L'Inédit

par notreHistoire


Equipe Couleur 3 /Genève (1982)

Coll. R. Claude/notreHistoire.ch

En février 1982, une bande de joyeux drilles lance Couleur 3 sur les ondes, la radio la plus décalée de l’univers hertzien européen. Une photo de presse décadente rappelle des heures glorieuses où la radio se réinventait.

Programmateur puis animateur des débuts de la chaîne, René Claude apparaît au premier plan sur ce cliché new wave qu’il a lui-même catapulté récemment sur notreHistoire.ch. Il est assis au premier plan, à peine couvert par un T-shirt noir bien lacéré. « Les Heures noires », puis les « Heures rouges » de la « 3 » jusqu’en 1989… c’était lui. Et comme autres faits d’armes, on lui doit aussi l’engagement de Madame Ming, repérée en France, qui s’est distinguée par des chroniques qui auront autant fait estomaquer que saliver l’audience.

Couleur 3 est alors cornaquée par Jean-François Acker (au centre, en noir surmonté d’un chapeau), directeur artistique de la «3 ». Cette photo est réalisée en mai ou juin 1982 dans les studios de la nouvelle chaîne branchée, installés à Genève, Boulevard Carl Vogt, avant de déménager à Lausanne.

Plus simple, plus direct

« J’ai été engagé en avril 1982 », se rappelle René Claude lorsque L’Inédit tente de lui rafraîchir la mémoire. « J’avais posé ma voix pour l’annonce d’un concert à la radio. Acker m’a dit : tu prendras l’antenne dimanche prochain. Tout était beaucoup plus simple et plus direct à l’époque ». La moyenne d’âge de la première équipe de la « 3 » se situait autour de 24-25 ans. Une vague punk et tapageuse débarquait dans les studios et bureaux poussiéreux de la Radio Suisse Romande, ex-Sottens. « Nous avions l’âge de notre public », note-t-il.  

Sur le cliché, on aperçoit des visages ou plutôt des voix connues accolées à des visages qui le sont moins. Des noms qui – pour certains – disent encore quelque chose aux auditeurs de la Première d’aujourd’hui: Bruno Séribat (l’homme au gant blanc), Nancy Ypsilantis (à l’arrière-plan en haut à gauche, de profil, chevelure noire et lunettes, le regard tourné vers un homme… Alain Monney ?), Lucille Solari (à gauche, accroupie derrière Bruno Séribat, cheveux courts). Avec les années, bientôt 40, Couleur 3 est devenue la plus grande pourvoyeuse de talents pour les différentes chaînes la Radio Suisse Romande.

Radio sur le tas

« Nous apprenions tout sur le tas. Ce fut une aventure permanente », s’émerveille encore René Claude. « L’anticonformisme de cette époque me manque », regrette-il. « Nous diffusions nos émissions en direct 24 heures sur 24, à l’exception des Tropicales et de l’heure hard, les deux enregistrées. L’animateur devait tenir le crachoir sur des tranches de quatre heures ». Très vite, en 1982, année de son lancement, Couleur 3 atteint les 18% de parts de pénétration dans le paysage radiophonique romand. ■

A consulter également sur notreHistoire.ch

Un foisonnement des documents photos, audios et vidéos réunis pour les 30 ans de Couleur 3

Recevez chaque semaine les articles de L’Inédit en vous inscrivant à notre newsletter

La nuit aux Avanchets

Coll. C.-A. Fradel/notreHistoire.ch

Les Avanchets, sur la commune genevoise de Vernier, sont souvent désignés comme exemple repoussoir des cités-satellites réalisées dans les années 1960 et 1970. Mais, à l’instar du Lignon, ce quartier expérimental mérite certainement d’être réhabilité dans l’opinion publique.

Vu de l’extérieur, ce qui frappe au premier regard, c’est le caractère refermé sur elle-même de cette cité de 2000 logements. On se trouve face à un mur de 10 étages, de forme circulaire et au crénelage irrégulier, qui lui confèrent toutes les apparences d’une forteresse. En outre, l’ensemble est ceinturé d’importants axes routiers à la circulation incessante évoquant inévitablement les douves d’un château. Voilà qui lui donne naturellement un aspect assez hostile.

