L'Inédit

par notreHistoire


Ouverture du zoo de Servion

Coll. archives de la RTS/notreHistoire.ch

Des hauts de Lausanne jusqu’aux portes de Moudon, le Jorat est une région recouverte de vastes forêts, ponctuée de petits villages autrefois agricoles. C’est aussi une terre qui accoucha de nombreuses légendes, connues encore loin à la ronde. Que l’on pense aux fameux brigands du temps jadis qui détroussaient les voyageurs ou aux représentations théâtrales données sur les planches de la « Grange sublime », chère aux Vaudois. De nos jours, certains n’hésitent pas à affirmer, avec un brin de malice au coin des yeux, que le Jorat est un pays de loups. Et ils ne croient pas si bien dire.

C’est en effet cette contrée, et plus particulièrement la commune de Servion, que les trois frères Bulliard choisissent pour y installer un zoo, à l’orée d’un bois. Un écrin idyllique pour célébrer la diversité de la faune en provenance de tous les continents. Nous sommes alors en 1974 et toute la presse locale se fait l’écho de l’ouverture prochaine du parc.

Pourtant, ce n’est pas la première épopée animalière qui voit le jour à Servion. Dans la seconde moitié des années 1960, l’explorateur lausannois Marcel Haubensack s’était lui aussi lancé dans cette aventure. Hélas, elle sera d’une brièveté record. Les dettes s’accumulent, la faillite ne tarde pas à être prononcée. En 1969, le directeur du « Parc zoologique romand » est contraint de jeter l’éponge, laissant son ambitieux projet dans un état encore embryonnaire.

Les frères Bulliard réanimeront la flamme, en s’investissant corps et âme pour transformer leur rêve en réalité : faire de Servion un lieu incontournable des amis des bêtes. Quelques mois avant l’arrivée des premiers visiteurs au début de l’été 1974, ils confiaient à un quotidien : « Nous voudrions faire connaître aux enfants les animaux, afin qu’ils sachent comment ils vivent. Nous aimerions en faire de bons gardiens de la nature ! » L’année suivante, lorsque la TSR réalise un reportage à travers tout le zoo, l’un des fondateurs se fait pédagogue et accompagne le journaliste d’un enclos à l’autre. Intarissable, il décrit avec passion le comportement et les caractéristiques des animaux dont il a la charge, quand bien même certains commentaires nous décrochent aujourd’hui un sourire.

A cette époque, le parc n’avait pas encore les dimensions que nous lui connaissons, mais 24heures en vantait déjà les mérites : « Le zoo est vaste, aéré, et l’on peut s’y promener tout un après-midi sans voir le temps passer ! » Il faut dire que les visiteurs pouvaient y admirer de nombreux pensionnaires. Bisons, lionceaux, cerfs, lapins nains, sangliers ou encore lynx d’Europe peuplaient les lieux et faisaient de Servion cet harmonieux carnaval des animaux qu’il demeure aujourd’hui. ■

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Ouvriers de la Grande-Dixence

Coll. E. Logean/notreHistoire.ch

La veille du rendez-vous fixé avec Philémon Logean, je me trouvais par hasard en Valais. Comme il habite près de Sion, je l’ai donc appelé pour savoir si je pouvais passer et me voici débarquer en plein repas de famille. Moi qui suis d’une nature plutôt réservée, j’étais gêné de me présenter comme ça, à l’improviste, chez des inconnus. Mais j’ai pu ainsi surprendre une authentique fraternité familiale. Je pense qu’il devait y avoir autour de la table trois générations de Logean, tous unis par une stabilité forte et harmonieuse. Cette fraternité s’inscrit aussi dès l’origine dans cette photographie où l’on retrouve Philémon enlaçant son camarade de chantier… Comme si cette fraternité était le fil conducteur d’une vie construite, toute en action, et non reçue à crédit. Une vie de lutte bienfaitrice.

Aujourd’hui, Philémon a quatre-vingt-quatre ans. Il est grand, fort, robuste. Son regard ne juge pas. L’œil vif, curieux et aimant. Il a la bienveillance de celui qu’une vie rude a modelé.

