
Dans les locaux de l'expédition de La Feuille d'avis de Lausanne (1960)
« Ils savaient que Balzac était payé à la ligne et qu’on pouvait en tirer un certain mépris. » Dans sa chanson France Culture, qui évoque l’éducation que ses parents lui ont donnée, Arnaud Fleurent-Didier relève par une économie de mots la raison de la place médiocre que le feuilleton littéraire occupe dans l’échelle des valeurs d’une certaine élite cultivée. Longs romans populaires découpés à la semaine, ou écrit feuillet après feuillet au rythme des bouclages du journal, le roman-feuilleton a pourtant ses auteurs de génie (oui, Balzac) et surtout ses auteurs à succès, dont le nom et l’œuvre, pour la majorité d’entre-eux, se sont effacés avec le temps, au tempo des modes littéraires et de la disparition des journaux imprimés.
L’ère du numérique permet cependant des reprises – on n’ose le mot résurrection – et c’est notamment le travail précieux de l’équipe de la Bibliothèque numérique romande de publier en version numérique des auteurs romands disparus, dont certains feuilletonistes, aux côtés des grands écrivains du XIXe. On parle ici de T. Combe (1856-1933), de son vrai nom Adèle Huguenin, de Louis Monnet (1831-1901), co-fondateur de la revue Le Conteur vaudois, et parmi les auteurs français d’Alexis Bouvier (1836-1892), Alexandre Dumas (1802-1870), H. J. Magog (1877-1947), Théophile Gautier (1811-1872), Gaston Leroux (1868-1927), Anna de Noailles (1876-1933), Hector Malot (1830-1907), George Sand (1804-1876), Eugène Sue (1804-1857) et Emile Zola …
Nous devons cette liste – non exhaustive – à Sylvie Savary, de la Bibliothèque numérique romande, à l’occasion du partenariat qui nous a lié cet été pour accompagner la parution du feuilleton de L’Inédit, Une lettre inattendue de Yannis Amaudruz. Ce feuilleton s’inscrit d’une certaine manière dans une tradition romande mais aussi dans le présent de feuilletonistes comme les auteurs romands Bastien Fournier et Reynald Freudiger qui, dès 2013, ont publié leurs romans sur leur site, à raison d’une épisode par semaine.
Une lettre inattendue, en huit épisodes, à la particularité d’être une œuvre de fiction inspirée de photos extraites d’un album trouvé aux Puces de Plainpalais, à Genève. Cette succession d’images sans référence, sinon quelques-unes datées au crayon de l’année 1928, ont servi de matière première à Yannis Amaudruz pour imaginer des personnages et une intrigue. Une lettre inattendue – que nous invitons à lire et à partager autour de vous – fait écho aux propos de la romancière Anne-Marie Garat, membre du Prix notreHistoire.ch (2009-2016) et qui, dans son ouvrage Photos de familles, un roman de l’album, écrit: «Le livre des photos familiales est un vrai livre, dont les pages d’images, même éparses, se feuillettent comme un roman… »
Et comme disent les guides du Louvre, pour la suite, Messieurs Dames, c’est par ici… ■
Note
1. L’intégrale de l’interview d’Anne-Marie Garat donnée à notreHistoire.ch.
2. Photos de familles, un roman de l’album est paru en 1994, suivi d’une réédition chez Actes Sud.
3. L’ensemble des articles de Yannis Amaudruz pour L’Inédit
4. Le récit de Claire-Bärtschi-Flohr consacré à T. Combe sur notreHistoire.ch
5. Pour lire les romans-feuilletons des auteurs cités de la Bibliothèque numérique romande. cliquez sur leur nom dans cet article.