L'Inédit

par notreHistoire


1934

Coll. Jacky Mercier / notreHistoire.ch

Une nouvelle publication digitale se lance en Suisse romande : L’Inédit. Magazine numérique en libre accès, L’Inédit est en ligne dès aujourd’hui, 24 octobre 2019, à la veille de la Journée mondiale du patrimoine audiovisuel de l’UNESCO. Une manière originale et… inédite de découvrir l’Histoire des Romands à travers leurs archives de famille.

Chaque jour de la semaine, nous publierons un article qui s’appuiera sur une photo ou un film d’archives en ligne sur notreHistoire.ch. Ce travail, nous le mènerons avec des historiens, des journalistes et des auteurs. Dans notre rubrique Témoignages, nous reprendrons également des récits de membres publiés sur la plateforme car leurs écrits apporteront une dimension indispensable et précieuse à L’Inédit.

Nous souhaitons ainsi que l’écrit agisse comme un révélateur de l’image, offrant de la voir autrement, d’en saisir le contexte historique et de l’apprécier au-delà du simple plaisir de sa découverte. Ce lien entre l’image et le texte permet d’ailleurs de ne pas hiérarchiser la variété des parutions : tous les sujets ont leur importance, ce qui exprime bien, au demeurant, la ligne éditoriale de L’Inédit, inscrite dans le prolongement de notreHistoire.ch : chacun, avec sa propre histoire, peut trouver une place dans notre Histoire commune.

Un flux et des rubriques

Magazine numérique, L’Inédit fait siennes les pratiques contemporaines de lecture sur tous supports numériques, dans un flux d’articles, classés également par rubriques. Les articles sont d’abord accessibles sur la page d’accueil, puis par les rubriques ou la recherche. Vous pouvez également lire l’ensemble des articles d’un auteur en utilisant la rubrique contributeur. D’autres auteurs nous rejoindront, des nouvelles rubriques seront lancées, nous imaginons déjà un feuilleton, des quinzaines spéciales faisant appel à des écrivains… nous envies sont grandes. Edité par la FONSART (fondation pour la sauvegarde des archives audiovisuelles de la Radio Télévision Suisse), L’Inédit est en libre accès. En vous inscrivant à notre newsletter, vous serez informé régulièrement de nos publications.

Nous tenons à remercier chaleureusement les membres de notreHistoire.ch qui, par leur engagement sur la plateforme et la publication de leurs archives personnelles, contribuent à faire de notreHistoire.ch depuis dix ans une aventure éditoriale unique en Suisse romande, aventure – le mot n’est pas galvaudé – qui prend une nouvelle dimension avec L’Inédit. Nos remerciements s’adressent également à ceux qui ont travaillé pour la préparation de ce magazine, particulièrement Patrick Auderset pour la partie rédactionnelle, Gaël Paccard pour le graphisme, et l’équipe de développeurs de la HEIG-VD d’Yverdon-les-Bains, conduite par Laurent Bolli et Stéphane Lecorney.

Où commence l’Histoire?

L’écrivain Klaus Mann écrit, dans le prologue du «Tournant », son autobiographie achevée peu avant sa mort, en 1949 : « Où l’Histoire commence-t-elle ? Où notre vie individuelle prend-elle sa source ? (…) Sans aucun doute, nous avons des racines plus profondes que notre conscience ne veut l’admettre. Rien ni personne n’a d’existence indépendante… Un rythme universel détermine nos pensées et nos actes ; la courbe de notre destin fait partie d’une formidable mosaïque… »

Où l’Histoire commence-t-elle ? Où notre vie individuelle prend-elle sa source ? Nous sommes convaincus que des éléments de réponse, si fragmentés soient-ils, sont aussi à chercher dans les images de nos albums de famille. C’est du moins le sens de notre travail commun, depuis dix ans, sur notreHistoire.ch, où public et institutions croisent leurs archives. Photos tirées d’album de famille, films amateurs, fonds audiovisuels d’institutions, témoignages écrits… autant de traces merveilleuses, d’incrustations en noir et blanc ou aux couleurs lavées de « cette formidable mosaïque » dont les reflets tantôt sombres, tantôt chatoyants ne demandent rien d’autre que notre attention et si peu de notre temps. Pourquoi L’Inédit ? Sinon pour favoriser cette attention, et faire de l’histoire des gens, illustrée par leurs photos de famille, le témoin émouvant de notre histoire collective.

