« En aidant la France, la Suisse a fait plus que sa part ». Le 3 avril dernier, l’ambassadeur de France en Suisse louait, au micro de la RTS, les bons services de la Confédération. Laudateur, Frédéric Journès se référait à la cinquantaine de patients malades du coronavirus qui, transportés en urgence vers la Suisse, avaient pu être soignés au pic de l’épidémie en Alsace. A l’orée de Bâle, au croisement des frontières suisse, allemande et française, dans les hôpitaux du Dreiländereck, la collaboration s’était intensifiée fin mars déjà.
Administrativement, on parlait alors d’«évacuations sanitaires» afin de soulager des villes frappées par la Covid-19, telles que Colmar ou Mulhouse. Des sites qui pliaient sous le poids de services réanimation surchargés. Outre des hôpitaux suisses, l’Allemagne a elle aussi participé à l’effort commun.
Peu importe l’uniforme
Voici un siècle, la station valaisanne de Montana-Vermala accueillait pour sa part ses premiers internés français de la Grande Guerre. Des cliniques et hôpitaux suisses étaient déjà mobilisés au cœur du drame européen. Au beau milieu de l’hiver 1916, des patients atteints de tuberculose ou d’affections chroniques des voies respiratoires ont alors frappé aux portes du pays. Fidèle à sa tradition humanitaire et de neutralité, la Suisse a ainsi soigné des patients français, mais aussi allemands ou belges. Les premiers contingents d’environ 200 internés sont arrivés le dimanche 6 février 1916 à Montana-Vermala.
Loin de l’image de pestiférés qui aurait pu leur coller à la peau, ils sont au contraire choyés par la population autochtone. « Le long de la vallée du Rhône, leur train s’est arrêté pour permettre aux autorités et à la population de leur rendre hommage. Même enthousiasme populaire au terme de leur montée en funiculaire », attestait il y a vingt ans Hugues Rey, l’archiviste de Montana, dans le bulletin d’information de sa commune. Cette dernière aurait hébergé au total 1878 internés durant la Grande Guerre, répartis dans onze établissements. Peu après leur arrivée, les plus chanceux ont eu droit, et en fanfare, à une remise de fanions, ainsi que l’illustrent les photos réunies sur notreHistoire.ch servant de fil conducteur à ce texte.
Traitements de choc
En août 1916, ils étaient déjà plus d’un demi-millier à séjourner à 1500 m. d’altitude pour recouvrer si ce n’est la liberté… du moins la santé. Ils prennent alors leurs quartiers à l’Hôtel d’Angleterre, future clinique militaire. Au Kurhaus Victoria. Au Mirabeau, au Belle-Vista, à l’Hôtel du Golf et des Sports, entre autres.
Le corps médical de l’époque leur administre des traitements de choc : l’héliothérapie – au moyen de rayons solaires – ou encore l’électrothérapie, l’utilisation de courants électriques, de vibrations, de radiations lumineuses voire d’ondes électromagnétiques, pour faire réagir la masse musculaire. L’usage de lampes à quartz et de rayons X n’était pas négligé non plus.
« Sanatorium populaire », Montana possédait un air si vivifiant qu’il pouvait a priori réveiller les morts. Des premiers sanatoriums avaient déjà été inaugurés vers la fin du XIXe siècle. Mais installés dans des cliniques privées, ils s’adressaient d’abord à la haute bourgeoise. Plus tard, des édiles se sont mises en tête qu’il serait indispensable d’en faire la marque de fabrique de la commune. Au milieu de cette nature indomptée, le drame persistait. La tuberculose continuait de faire des ravages. Notamment dans un Vieux Pays frappé proportionnellement davantage que les autres régions de Suisse. Montana devait se doter d’un « sanatorium populaire ». Le projet est lancé par le conseiller d’Etat valaisan Maurice Troillet sous les conseils du docteur Rémy Coquoz, médecin cantonal jusqu’en 1940. Des archives de la RTS de 1967 attestent des bienfaits du Sanatorium valaisan depuis son inauguration en 1941, renommé ensuite Centre valaisan de pneumologie. On y voit des patients intubés reliés à des respirateurs dans des scènes rappelant… aujourd’hui ! ■