L'Inédit

par notreHistoire


La lavandière à Muraz

Coll. A.Salamin/notreHistoire.ch

Notre série « La rue de mon enfance » rassemble des textes inédits et des récits préalablement publiés par les membres de notreHistoire.ch sur la plateforme. Albin Salamin évoque ici la rue de Muraz, au-dessus de Sierre, où il a passé son enfance. Si vous aussi, vous souhaitez contribuer à cette série, écrivez-nous – claude.zurcher@fonsart.ch – ou publiez votre texte dans notreHistoire.ch. Nous l’éditerons ensuite dans L’Inédit. Nous espérons ainsi, au fil de vos contributions, constituer un recueil des lieux de notre enfance en Suisse romande, dont les souvenirs nous accompagnent au long d’une vie.

Ma rue et le quartier de mon enfance se situent au-dessus de la ville de Sierre, à Muraz. Après leur mariage, mes parents ont quitté définitivement le village de Saint-Luc, en Anniviers. Un village relativement pauvre suite à deux incendies. D’autre part, l’agriculture de montagne ne suffisant plus à nourrir la famille, mon père s’est engagé pour travailler à l’usine d’aluminium de Chippis. Comme bien des familles d’Anniviers, mes parents possédaient quelques vignes et un peu de prés pour l’herbe du bétail (une ou deux chèvres).

Mon père racheta avec son beau-frère une maison près d’une fontaine. Ils retapèrent au mieux le bâtiment avec un confort minimal. A ma naissance, la rue fut aménagée pour permettre à des véhicules de mieux circuler mais il n’en passait pas beaucoup, et nous pouvions jouer dehors sans trop de risque de se faire écraser ou de se faire enlever par un pervers!

Avec ses granges, ses raccards et ses petites ruelles, le quartier était notre ère de jeu. Pas beaucoup d’adultes pour venir nous dire ce que nous devions faire ou, surtout, ne pas faire.

Très souvent nous étions un petit nombre de gamins à jouer au ballon mais aussi à des jeux de cache-cache, de recherche d’ennemis imaginaires (les enfants de l’autre bout du quartier, voir du quartier voisin). Mais le quartier évolua avec la rénovation des maisons et l’élargissement de la rue pour permettre à tout un chacun d’utiliser sa voiture. Les granges ont été transformées en habitations.

Dans ma treizième année, j’ai quitté le quartier de mon enfance pour faire des études au collège de Saint-Maurice. Un tournant dans ma vie. Il me fallait quitter ma maison, avec sa croix au-devant, pour un autre « calvaire »: l’internat. Mais c’est une autre histoire! ■

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La tour Edipresse

Coll. C.-A. Fradel/notreHistoire.ch

Au cours du XXe siècle, la ville de Lausanne n’a quasiment pas connu de construction de gratte-ciel sur son territoire. Alors que les tours d’habitation ou de commerce constituent la grande invention architecturale du siècle dernier, ce n’est que dans une courte période s’étendant de 1960 à 1970 qu’une dizaine de constructions de ce type sont érigées. La seule exception réside dans la tour du Bel-Air Métropole dressée en 1930, mais elle ne connaîtra pas de descendance, peut-être en raison de la forte opposition qu’elle a suscitée en son temps ou du contexte de crise économique dans lequel elle est réalisée.

La décennie des tours à Lausanne s’explique certainement par l’euphorie économique qui domine alors. C’est du reste toujours au moment où les affaires se portent au mieux que ce type de projet tend à apparaître. Mais la fin des années 1960 met un terme précis à toute construction en hauteur. En 1972, un projet de tour-hôtel au port d’Ouchy est refusé lors d’un référendum par les deux tiers des votants. Ce chantier avorté, pourtant avancé par deux ténors de la politique locale et futurs conseillers fédéraux, Georges-André Chevallaz et Jean-Pascal Delamuraz, marque la fin pour plusieurs décennies de l’intérêt porté à cette forme d’édifice.

La plupart des tours construites durant les années 1960 répondent à la poussée démographique et sont destinées au logement. Elles sont implantées dans la périphérie urbaine et n’ambitionnent pas la reconquête du centre pour y constituer une nouvelle « city » des affaires. Quelques cas font cependant exceptions, parmi lesquels la tour des IRL construite par l’architecte Jean-Marc Lamunière entre 1957 et 1964 au numéro 33 de l’avenue de la Gare.