Nous vous invitons donc à vous inscrire, ou à consulter régulièrement L’Inédit, à porter notre publication autour de vous, à partager vos lectures. Soyez les bienvenus dans votre histoire!

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Le Général Guisan à la plage de Villette 1944

Bron photo, coll. Eric Ceppi/notreHistoire.ch

Nous sommes le 6 mai 1944. Dans un mois va se dérouler, sur les côtes de la Manche, la plus formidable opération amphibie de tous les temps, le débarquement des forces alliées partant à l’assaut de la Festung Europa fortifiée par le maréchal Erwin Rommel. à Villette, sur les rives du Léman, le général Henri Guisan teste ce même jour une embarcation légère, à huit rameurs, résolument civile. La société locale de sauvetage baptise en effet un canot tout neuf, portant le nom du commandant en chef de l’armée suisse « par autorisation spéciale » de l’intéressé, « un geste que la population de Villette n’oubliera pas », assure la Gazette de Lausanne. Le cavalier et gentleman farmer Guisan, au vrai, ne semble pas trop à l’aise dans l’embarcation.

A circonstance exceptionnelle, manifestation grandiose. Le programme comporte un culte matinal au temple, des courses de canots opposant les sections régionales du Sauvetage (les voisins français, occupés, ne sont hélas pas de la fête), on entend la fanfare de Grandvaux et le chœur mixte de Villette-Aran, on écoute enfin des discours dans une cantine bondée. La Feuille d’Avis de Lausanne relève la présence des syndics du coin, de deux conseillers nationaux venus en voisins – Paul Chaudet de Rivaz et Frédéric Fauquex de Riex – « et de tout ce que le Léman compte comme fidèles habitués de ces fêtes ». On aime le lac et les sauveteurs sont admirés, certes, mais la foule est surtout venue applaudir le général.

Une figure paternelle

Il le sait, et il aime ça. La popularité d’Henri Guisan n’a fait que croître depuis son élection par les Chambres fédérales en août 1939. Il l’entretient par une débauche de visites, inaugurations, dîners, apéros et réceptions aux quatre coins de la Suisse. Un satiriste français le caricature étudiant la carte… des mets, serviette autour du cou, et le baptise « Riquet la Fourchette ». Futiles occupations, mais indispensables. La cote d’amour du général est un facteur stratégique : il est censé incarner l’unité du pays, contrairement à ce qu’on vit lors de la Première Guerre mondiale (le « fossé moral » de 1917 entre Welsches et Alémaniques). La figure paternelle de Guisan rassure les Suisses, et son rayonnement assure l’armée que tout le peuple est derrière elle, même lorsqu’elle se retire dans le Réduit alpin.

Après la guerre, Guisan ne désarmerait pas sur le front des acclamations, auxquelles il n’était pas du tout allergique. Refusant peu d’invitations, il aimait aussi être applaudi aux manifestations culturelles ou sportives qu’il honorait spontanément de sa présence. Il s’y pointait volontiers avec un léger retard, pour que son arrivée ne passe pas inaperçue : « Nous avons le plaisir, annonçait le speaker du stade, de saluer la présence du général Guisan ! » Ovation dans les tribunes. Personne ne reçut, en Suisse, d’aussi grandioses funérailles, et sa popularité muta, sans faiblir, après sa mort : l’historien Willi Gautschi conclut sa biographie monumentale du Vaudois sur un chapitre justement intitulé « vénération posthume ».

