L’abbé Albert Menoud aurait eu cent ans cette année. Il
a profondément marqué Fribourg, qui apparemment ne se souvient guère de lui.
Il fut journaliste, un peu; homme de communication, de conseil et d’influence, beaucoup; et professeur, passionnément. Il enseignait la philosophie au collège Saint-Michel. A ses débuts, le programme répondait encore à la formule du pastis : cinq volumes de scolastique (Aristote revu par saint Thomas d’Aquin) pour un volume de néo-thomisme. Il ne s’est pas contenté de modifier le breuvage pour le rendre plus goûteux, mais a vécu résolument la modernisation pédagogique de sa discipline, et poussa l’expérience jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à enseigner la philo dans les classes de la section commerciale, qui s’en étaient fort bien passées jusqu’alors. « C’est intéressant, me disait-il, avec des élèves qui ne savent pas un mot de latin ni de grec, on doit se dégager du modèle culturel classique. » Prodrome et symptôme de cette évolution, un radical changement de look. Le poussah en soutane avait fait place à une silhouette amincie portant le complet veston avec un rien de coquetterie.
Sur le plan religieux, la modernisation prit dans les années 1960 le nom d’aggiornamento et la voie du concile du Vatican II. Menoud, là aussi, embrassa le mouvement avec enthousiasme. Il en faisait notamment le commentaire à l’intention des Sœurs de Saint-Paul, les éditrices du quotidien La Liberté où il avait été précédemment chargé des questions d’Eglise, mais dont la rédaction n’était pas unanime, loin s’en fallait, à saluer l’ouverture initiée par le pape Jean XXIII. Il s’investit beaucoup dans le synode diocésain, prolongement et mise en œuvre du tournant conciliaire. Il n’avait pas seulement l’oreille des évêques (« Rappelez-moi donc ce que je pense à ce sujet », lui chuchotait Mgr Charrière au cours d’une séance), ses avis étaient sollicités aussi dans les cercles du pouvoir civil.
Pour lui comme pour beaucoup de ses devanciers, cette influence prenait sa source dans l’encadrement d’une société d’étudiants catholiques (St.V., SES pour les Romands), vivier du Parti conservateur devenu PDC. Albert Menoud, qui avait des origines sociales très humbles et ne s’en cachait pas, professait des convictions sociales fortes et solidement argumentées, mais il était parfaitement à l’aise avec les détenteurs de la richesse et du pouvoir. Il actualisait un modèle courant, à Fribourg, de longue date, celui du « curé politique » – au fond, la version démocratique de l’abbé de cour d’Ancien Régime. C’est pourquoi, sans doute, il passe pour avoir été un pilier du conservatisme, et « nous apparaît de prime abord comme le porte-parole de la vieille tradition », ainsi qu’on l’a écrit… de Socrate lui-même, excusez du peu.
Il a beaucoup écrit, mais son œuvre est en miettes,
éclatée en innombrables textes de circonstance, articles, conférences, cours
polycopiés, préfaces. Pas un seul livre, j’entends : un gros bouquin de
recherche ou de synthèse, ou un essai, pas même un manuel. Il était trop tourné
vers l’action, et trop entièrement donné à l’enseignement par la parole. On
peut dire qu’il a principalement écrit sur ses élèves, dans le sens où ils ont
fourni, non pas le sujet des exposés du maître, mais le support de son activité
créatrice.
C’était un homme généreux de son argent et de son
temps, de son savoir et de sa personne. Le temps de la retraite étant arrivé,
certains de ses amis lui conseillèrent d’acheter une cabane au soleil et de s’y
retirer pour composer, enfin, un pavé de bibliothèque. Il choisit de se rendre utile,
embarqua ses livres dans un conteneur et se rendit aux antipodes pour enseigner
la philo aux séminaristes de La Réunion. Quelques brefs retours (« Je
passerai par la Ville », prévenait-il, car il restait fort attaché à la
Rome de ses études universitaires) préludèrent à sa véritable retraite, dans un
foyer pour prêtres âgés, aux portes de Fribourg. Il est mort en 2000.
Pour son centième anniversaire, il n’aurait pu réunir que bien peu de ses contemporains. Leur amicale avait pourtant une belle devise : « Vingt-et-un, jamais pomme ! » ■
Sur cette photographie prise lors de la cérémonie d’ouverture d’Expo 02, à Yverdon-les-Bains, le 15 mai 2002, l’ancienne présidente de la Confédération et conseillère fédérale, Ruth Dreifuss est souriante et détendue.