Que nous raconte-t-elle, cette image en noir et blanc au format 135 ? Philémon Logean, d’Hérémence, est le deuxième à partir de la gauche. Il enlace amicalement son collègue de travail, ouvrier comme lui. Ils sont entourés par trois autres personnes. Tous ouvriers. Trois Valaisans de Nendaz, d’Ayent et de Saint-Martin et un jeune Français, le premier à gauche. La photo a été réalisée en 1952 ou 1953 – Philémon n’est pas certain de la date exacte – dans la salle des presses hydrauliques du chantier de la Grande-Dixence. Il n’y a pas eu de pose au préalable pour cette photo de groupe. Le photographe est passé par là et a déclenché son appareil en une fraction de seconde. Philémon, sur cette image, a dix-sept ans. Les autres pareil, ou un peu plus âgés. Ce qui me frappe, c’est cette jeunesse tôt envoyée travailler sur un des plus grands chantiers du siècle passé. La Grande-Dixence, c’est le chantier qui a va marquer la Suisse. Près de 3’000 personnes y travaillent. 6 millions de tonnes de béton sont coulés pour aboutir à un barrage de 285 mètres de haut et de 200 mètres d’épaisseur. Un véritable Léviathan au cœur des Alpes. Un titan de béton construit par des milliers et des milliers de mains valaisannes, françaises mais aussi italiennes. Beaucoup de saisonniers italiens, pour la plupart de la région de Milan, ont notamment participé à sa construction.

La séparation entre classes sociales

Et d’ailleurs, existait-il une xénophobie ou une rivalité entre saisonniers et Valaisans ? Aucune, selon Philémon. Sur le travail, il n’y avait pas de séparation en raison de la nationalité. De nouveau, globalement, la fraternité primait et il n’y avait pas ou peu de litige. La seule séparation qui existait, me dit-il, c’est la séparation entre classes sociales. Sur le chantier, aussi, on la voyait.

La plupart donnait une partie de l’argent gagné à leur famille. Pour eux, la vie de paysan de montagne pouvait continuer encore un peu grâce à cet argent gagné sur le chantier. Pendant que les hommes étaient mobilisés sur le barrage, les femmes s’occupaient des travaux de la terre. Grâce au barrage, la grande précarité put enfin être combattue dans de nombreuses familles paysannes et une partie du « Valais de bois », si cher à Maurice Chappaz, fut entretenu avec cet argent. Les commodités furent installées, la nouvelle génération entreprit des études.

Philémon quitta le chantier pour faire son apprentissage d’électricien à vingt ans et obtint son CFC. L’entreprise pour laquelle il travailla l’envoya à nouveau sur le barrage de la Grande-Dixence dans le maintien des installations électriques des tunnels. Il y restera jusqu’à ses cinquante ans.

Philémon a entretenu une véritable histoire d’amour avec son barrage. Il est l’un des rares à avoir ce lien intime et une connaissance technique immense et variée quant à son fonctionnement.

Du coup, on ne sait plus trop qui a façonné qui.

Au fil du temps, il y a eu construction mais aussi destruction. L’ouvrage a tué quinze ouvriers. Des vies broyées, perdues dans l’immensité d’un chantier pharaonique. Pudiquement, Philémon me raconte un accident qui lui arriva, alors qu’il voulait atteindre un cabanon en haut du barrage. Il glissa d’une pente vertigineuse et dévala des dizaines et des dizaines de mètres dans la neige avant de s’arrêter net. Un collègue, pelle en main, vint l’aider et le sauver. Quand Philémon Logean me mentionna sa chute, je compris que lui aussi avait failli y passer. A cet instant, je vis dans son regard la joie perpétuelle du survivant qui ne peut qu’épouser la vie, l’aimer et la faire aimer. ■

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Le barrage de la Grande Dixence, en images et vidéos de la RTS.
L’épopée des barrages valaisans

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Première communion, Saint-Joseph, Genève

