De nombreux Suisses s’installent en Amérique du Nord dans la seconde moitié du XIXe siècle, souvent en raison de difficultés économiques ou de crises agricoles. En 1929, le journal Le Jura publie un article intitulé « Un village émigre » (1). Il évoque le cas de Cornol qui compte près de 500 habitants partis tenter leur chance aux États-Unis, et plus particulièrement à New York, entre la fin du XIXe siècle et les années 1930. Ce petit village proche de Porrentruy présente une émigration relativement importante en proportion de sa population. C’est ce que révèle l’historienne Marie-Angèle Lovis qui s’est penchée sur ce phénomène migratoire dans un ouvrage qui vient de paraître (2).
Quitter Cornol
La conjoncture économique difficile, l’instabilité du secteur de l’industrie horlogère ou la recherche d’une vie prospère sont parmi les facteurs qui poussent certains ressortissants de Cornol à émigrer. Marcel Girard est l’un de ces expatriés. Né en 1906 dans une famille nombreuse de neuf enfants, Girard embarque en 1923 à l’âge de 17 ans à bord du paquebot La Savoie au départ du Havre à destination de New York. Comme la plupart de ses concitoyens, il fait le voyage en deuxième classe. Le coût de la traversée, sans doute financée par ses parents, se situe aux alentours de 900 francs suisses – une somme importante pour l’époque. Le voyage a probablement été organisé par une agence d’émigration telles que les maisons bâloises Rommel et Zwilchenbart qui collaborent avec la Compagnie générale transatlantique, une entreprise de transport maritime.
Welcome to America
La Savoie accoste à Ellis Island le 6 août 1923. De nombreux ressortissants de Cornol se trouvent déjà sur place, ce qui laisse à penser que le jeune Girard a pu bénéficier du soutien de certains d’entre eux pour trouver un logement et un travail et prendre ses repères dans une ville dont la langue lui est étrangère. Il est courant qu’un membre de la famille, un cousin, un oncle, ou encore un ami de la famille, offre son appui aux nouveaux arrivés. La création de ces échanges est facilitée par le fait qu’un certain nombre d’émigrés de Cornol vivent dans le même quartier new-yorkais – qu’ils appellent fièrement « City Cornol », d’après Le Jura. Au cours de sa vie américaine, Marcel Girard a tissé des liens avec d’autres émigrés de Cornol, à l’exemple de Constant Adam.
Une photographie datant des années 1920 montre les deux expatriés posant chez un photographe vêtus d’un costume élégant.
Les habitants de Cornol émigrés à New York reviennent parfois au village en été pour les vacances. Selon Le Jura, ce bref retour est l’occasion de faire connaître leur nouvelle vie aux habitants par des récits susceptibles de susciter des envies de départ : « A les voir ainsi revenus avec leur chic américain, à les entendre raconter leur vie de peines, de travail, mais aussi de gains, à fréquenter ces vrais gentlemen, les sédentaires et les récalcitrants se sentent épris du désir de de préparer leur visa pour outre-mer. Jusqu’aux bambins de l’école primaire qui rêvent déjà de leur voyage d’Amérique. C’est une fièvre et je n’oserais pas ajouter que parmi notre jeunesse, environ quarante filles et garçons attendent leur tour pour prendre les prochains bateaux, via New York. »
Une vie américaine
C’est à New-York que Marcel Girard rencontre sa future épouse, Marie Maurer, d’origine française. Le mariage est célébré dans une église de Manhattan en 1928. A cette époque, il est cuisinier, elle est couturière dans une usine. Les emplois dans la restauration sont courants pour les nouveaux arrivés (casseroliers, plongeurs, éplucheurs de légumes) tout comme les métiers de chauffeurs, jardiniers ou d’ouvriers d’usine.
Dans son livre, Marie-Angèle Lovis signale deux avantages liés aux métiers de la restauration : la possibilité de grader en commençant au bas de l’échelle et la garantie de repas quotidiens. Des conditions favorables qui ont peut-être joué un rôle dans le choix professionnel de Girard.