Reste le lac, élément essentiel de cette histoire. Il n’est pas de héros vaudois qui ne baigne sa gloire dans le Léman. N’en déplaise aux Combiers, Ormonans, Broyards et autres citoyens périphériques, l’image quintessenciée du canton se cadre entre Lausanne et Lavaux, les pieds dans l’eau et les yeux sur la vigne. En ce sens, la popularité d’une figure vaudoise se parachève dans le rapport au lac. Le top, c’est d’être statufié, en bronze, sur la rive. Comme Henri Guisan à Pully, et Jean-Pascal Delamuraz à Ouchy.■

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A consulter également sur notreHistoire.ch

Les autres photos de cette journée
La galerie du Général Guisan
Un autre Vaudois à l’inauguration d’une barque de sauvetage: Paul Chaudet, en 1968, une vidéo des archives de la RTS

Promenade sur le pont du Mont-Blanc

Coll. A. Salamin/notreHistoire.ch

Sur un des piliers bordant le pont du Mont-Blanc, trônant au-dessus de la tête de ce couple élégant, un panneau émaillé de la Ville de Genève rappelle qu’il est interdit de cracher par terre dans les années 1950.  Reliquat du temps maudit de la tuberculose, dans la première moitié du XXe siècle, quand le risque de contamination était partout où les hommes laissaient leurs miasmes dans l’espace public !  D’ailleurs, cette interdiction était aussi notifiée dans les trams genevois, pour preuve cette photo des années 1930 (regardez le détails, en haut de l’image) :

De face: Marthe Richon (1889-1973), enseignante à l'École Supérieure de Jeunes Filles. Coll J.C. Curtet.

Depuis les travaux de Pasteur à la fin du XIXe siècle, le crachat est dans la ligne de mire des autorités. En France, sous Pétain, une loi de 1942 interdit formellement de cracher par terre; travail, famille, patrie et… hygiène publique! Mais après la Seconde Guerre mondiale, les progrès de la médecine et l’éducation vont favoriser plus de civilité dans ce domaine. Il faudra attendre les années 1960 pour voir disparaître ces panneaux interdisant le cracher.

Et aujourd’hui ? On crache à nouveau, oui. Et surtout sur les terrains de foot. Nous sommes tous d’accord: pas une retransmission à la télévision d’un match sans quelques glaviots en direct ! Le retour de l’interdit se fait pourtant dans nos rues. Si en juin 2016, le Conseil national a refusé d’inscrire dans la loi la répression de la souillure dans l’espace public, les villes suisses prennent une à une les mesures qui s’imposent. A Lausanne, par exemple, tout employé communal assermenté peut amender un contrevenant pris en flagrant délit. Il vous en coûtera 100 francs, et inutile de plaider qu’aucun panneau l’interdit… ■

Références

Martin Monestier, Le Crachat. Beautés, techniques et bizarreries des mollards, glaviots et autres gluaux, au Cherche-Midi

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Quand la Suisse luttait contre la tuberculose: un choix de vidéos de la RTS

Avant la Suède

Coll. archives de la RTS/notreHistoire.ch

En pleine nature, à mille mètres d’altitude, l’élite mondiale du sport a pris ses habitudes à Macolin. L’Ecole nationale célèbre ses 75 ans. Les vieux Biennois ont tous croisé en 1954 Pelé chez le coiffeur ou Pelé à l’épicerie du coin. Ou Pelé à la rue de la gare. En vielle ville ou au bord du lac. Des légendes comme le roi Pelé ou comme l’athlète britannique multi-médaillé Sebastian Coe, ou encore le triple champion du monde suisse Werner Günthör (poids), partagent le fait d’avoir préparé leurs échéances capitales à Macolin.

Au moyen d’un funiculaire bien rôdé et nouvellement remplacé, la ville de Bienne se situe à quelques encablures et à un quart d’heure en funi de l’Ecole nationale de sports. Mais 600 mètres de dénivellation les séparent. En 1954, le Mondial de football s’était disputé en Suisse. Et à l’instar de la Nati, la Seleçao brésilienne avait pris ses quartiers à Macolin précisément. « Dans un cadre idyllique », selon l’expression du commentateur sportif de la télévision suisse romande de l’époque qui – dans nos archives – nous convie dans la lucarne à un talk-show n’ayant rien à envier aux plateaux d’aujourd’hui… il y a 65 ans !