Coll. C. Kissling/notreHistoire.ch

Le long de l’avenue de Frontenex, à Genève, en ce 31 mai 1953, un cortège de garçons âgés d’une dizaine d’années s’avance. Vêtus d’un costume aux pantalons longs ou courts, ils portent un cierge à la main et, au bras gauche, du côté du cœur, un brassard. D’ici quelques minutes, ils vont rejoindre le cortège des filles, toutes en blanc et coiffées d’un voile vaporeux. Les deux colonnes s’aligneront en parallèle devant l’entrée de l’église Saint-Joseph, à la place des Eaux-Vives, et les enfants gagneront leurs travées, de part et d’autre de la nef, pour la célébration solennelle de leur première communion. A cette époque, en effet, hommes et femmes ne se côtoient pas sur les mêmes bancs mais occupent des places distinctes.

Un peu plus tôt dans la matinée, les premiers communiants se sont rassemblés dans leurs locaux de patronage respectifs : les garçons au Cercle de l’Espérance, à la rue de la Chapelle, et les filles dans leur Foyer, à la rue de la Flèche. Sous la conduite de leurs abbés , qui les ont préparés à la réception de ce sacrement, ils se sont mis en rang pour parcourir la distance qui les sépare de la place des Eaux-Vives sous les yeux émus de leurs familles. Pour la circonstance, la circulation a été interrompue et même le tram, qui traverse alors la place, s’est arrêté. C’est qu’un événement de cette importance ne craint pas de s’afficher dans la rue, au cœur des Eaux-Vives où s’est édifiée en 1869 une église destinée à accueillir des fidèles si nombreux que la construction d’un nouveau lieu de culte, pendant de Notre-Dame sur la rive gauche, était devenue indispensable.

En 1958, les deux cortèges existeront toujours, mais garçons et filles seront désormais vêtus d’aubes blanches similaires, fournies par la paroisse. L’égalité vestimentaire sera désormais de mise au pied de l’autel, même si les filles porteront encore un voile. Aujourd’hui, les choses ont quelque peu changé : les voiles se sont envolés, garçons et filles se mélangent joyeusement et ne défilent plus dans l’espace public, en tenant un cierge. ■

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Marie-José de Belgique

Coll. L. Saugy/notreHistoire.ch

L’exil, même volontaire, incite à voyager léger. Une princesse doit s’encombrer, tout de même, de quelques bagages. Ceux de Marie-José de Savoie, quand elle arrive en Suisse le 8 septembre 1943, tiennent dans un camion, photographié devant l’hôtel Excelsior à Montreux. Elle voyage sous le nom de marquise de San Maurizio. Le 24 juillet, son beau-père le roi Victor-Emmanuel – toujours sur le trône mais complètement largué – a entériné le limogeage de Mussolini par le Grand Conseil fasciste et nommé chef du gouvernement le maréchal Badoglio, qui demande aussitôt l’armistice aux Alliés progressant sur le sol italien. Le 1er octobre, ils occupent Naples, et « une Italie coupée en deux va devoir affronter pendant dix-huit mois les horreurs compliquées de la guerre et de la guerre civile », écrit l’historien Pierre Milza. C’est dans ce contexte difficile que l’épouse du prince héritier d’Italie, Umberto, se réfugie en Suisse avec ses quatre enfants : Maria-Pia, Marie-Gabriella, Vittorio-Emmanuele et Maria-Beatrice.

La princesse repassera le Grand-Saint-Bernard en direction du sud le 1er mai 1945 pour retrouver son mari, promis au trône par l’abdication de son père. Pressent-elle la précarité de ce retour au pays ? C’est en petit équipage qu’elle franchit le col, venue à pied de Bourg-Saint-Pierre avec une équipe de porteurs, photographiée à la pause sur les marches de la cantine de Proz, un bâtiment aujourd’hui disparu. Les retrouvailles avec l’Italie n’auront qu’un temps : un mois plus tard, le peuple transalpin vote la République, et les Savoie reprennent le chemin de l’exil à titre définitif. Marie-José y gagnera le surnom de « reine de mai ». ■

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