Le couple vit tout d’abord à Manhattan, puis dans le Queens. Durant la Seconde Guerre mondiale, Marcel Girard est mobilisé, ce dont témoigne plusieurs photographies publiées sur notreHistoire.ch. Après New York, le couple s’établit en Floride pour y passer sa retraite. Marcel Girard décède en 1986 à Palm Beach. ■
Références
(1) « Un village émigre », Le Jura, vol. 79, nº110, 14 septembre 1929. (2) Marie-Angèle Lovis, Un village suisse émigre. Le cas de Cornol dans le canton du Jura (1815-1956), Neuchâtel, Alphil, 2020.
« Je constate avec chagrin que le nom de mon père, Frédéric Rouge, peintre vaudois, n’est même pas mentionné. Pas de mépris… non… même pas… le vide… il n’existe pas (1). » En 1978, lorsque paraît le septième volume de l’Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud, intitulé « Les Arts II, de 1800 à nos jours », la fille du peintre Frédéric Rouge exprime son profond désarroi au directeur de la série : son père ne figure pas dans l’ouvrage. Cette absence apparaît d’autant plus préjudiciable au rayonnement posthume de l’artiste que chaque volume de l’Encyclopédie se vend alors à plusieurs milliers d’exemplaires – la collection trône encore dans bon nombre de salons vaudois.
Pourtant, Frédéric Rouge apparaît comme l’un des peintres les plus populaires de sa région et, de son vivant, les reproductions de ses œuvres se multiplient. Né à Aigle en 1867, il se forme à Bâle, à Paris, à Florence. Son art, cependant, exprimera avant tout la nostalgie d’une terre paysanne – et plus encore chablaisienne – sur le point de s’effacer face aux progrès de l’industrie (2): il peint les vignerons à l’ouvrage, le chasseur solitaire sur les traces du chamois, le bûcheron qui semble surgir d’une forêt ténébreuse pour regagner son foyer.
Dans son atelier d’Ollon, il représente aussi les montagnes de sa région et les eaux calmes du Léman, où seul un martin-pêcheur semble donner vie à la toile. Interrogé en 1946 par la radio, Frédéric Rouge confessera : « J’ai fait ce que j’ai pu pour le canton de Vaud. C’est ce qui m’intéressait le plus, en somme (3). » Il décède quatre ans plus tard. Quelques rétrospectives tenteront de maintenir son souvenir vivant au cours des décennies suivantes. Mais c’est surtout depuis la création de la Fondation Frédéric Rouge, en 2008, que l’œuvre du peintre chablaisien connaît une visibilité nouvelle, grâce à l’organisation de plusieurs expositions. Voilà de quoi réparer l’oubli de l’Encyclopédie… ■
(1)Lettre de Liliane Favre-Rouge, fille de Frédéric Rouge, à Bertil Galland, directeur de l’Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud, 4 décembre 1978. Consultable par ce lien (2) KAENEL, Philippe, « Un artiste populaire et méconnu », in Passé simple, décembre 2017, p. 20. (3) L’enregistrement peut être écouté en cliquant ici
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Quelle soit formelle ou informelle, la sociabilité est un élément essentiel de la diplomatie. Avec l’installation de la Société des Nations (SdN) sur les bords du lac Léman en 1920, elle va également venir constituer une des facettes de l’esprit de coopération connu sous le nom de « l’esprit de Genève ». La sociabilité au temps de la SdN se décline sous différentes formes, elle concerne une multitude d’acteurs et se déploie dans différents espaces. Si elle varie au fil du temps et de l’évolution du contexte international, cette dimension sociale va rester une composante importante du fonctionnement de la première organisation créée pour maintenir la paix et promouvoir la coopération internationale.
Genève, un laboratoire de la diplomatie multilatérale
Le rôle de la sociabilité découle en grande partie du caractère novateur de la SdN. En effet, la création de la Société marque un tournant dans le développement du multilatéralisme moderne et pose les jalons du système international dans lequel nous vivons aujourd’hui. L’organisation offre le premier cadre multilatéral permettant aux Etats membres de se réunir régulièrement sur un pied d’égalité pour discuter de toutes les grandes questions internationales. De plus, afin de garantir le principe de diplomatie ouverte, le public et la presse peuvent assister aux réunions.