Ruth Dreifuss vit aujourd’hui à Genève, dans le quartier populaire des Pâquis, comme moi, et je la croise régulièrement. On se connaît et on se salue. C’est cette désacralisation du pouvoir et cette disponibilité des politiques qui me font aimer la Suisse, malgré tous ses défauts.
Pour qu’elle me parle de cette image publiée sur notreHistoire.ch, je l’appelle chez elle. Elle me répond avec cordialité et enthousiasme et elle accepte de partager ses impressions.
A ses yeux, l’exposition nationale suisse de 2002 est un moment charnière et primordial dans l’histoire de la Suisse contemporaine. Selon elle, chaque exposition nationale, d’ailleurs, s’inscrit dans une étape importante du pays. Celle de 1964 a été saluée par une volonté de croissance et de modernité et a eu un vrai soutien populaire. Bien entendu, dans ce genre d’exposition, il ne faut pas être naïf, il y a toujours une part d’autocélébration, mais de vrais questionnements surgissent aussi.
Expo 02 est l’aboutissement d’une longue période de doute sur la cohésion nationale. Les années 1990 sont marquées par des questionnements sur l’identité de la Suisse et l’échec de la célébration des 700 ans de la Confédération, en 1991, a pesé. Lors de cette date anniversaire, de nombreux artistes se sont rebellés contre une Suisse qui n’arrive plus à entendre la diversité. Une succession de rapports et de discussions s’ensuivront autour de la notion d’unité. C’est à ce moment que le terme « röstigraben » est apparu pour marquer dans le langage politique cette division entre les régions alémanique et romande qui se distingue dans les votes et les élections. Mais il serait trop simpliste de décrire cette différence uniquement à cause des langues, le facteur ville/campagne joue aussi un rôle important.
Le vote de 1992 sur l’EEE (Espace Economique Européen) peut être analysé aussi sous cet angle. Y-a-t-il urgence ? Un possible éclatement peut-il se produire ? Alors qu’en ce début des années 1990, à quelques milliers de kilomètres de la Suisse, la Yougoslavie est en train de vivre sa propre désintégration…
La rôle de l’éphémère
La Confédération voit l’importance de se positionner sur ces questions et votent les pleins budgets (une fortune qui fera couler beaucoup d’encre) pour créer une exposition nationale. Initialement prévue en 2001, l’Expo est reportée d’une année et la Confédération espère que cette exposition, en misant sur la décentralisation et le fédéralisme, calmera le conflit entre les diverses forces politiques et linguistiques du pays. On choisit la région des Trois Lacs (Neuchâtel, Bienne et Morat) qui symbolise à elle-seule ces thématiques : fédéralisme et diversité linguistique. Un autre projet, aussi nommé les Trois Lacs, lequel a été vite mis de côté, a essayé de réunir les lacs du Tessin, de Constance et de Genève.
En parallèle, Genève a voulu faire cavalier seul en proposant, sous le patronage de Guy-Olivier Segond, une exposition nationale centrée sur le cerveau et les sciences et basée uniquement à Genève. Ce projet, jugé trop intellectualisant, est délaissé par la Confédération, raison pour laquelle Genève boudera, dès le début, Expo 02.
Ruth Dreifuss a beaucoup apprécié Expo 02 et fut présente sur les cinq sites, y compris lors de la Journée genevoise. Pour elle, l’esprit critique n’a pas totalement été phagocyté par les institutions et l’humour était présent.
Depuis
le Conseil fédéral, l’ancienne présidente voit toute la complexité
relationnelle que Genève entretient avec Berne. Pour elle, Genève et la Suisse
ont des relations difficiles mais qui évoluent sans cesse, comme un couple.
Le seul regret qu’elle a vis-vis d’Expo 02 ? Pour résoudre la crise de la direction, née de coûts trop élevés, on a dû faire vite; ce qui veut dire faire du temporaire. Afin d’éviter de demander et d’attendre des autorisations de construire, on a pris la décision de démonter tous projets de l’exposition une fois celle-ci terminée. Seuls demeurent encore présents Le Palafitte à Neuchâtel, la Salle Mummenschanz transportée à Villars-sur-Glâne et le Palais de l’Equilibre qui se trouve actuellement devant le CERN à Genève.
