quartenoud (1956). Quels que soient la profession ou le statut social du défunt, les Fribourgeois restent amateurs de beaux cortèges funèbres. On n’a pas oublié pas ceux de l’abbé Bovet (1951), du coureur automobile Jo Siffert (1971) ou du plasticien Jean Tinguely (1991), tous insurpassables, chacun dans son registre. « Mais où sont les funérailles d’antan ? », chantait Georges Brassens. ■
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Doué pour le violon de poche et les acrobaties, le clown Grock s’était adonné, jeune, à la haute voltige. Quitte à en perdre l’équilibre. Charles Adrien Wettach avait 14 ans en mai 1894. De nature téméraire, il remplaça au pied levé un horloger dont le projet était de traverser sur une corde la place du Marché-Neuf à Bienne. Quelques bonnes dizaines de mètres à parcourir tête et buste hauts perchés, comme un funambule en équilibre avec une vue imprenable sur la ville. Mais un accident est arrivé. La corde n’était pas assez tendue. Il s’en était fallu – ô malheur – d’un souffle pour que Grock, qui allait devenir quelques années plus tard l’un des plus grands clowns du XXe siècle, ne connaisse dans le Seeland des débuts laborieux voire ratés.
Dans le document des Archives de la Radio Télévision Suisse, il déclare avec justesse qu’ « un clown doté d’un faux nez n’est pas comique ». Seule l’exploitation de sa physionomie et de ses expressions compte artistiquement, selon lui.
D’où provenait
aussi son truculent « Saaaaaaannnns blâââââguuuue » ponctué du
rire sardonique dont raffolent les enfants qui s’esclaffaient jadis en écoutant
ou en observant les drôleries de Grock. Avec son râle moelleux et rauque, ce
clown d’un autre temps aurait pu naître en Haute-Provence et inspirer par
exemple Giono, Daudet, Tartarin de Tarascon… Mais c’est au lieu-dit du Moulin
de Loveresse, dans le Jura bernois, près de Reconvilier, que naquit Charles Adrien
Wettach, dit « Grock », détenteur du timbre vocal un brin chantant
des Jurassiens bernois qualifiés pourtant de taiseux. Mais au cours de sa
longue carrière de troubadour, ce pince-sans-rire s’aperçut aussi que les spectateurs
anglais ne saisissaient pas exactement toute la poésie contenue dans son « Saaaaaaannnns
blâââââguuuue » sans queue ni tête, devenu avec le temps sa marque de fabrique. Grock
avait vécu plusieurs années outre-Manche et connaissait donc bien les zygomatiques
d’Albion.
Sur la bande grésillante des vieux studios d’antan, il égrène les étapes qui conduisaient à la transformation – au cœur de sa loge de maquillage – de Charles Adrien Wettach en Grock. Clown aux lèvres et yeux noirs et aux oreilles rougies. Et cette moque collée sous les narines, cette morve de saltimbanque. ■
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