A l’époque, c’est très novateur, pour ne pas dire du jamais vu. Genève devient ainsi un laboratoire de la diplomatie multilatérale moderne. A l’occasion des sessions de l’Assemblée qui se tiennent chaque automne, la ville se mue en « capitale morale du monde » en accueillant des chefs de gouvernement, des ministres, des diplomates, des experts, des représentants d’associations privées ainsi que des journalistes et des curieux du monde entier. Effectivement, quelques semaines par an, Genève est la ville où il faut être et où il faut apparaître. Même si elles ne réunissent pas autant de participants, les réunions du Conseil attirent souvent l’attention de l’opinion publique mondiale tandis que, loin des projecteurs, les commissions et les comités techniques de la Société œuvrent tout au long de l’année dans des domaines aussi variés que le commerce, la protection des réfugiés, la santé ou la lutte contre les stupéfiants.
Quelle que soit leur nature, les travaux de la SdN poussent les délégués à rester à Genève pendant plusieurs jours, voire dans certains cas plusieurs semaines. Ils permettent aux différents acteurs de la SdN de se côtoyer aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des salles de conférence. Les rencontres informelles se révèlent importantes pour recueillir des informations, échanger des opinions, voire même échafauder des compromis. Certains observateurs constatent que cette dimension sociale contribue à renforcer la paix. Débarrassés de la rigidité du protocole diplomatique des visites officielles, les dirigeants qui viennent à Genève peuvent apprendre à mieux se connaitre. Les liens personnels tissés dans la ville du bout du lac contribuent à dissiper les malentendus et à désamorcer les tensions. Cette dimension sociale n’est pas limitée qu’aux dirigeants politiques. Elle s’applique également au corps diplomatique, au personnel du Secrétariat ainsi qu’aux experts et favorise le développement de véritables réseaux transnationaux.
Une « diplomatie d’hôtel »
Les espaces de sociabilité sont très variés. Les hôtels sont sans doute des lieux de rencontres privilégiés. Les discussions entamées dans les salles de conférences y continuent souvent de manière informelle dans la soirée. On parle parfois de « diplomatie d’hôtel », car les établissements sont convertis en ambassades temporaires lors des grands événements diplomatiques. Les salons des grands établissements genevois sont également des lieux d’échanges privilégiés pour les membres des délégations. La journaliste Geneviève Tabouis décrit les discussions qui se tiennent dans le salon vert de l’hôtel des Bergues en 1924 : « Herriot parle de ses débuts au Quartier latin, lorsqu’il prêtait cinq francs à Verlaine pour ses aventures sentimentales (…) Anne de Noailles parle toujours d’amour : ‘A votre avis, quelle est la plus belle des lettres d’amour ?’ Paul Valéry marque sa préférence pour celle de la religieuse portugaise. Herriot préfère celle de Mlle de Lespinasse. Le docte Politis évoque Aspasie » (1).
C’est également dans les grands hôtels qu’ont lieu les dîners officiels et les banquets offerts par les Etats membres ou les autorités locales. Ces événements sont à la fois des occasions de sociabilité et de représentation diplomatique. Le lendemain, il n’est pas rare que la presse relate le déroulement du dîner. Un témoin écrit : « les plats des palaces n’ont pas de patrie, et les vins qui les arrosent constituent une Internationale propice à toutes les conciliations. A côté de la franche fermeté des bordeaux, de la chaleur généreuse des bourgognes, de la vigueur légère des champagnes, se répandent la vive fraîcheur des neufchâtel ou des dézaley, la force corsée des johannisberg, la chaude ardeur des xérès et des portos » (2). Autant dire que les nuits à Genève sont parfois courtes. D’ailleurs, à la fin des années 1920, une commission chargée d’étudier les moyens à mettre en œuvre pour améliorer les travaux de l’Assemblée suggère de limiter le nombre de dîner officiels pour préserver les délégués.