Cependant, il suffit de chercher à entrer dans la place pour se rendre compte que tout est conçu, et avec intelligence, pour faciliter la circulation piétonne. Des passerelles enjambent le flot des voitures, la base des remparts est percée de toutes parts pour se laisser pénétrer et il est possible de traverser de part en part toute la cité en une agréable promenade architecturale.

Une circulation en deux mondes séparés

Pour bien profiter de cette expérience spatiale, il est indispensable de comprendre le principe qui a présidé à son élaboration. Comme souvent dans l’urbanisme de l’après-guerre, les concepteurs, Steiger Partner AG, Walter Förderer et Franz Amrhein, ont décidé de dissocier la circulation automobile de la circulation piétonne, en les plaçant chacune à des niveaux différents. Les voitures ne sont pas absentes mais reléguées au niveau du sol, passent ou stationnent sous les bâtiments. Elles possèdent leur propre monde semi-enterré. En tant que piéton, il ne faut jamais s’y aventurer, au risque de se retrouver perdu dans un réseau incompréhensible et inadapté pour une personne qui n’avance pas à la vitesse d’un moteur à explosion.

Pour ceux et celles qui utilisent leurs jambes, tout se passe au premier niveau, qui devient dès lors rez-de-chaussée des immeubles et point de référence des aménagements extérieurs. A l’intérieur de la cité, végétation et pelouses abondent, le tout ramené par le jeu des remblais au niveau des premiers étages. Parfois, une passerelle s’élance au-dessus d’un profond canyon au fond duquel passent quelques voitures. Ailleurs, des collines ondulantes ménagent des petites places au mobilier d’extérieur. Ces espaces semblent répondre aux attentes de la population. Ils connaissent une forte fréquentation, que ce soit par des mamans à pousse-pousse ou des jeunes en survêt, qui dans d’autres cités accapareraient les cages d’escalier.

Une alternance contre la monotonie

Conscients de l’aspect massif que pouvait produire les grandes barres d’immeubles, les architectes ont tenté d’en amoindrir au maximum la monotonie. Malgré les importants efforts d’économie réalisés grâce à des éléments de construction préfabriqués et des revêtements en plaques de fibro-ciment, les façades se singularisent par des orientations toutes différentes. La taille et l’alignement des fenêtres subit de subtiles variations. Des murs pleins alternent avec d’autres munis de balcons. Sur les façades, des dégradés de couleurs, passant du brun de la terre au bleu du ciel, essaient d’évoquer un paysage naturel.

Dans le but de conférer à la cité une certaine autonomie, son centre est occupé par des bâtiments plus bas, accueillant différents services : galeries commerciales, écoles, cabinets médicaux et espaces culturels. Malheureusement ces infrastructures ont passablement souffert de modifications au fil du temps et ont petit à petit perdu, par manque de souci patrimonial, leur parenté avec les immeubles environnants, remettant ainsi en cause la cohérence de l’ensemble.

Nonobstant, les Avanchets ont conservé une grande part de leur ambition utopique et leur découverte tient un peu du voyage dans une ville futuriste au charme suranné d’une bande dessinée des années 1970. ■

A consulter également sur notreHistoire.ch

Un reportage de la RTS de 1976 sur la cité-satellite des Avanchets
A la maison des jeunes des Avanchets, en 2005, un reportage de la RTS

Recevez chaque semaine les articles de L’Inédit en vous inscrivant à notre newsletter

Aigle tué au Salève - vers 1935 Collonges-sous-Salève

Aigle tué au Salève, vers 1935

Coll. P.-O. Boillet/notreHistoire.ch

Deuxième texte de la série – sorte de feuilleton historique – que Jean Steinauer consacre aux animaux, réels et imaginaires, qui jalonnent l’histoire des Suisses (et peuplent leur inconscient). Après l’ours de Berne et l’ours d’Appenzell, cette semaine, place aux oiseaux.