L’éditeur devient Edipresse

Les IRL (Imprimeries réunies lausannoises) publient à l’époque la Feuille d’Avis de Lausanne, rebaptisée depuis lors 24 heures, et la Tribune de Lausanne, qui deviendra Le Matin. Leur siège est établi à l’avenue de la Gare 33 depuis 1911. A la fin des années 1950, l’éditeur décide de se doter d’un nouveau bâtiment administratif, implanté au même endroit. Cette volonté de renouvellement doit certainement beaucoup à la personnalité dynamique de Marc Lamunière, qui a pris la tête de l’entreprise en 1953 à l’âge de 30 ans et qui va lui donner un essor extraordinaire, portant le groupe d’affaires à un niveau international sous le nom d’Edipresse. En 1956, un concours d’architecture est lancé et remporté par le propre cousin du directeur des IRL, Jean-Marc Lamunière, associé à Pierre Bussat. Cette coïncidence, que la Feuille d’Avis tentera de dissiper sous couvert de l’anonymat absolu du concours, ne manquera pas bien sûr de faire jaser.

Jean-Marc Lamunière sur le plateau de la TSR en 1973. Il évoque le rôle de l'architecte et l'importance de l'urbanisme dans nos vies.

Emission En direct avec… (29.10.1973), coll. Archives de la RTS/notreHistoire.ch

Jean-Marc Lamunière est alors un jeune architecte de 31 ans. Outre de nombreuses villas et bâtiments administratifs, il réalisera par la suite les tours de Lancy, la fabrique de chocolat Favarger à Versoix ou encore la grande serre du jardin botanique de Genève.

Le spectacle des rotatives la nuit

A Lausanne, les projeteurs héritent d’un agglomérat compliqué de bâtiments, adjoints à l’immeuble de la Feuille d’Avis au gré des extensions et comprenant notamment les éditions Skira et les ateliers de reliure Mayer & Soutter. Unifier cet ensemble disparate constitue l’un des enjeux du programme. Au-dessus d’un socle de trois étages semi-enterré, la tour s’élèvera sur douze niveaux pour une hauteur de 33 mètres. Alors que la tour accueille la rédaction et l’administration, la base renfermera l’imprimerie, derrière de grandes baies vitrées offrant de nuit le spectacle des rotatives en pleine action.

Le chantier connaît des délais très longs, en raison de négociations difficiles avec les propriétaires voisins, ainsi qu’avec les autorités communales, afin d’obtenir des dérogations en hauteur. C’est pourquoi plusieurs anciens bâtiments seront conservés, présentant un aspect hétéroclite dans une configuration de forte imbrication, et les imprimeries seront réalisées à Renens, également par Jean-Marc Lamunière, sur le même modèle constructif. La tour est inaugurée durant l’été 1964.

Une miniature new-yorkaise pour Lausanne

Sans que Jean-Marc Lamunière ne s’en cache, la conception du bâtiment s’inspire directement de l’architecte allemand, émigré aux Etats-Unis, Ludwig Mies van der Rohe. En 1922, le maître à penser posait déjà les principes de cette architecture en verre et métal. La tour ne tient que par quelques piliers en acier disposés en façade et sur un noyau en béton armé, contenant tous les locaux de services, ascenseurs et sanitaires. Ce système permet d’aménager l’étage selon ses besoins, soit en bureaux paysagers, soit divisé par des cloisons amovibles. Entièrement climatisée, l’atmosphère intérieure est régulée par une pellicule dorée intégrée dans les verres isolants, atténuant les rayons du soleil.

Bien que fondée sur des modèles new-yorkais, la tour des IRL possède des dimensions très modestes. Chaque niveau n’offre que 190 m2 de surface. La composition architecturale réussit par un jeu subtil des proportions à pallier cette exiguïté en donnant à la tour un effet d’effilement. Evidage de la base, irrégularité du nombre des travées, étroitesse des façades latérales et élongation du couronnement contribuent à fausser la perception. N’en déplaise à l’orgueil des Lausannois, la tour « miniaturise les icônes américaines en rapport avec la miniaturisation de la ville », selon les propres termes de Jean-Marc Lamunière.