L’organisation de ces événements n’est pas réservée aux diplomates. Par exemple, l’association des journalistes accrédités auprès de la SdN tient chaque année un banquet aussi remarqué qu’attendu. C’est en effet l’occasion pour passer en revue de manière légère et humoristique les grands moments politiques de l’année. Les associations internationales – que l’on qualifierait aujourd’hui d’ONG – organisent également des dîners. D’ailleurs, ces derniers réunissent beaucoup plus souvent des femmes, qui, à l’époque, font cruellement défaut dans les corps diplomatiques nationaux. Or, les organisations féministes savent faire entendre leur voix à Genève. A l’ouverture de la Conférence mondiale du désarmement en 1932, elles font parvenir près de six millions de signatures pour soutenir un désarmement général. Les dîners officiels peuvent prendre une tournure plus mondaine quand ils sont organisés en l’honneur d’éminents intellectuels, de professeurs universitaires, mais également d’artistes, d’acteurs ou d’écrivains qui viennent à Genève attirés par le rayonnement très particulier de la ville. Les grandes réunions de la Société sont également l’occasion pour des associations locales – comme par exemple de Cercle de la presse ou le Club international – d’accueillir des personnalités politiques de renom. Les conférences publiques qui ont lieu en marge des travaux de la SdN sont aussi des occasions sociales pour la population genevoise, qui se presse parfois dans les salles disséminées dans la ville pour écouter des prestigieux orateurs sur la situation politique mondiale. Ces événements sont des moments privilégiés d’interaction entre la Genève genevoise et la Genève de la SdN.
Au-delà des grandes réceptions
Toutefois, les grandes réceptions ne représentent pas les seuls espaces de sociabilité diplomatique à Genève. Les petits restaurants de la vieille ville sont également des lieux de rencontre appréciés. Les hommes politiques traversent parfois la frontière. En 1926, c’est à l’hôtel Léger de Thoiry qu’a lieu la rencontre entre Gustav Stresemann et Aristide Briand, qui marque le rapprochement entre la France et l’Allemagne. Avec la polarisation des relations internationales des années 1930, il faut parfois se rencontrer à l’abri des regards. Des rapports de services de renseignement indiquent que les tenanciers de certains bars recueillent des informations pour le compte de puissances étrangères en exploitant les charmes de leur personnel féminin. Toutefois, un des espaces de sociabilité informels de la Société les plus connus est sans doute le Bavaria. La brasserie située rue du Rhône est appelée la cantine de la SdN, du moins avant l’inauguration du restaurant des délégués au huitième étage du Palais des Nations. C’est là que se rencontre la galaxie qui tourne autour de la Société. Selon les dires de certains, on peut y apprendre ce qui paraîtra dans les journaux le jour suivant. Le Bavaria est également le « bureau » de Alois Derso et Emery Kelen, les deux caricaturistes les plus connus de Genève. Aucun événement politique n’échappe à leurs coups de crayon. Avoir sa caricature exposée parmi celles qui recouvrent les murs de la brasserie est une marque d’importance dans le monde de la Genève de la SdN.
L’atmosphère du Bavaria est loin de celle beaucoup plus feutrée des salons privés, qui constituent un autre espace de sociabilité de la SdN. Le plus prisé est sans doute celui de Madame Barton, qui, au fil des années accueille tout le Gotha de la Société. Un délégué appellera d’ailleurs la femme du consul britannique à qui l’on doit la construction du Victoria Hall la « reine de Genève ». Sa villa au bord du lac devient au fil des années le centre social des délégations et du Secrétariat. L’invitation pour un thé ou un repas est souvent l’occasion de faire des connaissances importantes.
Moins mondains mais
tout aussi importants, les clubs de sport, notamment de tennis et de golf sont
des lieux de rencontres appréciés par les délégués et les membres du
Secrétariat. Les activités nautiques sur le lac Léman permettent également de
tisser des liens, même quand l’expérience se révèle « terrifiante »,
comme celle vécue par Rachel Crowdy lors d’une excursion en bateau à voile avec
Fridtjof Nansen. En effet, dans ses mémoires, celle qui a été une des rares
femmes à diriger une Section du Secrétariat écrit que l’ancien explorateur
norvégien avait fait tout ce qu’on lui avait appris à ne pas faire sur un
voilier. Quant à eux, certains délégués et membres du Secrétariat préfèrent suivre
le premier Secrétaire général de la SdN Eric Drummond pêcher la truite dans la
Versoix. Une activité certes moins effrayante qu’une sortie en voile avec une
ancien explorateur polaire, mais tout aussi importante pour tisser des liens
sociaux.
