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Le délai court jusqu’au lundi 21 septembre midi. Merci de votre participation.

Tour à Fribourg

Photo Robert Walker, coll. NH/notreHistoire.ch

Prolongez les Journées du patrimoine 2020, qui se sont tenues ce week-end sur le thème de la verticalité, avec un article consacré à une tour qui a tout d’une grande, mais dont on parle peu: le plus petit gratte-ciel de Suisse érigé à Fribourg. Vous pouvez retrouver l’ensemble de cette série en cliquant ici.

Droit vers le ciel, c’est la direction originelle de Fribourg. L’historien de l’art Marcel Strub l’avait noté : « Un tel lieu devait voir fleurir avec bonheur un style aussi vertical (…) que le gothique », et de fait la ville grandit en se hérissant de tour et de clochers jusqu’à ressembler, selon le même auteur, à « un carré de pertuisaniers ». Certes, de nouveaux quartiers vinrent s’étager au-dessus du bourg primitif, mais dans le regard des visiteurs comme dans l’esprit des habitants la cité culminait avec la tour de Saint-Nicolas. Viser plus haut ? Quasiment un blasphème.

L’industrie s’y hasarda pourtant, autour de 1900, en proposant de nouveaux signaux d’altitude, les cheminées de brique du plateau de Pérolles : brasserie du Cardinal, chocolaterie de Villars. Suivraient les silos, massifs. Mais il fallut attendre les années 1970 pour que les 18 étages de l’Eurotel renvoient les élancements gothiques dans les profondeurs du passé. Désormais, les citadins pourraient loger dans des immeubles-tours, voire des silos agricoles transformés, et Pérolles pourrait se prendre pour Manhattan. Mais on savait depuis quarante ans que ces temps verticaux pourraient advenir. En 1932, Fribourg avait élevé le plus petit gratte-ciel du pays. Adresse : rue Frédéric-Chaillet, numéro 7. Il s’agissait tout de même d’une première, avec ses neuf étages, d’un geste annonciateur de modernité. Les citadins le baptisèrent spontanément « tour Pizzera », du nom de l’entrepreneur, un Neuchâtelois.

Un sculpteur, un romancier, un maître de ballet

Les architectes, Léonard Dénervaud et Georges Schaller, étaient bien d’ici. Leur bureau existait depuis 1928, et dans la décennie suivante ils gratifièrent la ville de constructions aux lignes sobres, aux formes pures, dans l’esprit de la Nouvelle Objectivité et le sillage d’un plasticien comme le Genevois Maurice Braillard. Rue Chaillet 7, la façade lisse est strictement symétrique, sans ornement chichiteux. De part et d’un axe étroit, vitré, encastré sur toute la hauteur, s’ouvrent à chaque étage un balcon en retrait et une fenêtre aux proportions semblables.

Est-ce la qualité de l’architecture qui peupla d’artistes les appartements, faisant de la tour un petit centre culturel avant la lettre ? Le peintre Buchs y installa son atelier, le sculpteur Antoine Claraz y logea, comme le maître de ballet Jean Dousse ou le romancier Marc Waeber. Deux corps de musique, la Landwehr et l’Union instrumentale, venaient au pied du bâtiment donner l’aubade à leurs directeurs Oscar Moret et Paul Mossu, ou sonner la diane au matin de la Fête-Dieu. La boulangerie Hauser, au rez-de-chaussée, assurait la survie de tous. Telle s’élève la tour Pizzera dans mes souvenirs d’enfant.

L’immeuble était d’autant plus impressionnant qu’il s’élevait en bordure d’un profond ravin (Strub encore : « On retrouve infailliblement l’aspect vertigineux qui enchanta les Romantiques »), couvert d’une sauvage végétation. La tour fait aujourd’hui petite figure, mais à l’époque elle surplombait avec orgueil un dense quartier. Elle était flanquée, de chaque côté, par un immeuble allongé haut de quatre étages; en face, un bloc locatif en U entourait une cour herbue plantée en son centre d’un marronnier. Il y avait ainsi de la verdure devant et derrière, et surtout de l’espace pour les jeux des enfants, bientôt remplacés – hélas – par des parc à voitures. Seul reste interdite aux bagnoles, aujourd’hui, la minuscule esplanade servant de perron à la tour Pizzerra. Mais une pancarte interdit d’y jouer. ■

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Tour TSR

Coll. D. Python/notreHistoire.ch

A l’occasion des Journées du patrimoine 2020 ce week-end, sur le thème de la verticalité, nous publions une série consacrée à quelques constructions en Suisse romande. Vous pouvez retrouver l’ensemble de cette série en cliquant ici.

