Au cœur du mois de juin 1983, c’est tout un petit monde qui est en proie à une vive excitation. Les esprits s’échauffent autour d’une affaire anatomique. Cause du scandale : sur les plages de la Riviera vaudoise, voilà que des dames bronzent seins nus. Une poignée de citoyens outrés publient une lettre ouverte aux municipalités de la région, dans les colonnes de la Feuille d’avis de Vevey. D’une plume solennelle, ils affirment que l’on « impose à une majorité d’adultes et d’enfants un spectacle contraire à la décence, à la morale et aux convictions religieuses de certains d’entre eux ». La gravité des faits justifie à leur sens l’application stricte des règlements de police. En un mot, ils veulent la peau du monokini.
On aurait pu penser que l’exposition de la poitrine féminine à la face du soleil n’était plus un motif susceptible de froisser les âmes prudes, encore moins de susciter des vocations de lanceurs d’alerte. La mode du monokini, après tout, avait ses adeptes depuis deux décennies déjà, en France tout du moins. Le journal 24heures consacrait ainsi un court article au phénomène du « deux pièces moins une », en juillet 1964.
Ce sont alors les maires, en France, qui prennent la décision de tolérer ou non le monokini en bord de mer. Si quelques-uns d’entre eux semblent à l’avant-garde de la libération des corps, certains arguments invoqués nous laissent aujourd’hui pantois. Un exemple ? Le maire de Biscarosse se montre favorable aux seins nus « surtout si les demi-maillots sont portés par des belles filles ». Une gauloiserie qui n’appelle aucun commentaire.
Au cours des années suivantes, et loin des plages hexagonales où défilent les stars du monde entier, les Suissesses peuvent enfin espérer s’affranchir de certaines injustices. En 1971, elles obtiennent un droit de vote qui leur était jusqu’alors refusé. Quant à l’égalité des sexes, elle n’est inscrite dans la Constitution fédérale qu’en 1981, après de longs débats. Alors, quand quelques âmes effarouchées à la vue de seins nus croient bon de crier à la « dégradation morale », les principales intéressées peuvent bien se contenter d’en sourire, sans accorder trop d’importance à ceux qui souhaitent leur imposer un code vestimentaire prétendument pudique. Et de retourner parfaire leur bronzage, le buste libre et dénudé. ■
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