A l’usage, le bâtiment révèle cependant quelques problèmes. En raison de ses dimensions étriquées, les toilettes se retrouvent singulièrement malcommodes et les escaliers de secours offrent une perspective particulièrement vertigineuse. Un seul bouton permet de commander la venue des deux ascenseurs, entraînant de longues attentes. Le calcul a été fait que ces attentes correspondaient à l’occupation d’une personne à plein temps pendant une année. Totalement hermétique, l’enveloppe rencontre à terme des problèmes d’isolation et d’équilibre des températures entre les différents côtés de la tour. L’absence de stores et de fenêtres ouvrantes rend toute compensation impossible.

Le bâtiment est entièrement rénové en 1998. Les façades présentent de graves problèmes d’étanchéité, le revêtement en aluminium est détérioré, les verres teintés ont perdu de leur efficacité pour le filtrage du rayonnement solaire. Il faut supprimer l’amiante abondamment utilisée en son temps et pallier l’absence de protections anti-feu.

En outre, il est prévu de modifier fortement l’aspect extérieur de l’édifice en basculant d’une structure de couleur noire à une modulation de couleur blanche et de remplacer les verres cuivrés par un vitrage bleu-gris. Ce projet suscite l’opposition du service des monuments historiques, soucieux d’un bâtiment qui a été jugé d’importance régionale lors du recensement architectural. On décide alors de solliciter l’opinion de l’auteur sur une telle atteinte à sa création, plus de 30 ans après sa conception. Contre toute attente, Jean-Marc Lamunière se déclare favorable à la transformation au motif que la tour se rapprocherait ainsi encore plus de son modèle, Mies van der Rohe, qui n’aurait pas adhéré au caractère chamarré de la version originale. Les conservateurs du patrimoine ne peuvent alors que s’incliner devant la bénédiction accordée par le maître et, pour des raisons administratives, doivent même dégrader le bâtiment dans l’échelle du classement architectural afin d’autoriser sa transformation. ■

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Tours et gratte-ciel en Suisse romande, une série de photos de notreHistoire et de vidéos des Archives de la RTS

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Portrait d'Alfred Fleisch

Alfred Fleisch (1892-1973) se consacre à Lausanne à différents domaines de la physiologie, particulièrement la respiration, la circulation sanguine et l'alimentation.

Coll. L'Inédit/notreHistoire.ch

L’étude et la mesure précise des fonctions pulmonaires ont fait des avancées considérables ces dernières années et l’équipement de nos hôpitaux universitaires et cliniques spécialisées en sont aujourd’hui une magnifique réalité. Dans cet article, je voudrais rendre hommage à un pionnier de la mesure des réflexes respiratoires, le professeur Alfred Fleisch (1892-1973), patron et directeur de l’Institut de physiologie rattaché à l’Université de Lausanne, auprès duquel j’avais été engagé au printemps de l’année 1958 comme mécanicien-électricien et assistant technique de laboratoire.

Alfred Fleisch, après des études de médecine à Zurich, s’était orienté vers la physiologie auprès de Walter Rudolf Hess, toujours à Zurich. Durant la Seconde Guerre mondiale, il avait présidé la Commission fédérale pour l’alimentation et a été le lauréat du Prix de la Fondation Marcel Benoist en 1953. Son Institut à Lausanne, qu’il a dirigé durant une trentaine d’années (1932-1962) effectuait non seulement des recherches dans le domaine de la « mécanique du corps humain » et ses fonctions respiratoires en particulier, mais construisait aussi des petites séries d’appareils de mesure développés à partir de l’année 1925 déjà par cet éminent professeur, afin de répondre à la demande du corps médical. Ainsi ces  « Pneumotachographes » constitués par un tube en laiton nickelé dans lequel soufflait le patient, et qui permettait de mesurer avec une grande précision le débit expiratoire, selon une application de la célèbre « Loi de Poiseuille ». Ou encore ces spiromètres secs, permettant de définir le volume respiratoire à l’expiration de la capacité pulmonaire d’un homme atteint par des pneumoconioses (silicose ou amiante), tout cela bien avant ce terrible Coronavirus que l’on apprends actuellement à connaître, soixante-deux années plus tard.

Le premier pneumotachographe, en laiton, servait à mesurer avec précision le débit expiratoire du patient. Cette invention du prof. Fleisch est utilisée quotidiennement aujourd'hui dans le monde.