De fait, au vu de l’importance de la sociabilité pour la diplomatie multilatérale, il n’est pas surprenant de voir la place que celle-ci a occupé au cours des plus de vingt ans d’existence la Société des Nations à Genève. Encore relativement peu étudiée, elle mérite pourtant d’être examinée de manière plus approfondie, aussi bien pour explorer son rôle politique dans le fonctionnement de la première organisation multilatérale « globale » qu’en tant que facteur d’interaction avec la réalité locale. ■
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Références
(1) Geneviève Tabouis, 20 ans de suspens diplomatique, Paris, Albin Michel, 1958, pp. 24-25. (2) Louis-Lucien Hubert, A Genève en septembre : la SDN, Albert Messein, Paris, 1929, p. 54.
C’est un petit carnet bleu, de ceux, scolaires, dans lesquels on note de longues listes de mots allemands à apprendre par cœur ou de conjugaisons. Dans celui-ci, cependant, point d’énumérations soporifiques, mais le récit frais et enjoué d’un jeune garçon, parti découvrir la région de Champéry en août 1870 avec quelques camarades de son école. Au temps où les photographies étaient réservées aux événements spéciaux et prises, le plus souvent, dans des studios, les pages noircies du carnet sont enrichies de nombreux dessins à la plume et à l’encre brune, relevés quelquefois de traits rouges. Ce compte-rendu est celui de Maurice Cramer, alors élève de l’École Privat à Genève, une institution scolaire privée inaugurée en 1814, année de la Restauration pour accueillir les générations d’enfants des familles patriciennes. Au fil des pages, le déroulement de la journée, les découvertes, les exploits ou les petits malheurs se succèdent dans une écriture encore un peu maladroite.
Les promenades du jeudi
L’École Privat organise régulièrement des voyages pour ses
élèves, que ce soient des excursions hebdomadaires appelées « promenades du
jeudi », des camps de ski à la saison d’hiver ou des voyages à la
découverte de la Suisse en été, principalement dans les Alpes. Selon ses
enseignants, les voyages forgent la jeunesse, développent leur sens de
l’observation et le goût des sciences naturelles tout en lui permettant de
s’imprégner de mille impressions et souvenirs. Un récit, journal de bord,
accompagne souvent ces expéditions. Hommage à Rodolphe Töpffer, célèbre Genevois,
celui-ci prend parfois la forme d’un « voyage en zigzag », relatant les
exploits des participants. Ces mémoires, destinés principalement aux parents
des élèves, permettent de se plonger dans une époque où les trajets s’effectuent
en train, en bateau à vapeur, en charrette ou à pied, et durant lesquels on
jouit de simples bonheurs et de l’esprit de camaraderie.
Ce petit cahier fait partie du fonds d’archives de l’École Privat versé à la CRIÉE, l’institution elle-même ayant fermé ses portes en 1960. Au fil des pages, l’esprit voyage en même temps que son auteur. On mange de la marmotte, dont le goût ne plaît pas à l’enfant, on construit des canaux et l’on escalade des rochers. Mais l’intérêt de cette chronique, dont l’écriture est quelquefois interrompue par des ratures ou des taches d’encre, réside également dans les dessins qui animent les aventures quotidiennes. Ceux-ci n’ont probablement pas été réalisés par l’auteur du texte qui, selon une note de son fils, aurait alors eu sept ans. Ils émanent plutôt d’Ernest Privat, accompagnateur du voyage et membre de la famille dirigeant l’école. Dans ces croquis, l’esprit se veut caustique, à l’instar des dessins de Töpffer qui agrémentait également ses histoires d’images comiques. Dans ce dessin, des rochers aux gueules de loup, dignes d’un conte fantastique, se rient du citadin qui s’est accroché à une branche morte et qui se retrouve coincé, suspendu au-dessus du vide. Un épisode qui marqua sans doute le jeune garçon victime de l’incident et que le dessin nous rapporte toujours aussi fraîchement, 150 ans après être survenu. ■