Les Genevois n’ont pas attendu Chris McSorley et sa mascotte volant à travers la patinoire des Vernets pour se projeter dans un aigle. Cet oiseau royal se déploie dans les armoiries de la cité depuis les Moyen âge, bien que d’une aile seulement – c’est une allusion historique à l’Empire. La demi-aigle, qui se détache en noir sur le fond jaune, partage l’écu avec la clé empruntée à saint Pierre, dorée comme il se doit, posée sur un champ rouge. En termes peu héraldiques, mon père commentait : « Demi-poulet grillé servi avec mayonnaise, et la clé de la cave pour le gamay qui l’accompagne. »

Mon père, originaire d’Einsiedeln, ne pouvait rester muet sur les deux corbeaux occupant les armoiries de l’abbaye et de la ville qui en est issue. Il en savait la légende. Le saint moine Meinrad, qui s’était construit là un ermitage (Einsiedelei), y fut tué en 861 par deux vagabonds convoitant les cadeaux que déposaient les pèlerins. Mais deux corbeaux que Meinrad avait apprivoisés suivirent les assassins, ce qui permit de les retrouver et de les condamner. Oiseaux vengeurs, plus forts que des chiens policiers !

En avant la grue!

Ma famille vivant dans le canton de Fribourg, je fus intrigué assez tôt par un troisième volatile d’armorial, la grue. Celle des comtes de Gruyère, emblème à notre époque du district de ce nom, m’impressionnait par son allure offensive – bec pointu, patte levée, plumes hérissées – que soulignait encore la devise du journal radical portant son nom : « En avant la grue ! » Les Gruériens étaient-ils belliqueux par nature ? J’appris à l’âge adulte que le toponyme Gruyère ne devait rien à l’oiseau, mais tout au gruier, sorte d’inspecteur forestier de l’époque féodale. Dans ma petite oisellerie blasonnée, la grue était donc intruse, et tant pis pour les radicaux bullois s’ils croyaient encore à ses vertus combatives.   

Mais je m’interroge. Pourquoi trouve-t-on, dans les armoiries de nos cantons et de nos villes, si peu d’oiseaux qui nous soient familiers ? Oiseaux de la ville et des champs, du lac et de la forêt… Nombre de citadins ne verront jamais ailleurs qu’au cinéma voler l’aigle royal, mais tous ont l’expérience quotidienne du pigeon qui fiente et du moineau qui picore jusque sur les tables des terrasses. Les paysans distinguent parfaitement les martinets des hirondelles, et les promeneurs en forêt le chant du coucou des frappes du pic-vert. Quant aux pêcheurs, ils écoutent le cri des mouettes et glissent en silence leurs barques entre les cygnes, au bord des roselières.

Une foule d’oiseaux mériteraient, d’ailleurs, la promotion héraldique, au motif qu’ils peuplent notre imaginaire – la chanson, la poésie, les arts visuels en témoignent. Le rossignol chante sur la plus haute branche depuis longtemps, jamais je ne l’oublierai. Voici « l’errante hirondelle » de Lamartine, qui ne fait pas le printemps mais annonce mélancoliquement l’automne et nous remet en mémoire les morts aimés, Georges Brassens l’a très bien mise en musique. Les oiseaux ordinaires sont aussi porteurs de symboles évidents : gaieté du pinson, sagesse de la chouette, fidélité du chardonneret ornant en marqueterie les monumentales « armoires de mariage » que le menuisier du coin vous fabriquait pour la vie…

Nous protégeons le gypaète barbu, c’est entendu. Mais les petits, les obscurs, les sans grade ? Les oiseaux de tout le monde et de tous les jours ? J’ai peur que nous ne les aimions plus. Nous essayons de stériliser les pigeons, et rêvons d’exterminer les cormorans pour laisser aux seuls pêcheurs le droit de prendre des poissons. ■

Recevez chaque semaine les articles de L’Inédit en vous inscrivant à notre newsletter

Télégraphe

Salle de la transmission-réception des télégrammes de l'Office de Saint François, à Lausanne, en 1961.

Coll. A.-M. Martin-Zürcher/notreHistoire.ch

Plusieurs des abonnés à la newsletter de L’Inédit ont reçu des envois à double, car ils sont à la fois inscrits sur notreHistoire.ch et à notre newsletter. Pour éviter cette situation, des corrections sont en cours qui nous empêchent de vous adresser notre lettre d’information cette semaine. Nous vous remercions de votre compréhension. ■

Ne ratez aucun article.

Recevez les articles de L’Inédit en vous abonnant à notre newsletter.

Merci pour votre inscription!