En même temps que le groupe de presse Lamunière à Lausanne, la Télévision Suisse Romande décide de se doter d’une tour au début des années 1960. L’air du temps dicte ce genre de constructions. Sur le modèle américain, les organes d’information ne sauraient se passer d’un tel ancrage symbolique dans le skyline des grandes villes.

Le bâtiment sera implanté en bordure de l’Arve à proximité de bâtiments plus anciens déjà dévolus à la téléradiodiffusion. Une maison de la radio y a été construite à la fin des années 1930, un studio de télévision au début des années 1950. Le nouvel édifice est confié à l’architecte genevois Arthur Bugna qui a déjà réalisé le centre administratif de Givaudan. A l’exemple des buildings new-yorkais de l’après-guerre, il conçoit une tour, destiné à accueillir les bureaux de l’administration, reposant sur une « galette », un bâtiment bas et étendu dévolu à des activités plus triviales. Culminant à 60 m. et surmonté d’un antenne imposante, la tour de 17 étages comprend des bureaux, un restaurant et des locaux de montage. Dans la galette, se trouvent trois studios de tournage, l’un d’une surface de 800 m2 et deux autres de 175 m2.

Les travaux commencent en 1963 pour s’achever en 1970. Sur le modèle américain toujours, on commence par construire un noyau de béton armé qui renfermera tous les locaux de services : ascenseurs, escalier de secours et sanitaires. Sur ce noyau, s’accrochent les dalles de plancher, en béton armé également, qui reposent à l’extérieur sur des piliers d’acier. On suspend ensuite en façade des éléments préfabriqués en aluminium et verre émaillé. Des cloisons légères permettent de moduler l’espace intérieur à volonté.

Il est décidé de rénover la tour pour 2007, mais des sondages font apparaître qu’elle est bourrée d’amiante. On est alors forcé d’avancer les travaux. Quinze bureaux d’architectes suisses et étrangers sont invités à participer à un concours, qui est remporté par le bureau genevois de Patrick Devanthéry et Inès Lamunière. Initié en 2005, le démontage de la tour ne laisse plus que le noyau en béton armé. Les 440 tonnes de déchets contaminés par l’amiante sont transportés en containers scellés dans une usine spécialisée près de Bordeaux.

Les architectes réorganisent quelque peu la distribution intérieure, qui était marquée par une forte hiérarchisation dans le sens de l’élévation. Ils créent des vides sur plusieurs étages, en trois endroits, pour faciliter la communication entre les niveaux et aménager des espaces de réunion. Les deux derniers étages, qui étaient réservés à la direction, sont étendus en porte-à faux vers l’extérieur, pour servir à la fois de grand espace d’accueil et de studio improvisé. De fait, la direction doit redescendre au 8e étage. Enfin, la rénovation modifie complètement l’aspect extérieur de la tour, en remplaçant l’habillage de couleur sombre par des panneaux miroir en acier inox plus chatoyant.

Les travaux de rénovation sont achevés en 2010. Grâce à un nouveau système d’aération, à de l’eau chaude fournie par des panneaux solaires, à des fenêtres isolantes et à un éclairage basse consommation, le résultat est conforme aux normes Minergie. Les coûts de chauffage ont été réduits de 75% par rapport à l’ancien bâtiment. ■

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Lausanne Beaulieu: Projet tour Tschumi