Coll. L'Inédit/notreHistoire.ch

Métabo, la petite usine à Epalinges

Ces appareils ont aussi permis à Alfred Fleisch et à son équipe de concevoir un appareil mesurant les valeurs du métabolisme humain, appelé « Métabographe ». Cet appareil allait devenir une référence, à cette époque, pour définir les valeurs moyennes du métabolisme énergétique. Or, la construction de cet appareil, même par petites séries, ne pouvait s’envisager dans le cadre du Laboratoire lausannois de la rue du Bugnon, cela d’autant plus que le professeur Fleisch avait cessé son activité universitaire en 1962. D’où la construction d’une petite usine indépendante, baptisée « Métabo », située à Epalinges, équipée de machines-outils performantes pour l’usinage des pièces de ces appareils, puis leur montage en petites séries commercialisées. Cette fabrique d’appareils médicaux a cessé toute activité le 29 décembre 2011.

C’est là où j’ai travaillé durant les années 1960 à 1962. Nous avions par exemple l’un de ces métabographes installé dans une clinique à Montana, un autre dans un Centre pulmonaire français à Nancy, ainsi qu’à Fribourg-en-Brisgau, non loin de la frontière bâloise. Ils nécessitaient parfois un service d’entretien après-vente, spécialement pour le changement de certaines composantes, telles les sondes en platine qui permettaient de mesurer la résistivité de l’hydroxyde de potassium (KOH, ou potasse caustique) de l’appareil. Ce liquide était utilisé pour absorber le gaz carbonique rejeté par le patient lors d’un examen d’une dizaine de minutes en circuit fermé.

Aujourd’hui encore, le pneumotachographe est utilisé quotidiennement pour tester les capacités respiratoires, partout dans le monde. ■

Référence

Fleisch, Herbert, article Alfred Fleisch, Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 28.10.2009, consulté le 22.04.2020

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Quand la Suisse luttait contre la tuberculose, une série de vidéos des archives de la RTS

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Brantier à Marcelin sur Morges

Coll. P. Chappuis/notreHistoire.ch

Avant de nous plonger dans cette photographie datant des années 1920, nous devons nous arrêter sur ce beau mot tombé dans l’oubli, ce mot désuet de brantier. En patois vaudois, le brantier est celui qui porte à dos le raisin ou le moût dans une hotte en bois hermétique. Durant les vendanges, il fait l’aller-retour dans les vignes pour déposer le raisin à la cave. Ce mot est employé jusqu’aux frontières du Chablais vaudois, ensuite il se transforme en brantard pour la partie valaisanne. Dans la région, plus au nord des vignobles romands, au bord du lac de Neuchâtel, on emploie même un troisième terme : brandard. Cette belle polyphonie verbale donne du charme et de la richesse aux patois.

Le brantier est donc un ouvrier-journalier qui travaille dans les vignes le temps des vendanges et offre au propriétaire terrien son unique force de travail.

Sur cette image, au centre, on aperçoit deux jeunes brantiers dont le personnage central lâche un léger sourire furtif au photographe, un bref instant de complicité. Il y ressort une dignité, ferme, terrienne et vigoureuse mais qui ne cache pas la dureté intense d’un tel travail.

Cette photographie, peut-être sans le vouloir, se transforme en un document d’archives essentiel pour la patrimoine viticole et la description des métiers ancestraux.

A la gauche de l’image, en arrière fond, deux jeunes filles discutent entre elles. Les femmes aussi aidaient à la récolte du raisin. Avec leurs mains plus fines, elles récoltaient plus délicatement les grappes pour les donner au brantier.

La plupart des journalières et journaliers venaient travailler depuis la Haute-Savoie et le Chablais français. Ils n’avaient qu’à traverser l’autre rive du lac Léman. Ce beau lac-mer qui tel un axe de symétrie faisait basculer la misère et la pauvreté du monde d’en face pour enrichir un peu plus l’autre versant.

Aujourd’hui, nos verts vignobles sont griffés par de gros engins mécanisés, lesquels arrachent machinalement les grappes de raisin. Les journaliers savoyards ont été remplacés par des travailleurs de l’est européen cherchant, comme eux à l’époque, un revenu qui permet une vie plus décente.■

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Le temps des vendanges, une série de vidéos des archives de la RTS

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