Bras dessus bras dessous

Devant les caméras des actualités sportives de jadis, à l’avant-veille d’un match crucial contre la Suède, le coach national suisse Karl Rappan et son adjoint Roger Quinche répondent aux questions des journalistes Raymond Pittet (Tribune de Lausanne), Frédéric Schlatter (journaliste libre) et Marc Mayor (Feuille d’Avis de Lausanne). Les sapins de Macolin servent de décor. Avec son appareil, le caméraman survole les installations sportives d’un site devenu avec le temps quasiment mythique et qui fête cette année ses 75 ans d’existence.

Sur les hauteurs, là où l’on admire par temps clément le panorama longiligne et majestueux des Alpes, l’équipe de Suisse de football prépare avec minutie son match. Mais toujours dans la bonne humeur. Bras dessus bras dessous. L’esprit d’équipe. Autour de la table, on discute sur la forme physique de nos internationaux. On cite le célèbre Robert Ballaman. On craint la Suède pour sa défense. « Ce sera un match de Coupe, pas un match de gala », prédit le coach.

L’équipe du Brésil, qui préparait à quelques mètres sa partie contre la Hongrie, était soignée aux petits oignons à Macolin. Une Maison dite du Brésil avait même été spécialement érigée pour elle dans les pâturages. A hauteur des bovins, des chèvres et des noisetiers. La Maison de la Nati était mitoyenne. Mais Macolin ne porta finalement guère chance, ni aux uns ni aux autres, en cette année 1954. Le parcours de la Nati s’acheva avec les honneurs par une défaite en quart de finale contre l’Autriche (5 à 7 !), à Lausanne devant 35’000 spectateurs. Et celui de la Seleçao se termina aussi en quart face à la Hongrie.

Cocon protégé

A l’écart des gaz d’échappement et de la pollution urbaine, l’Ecole nationale de sports continue aujourd’hui d’être courtisée par le monde sportif. Une sorte de cocon protégé figé à mille mètres d’altitude. Une hauteur idéale pour se ressourcer et se réoxygéner les poumons avant les grands événements. En 1877 déjà, deux médecins biennois avaient lancé l’idée d’y construire là un établissement de cure. Un Grand Hôtel (le Kurhaus), aux allures de château bâti dans le style classique de la fin du 19e siècle, vit ainsi le jour. Avec un jardin anglais en terrasse. L’édifice trône toujours crânement au-dessus de la ville de Bienne et sert principalement aujourd’hui de réfectoire, de lieu d’hébergement et de cafétéria. A la veille des grandes compétitions, il est toutefois encore possible d’y distinguer des athlètes ruminer en eux des revanches à prendre.

Mais Macolin, site de cure et de villégiature de la Belle Epoque, vit son apogée être contrarié par l’irruption de la Première Guerre mondiale (1914-1918). La mode n’était plus vraiment aux cures de jouvence. On désertait les lieux. Le fameux « cadre idyllique » dut finalement sa seconde vie à la reconnaissance par la Confédération, au sortir du second conflit mondial (1939-1945), de l’importance de plus en plus grande prise par le sport dans la société. Et notamment l’essor de la gymnastique qui était déjà enseignée dans les écoles. L’idée de créer un centre national de formation prit ainsi corps dans les esprits.

Plusieurs villes et stations étaient candidates pour remplir cette mission. Des grands centres – Lausanne, Lucerne, Bâle – mais aussi des sites campagnards tels que Macolin ou Chaumont, au-dessus de Neuchâtel. Le 3 mars 1944, le Conseil fédéral approuva la création d’une Ecole fédérale de gymnastique et de sport sur le site de Macolin. Trois ans plus tard, les activités commencèrent. ■

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Références

L’Office fédéral du sport à Macolin de Walter Mengisen, Reto Mosimann, Dieter Schnell et Martin Schwendimann (édité par la Société d’histoire de l’art en Suisse, 2019).

A consulter également sur notreHistoire.ch

D’autres vidéos des archives de la RTS consacrées à Macolin

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