Coll. R. Monnard/notreHistoire.ch

En vue de l’Exposition nationale qui doit se tenir à Lausanne en 1964, Emmanuel Faillettaz, qui préside au destin du Comptoir suisse pendant 40 ans après que son père, Eugène Faillettaz, l’eut fondé, s’inquiète de la concurrence que l’événement fédéral va faire à la foire agricole et commerciale vaudoise. Il se souvient alors que l’ingénieur Alexandre Sarrasin, grand spécialiste du béton armé, avait fait quelques années auparavant la proposition de construire une tour de 500 m de haut dans le cadre de l’Expo. L’idée fut rejetée, mais Faillettaz décide de la reprendre, en réduisant cependant la hauteur du projet à 280 m, ce qui en faisait tout de même une des constructions les plus élevées d’Europe. En outre, il adjoint à l’ingénieur un architecte prestigieux, Jean Tschumi, qui est en train de réaliser un autre bastion du parti radical vaudois, le bâtiment de la Mutuelle Vaudoise Accidents, et qui vient de refuser la direction de l’Exposition nationale.

Alexandre Sarrasin fait partie de ces ingénieurs civils héroïques qui au cours du XXe siècle domptent en Suisse les montagnes et les cours d’eau à coup de ponts et de retenues grandioses. Il est notamment l’auteur du barrage à voûtes et contreforts des Marécottes en 1925. Professeur à l’Université de Lausanne, il bénéfice d’une reconnaissance et d’un prestige incontestables. Après un début de carrière consacré à l’architecture d’intérieur, notamment pour l’entreprise Sandoz, Jean Tschumi enchaîne à la fin des années 1950 des chantiers de grandes envergures qui lui confèrent une stature internationale et en font un des constructeurs les plus marquants du XXe siècle en Suisse romande, notamment le siège de la compagnie André à Lausanne, le siège de Nestlé à Vevey et l’Organisation mondiale de la santé à Genève. Il est aussi le fondateur de la section d’architecture au sein de l’Ecole polytechnique et universitaire de Lausanne, future EPFL.

Cinq francs pour le sommet

Alors que le premier projet de Sarrasin se présentait comme un simple pylône s’effilant vers le haut, Tschumi lui confère une silhouette plus élancée. La tour évoque une feuille roulée posée sur la tranche, qui s’ouvre légèrement et opère une sorte de torsion. De fait, elle est plus étroite en son milieu qu’en son sommet et se fend sur toute sa hauteur en une échancrure qui en fait le tour. Tschumi a déjà pratiqué la construction en hauteur avec la réalisation en 1959 du silo à grain de Renens en bordure des voies ferroviaires. Haut de 64 mètres, l’édifice adopte alors plutôt la forme d’un monolithe à biseaux.

Pour faire passer son projet, quelque peu mégalomaniaque, Faillettaz le présente en grande pompe à l’assemblée générale du Comptoir suisse en 1961. Pour la justifier, la tour contiendra dans sa base une salle des congrès avec une capacité de 1000 places. Lausanne manque alors cruellement de ce type d’équipement. Le socle renfermera encore 15 étages d’espace utile. On y logera une haute école des études sociales, politiques et économiques, qui fait encore défaut à l’Université de Lausanne et qui pourra se répartir dans deux auditoires de 250 places, 25 salles de cours, des bureaux et une bibliothèque. Au sommet, un restaurant et un belvédère en plein-air seront ouverts au public. Prolongeant le point culminant, une mince aiguille d’une longueur de 100 mètres permet de dépasser symboliquement la hauteur de la tour Eiffel. Pour rendre le projet encore plus séduisant, Tschumi remodèle tout le site qui présente un aspect quelque peu disparate, comme c’est encore le cas aujourd’hui. Il prévoit de raser toutes les halles, ainsi que l’ancienne caserne de la Pontaise, pour y installer de longues barres uniformes. L’accès à la tour pour une somme de 5 francs aurait permis d’amortir en partie les coûts de la construction.

Cependant, de nombreux obstacles mettent le projet en échec. La tour suscite à la fois l’opposition du syndic de Lausanne, Georges-André Chevallaz, des autorités cantonales et de la Confédération, qui tente alors d’empêcher la « surchauffe économique » en freinant les investissements dans la construction et voyait aussi certainement d’un mauvais œil cette concurrence faite à son Expo. En fin de compte, la mort prématurée de Jean Tschumi, victime d’une crise cardiaque en 1962 dans le train de nuit Paris-Lausanne, mettra un terme définitif à ces ambitions de grandeur.■

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