Expo
02 échappera, à cause de cette vision temporaire, aux ambitions de
transformations urbanistiques qui découlent, en général, lors des expositions
nationales.
Expo 02 n’a pas laissé beaucoup de traces dans les villes et c’est aussi, peut-être, pour cette raison qu’on l’a vite oubliée. Il n’est pas resté grand-chose de bâti et de solide, comme si l’éphémère l’avait emporté. ■
A consulter également sur notreHistoire.ch
Expo 02, une série de documents sur les trois sites Les Expositions nationales de 1964, de 1939, de 1896
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On sait bien que tout change, mais on ne mesure jamais vraiment à quel point. Après tout, les années 80, ce n’est pas si loin. J’étais déjà née, c’est dire. Je me souviens : davantage de fard à paupières, de brushings et d’épaulettes. Des coupes mulet pour les garçons. Et des épaulettes également. De nouvelles techniques de management. L’arrivée des yuppies dans le décor, ces jeunes cadres dynamiques évoluant dans la haute finance.
Et soudain tout le reste, que nous rappelle une photo. L’odeur des fêtes de Noël avant les produits bio. Celle des guirlandes en synthétique, tout juste déballées, suspendues au plafond d’un centre commercial, celle des emballages cadeaux dont les paillettes collent à la peau, celle de la nourriture que l’on peut acheter au stand près de la pharmacie, industrielle, grasse, et sucrée. L’odeur de la cigarette que l’on pouvait allumer partout, celle des doigts jaunis par la nicotine, de nos cheveux et habits, le soir, lorsque l’on retirait nos vêtements, avant le coucher, avec une petite dernière. Celle du cendrier à côté du lit. Quelle folie, aujourd’hui. On imagine le bruit. La voix dans le micro qui annonce au public du centre commercial que Marylong lui donne l’heure, sur la grande horloge, et lui propose deux cartouches pour le prix d’un. Merci qui ?
Ceux de la marque Gauloises cherchent à s’aligner. Ou à se singulariser. Ils chuchotent, comme les jaloux. Marylong, c’est un truc de bonnes femmes (on pouvait dire ce genre de choses, à l’époque, même tout haut), Gauloises, c’est autre chose. Un casque ailé de guerrier annonce la couleur, sur le paquet. C’est pour les durs, ça ne rigole pas, ou juste un peu, en raison du casque qui est celui de l’irréductible Astérix. Pour ceux qui préfèrent des références plus nobles, Gauloises, c’est aussi la marque des artistes, non plus durs mais tourmentés, sensibles et pensants, qui préfèrent l’esprit au corps et trouvent l’inspiration dans leurs volutes de fumée. Chez Gauloises, ils ont Sartre, Renaud ou Bashung à opposer à la mystérieuse mais lisse starlette de Marylong. De quoi s’en griller une peinard.
On entend aussi le brouhaha de la foule, indécente, angoissante une fois que l’on a connu le confinement et ses distances de sécurité. Les cris de joie des enfants qui ont accédé à la piscine d’eau presque chaude que le centre met à disposition de ses clients, sur la place de cet espèce de village. Les mères peuvent aller faire leurs courses, tranquilles, enfin, avec toutes les autres, et les pères, boire une bière, tiens. Personne n’est oublié. Le centre commercial a tout prévu. Sauf les serviettes et les sèches cheveux, pour les enfants qui ressortent de l’eau en pleurant, c’était trop court, cette piscine, elle aurait du acheter un linge à la Migros, la mère, lui dit le père, le petit est trempé, heureusement les sacs à commission sont en plastique, ils résistent à l’eau qui coule depuis les cheveux de la cadette. C’est noël, quand même, dehors il neige, les enfants vont attraper la mort, elle aurait vraiment pu penser à prendre une serviette, râle encore le père, c’est toujours comme ça, après deux bières. Attention il y en a un qui a glissé, plus loin, vraiment pas une super idée, cette piscine, l’an prochain, ce sera patinoire, vient de décider le directeur du centre. Pour l’instant, l’odeur du chlore se mêle à celle de la cigarette, il est temps de partir humer un peu les gaz qui s’échappent des voitures dans le parking surpeuplé. Au pas, quitter les lieux, et au son d’une cassette glissée dans la stéréo. Jean Louis Aubert ne chante pas encore Je rêvais d’un autre monde. Il faudra attendre 1984. Depuis, on rêve toujours. ■
Ce kiosque à journaux genevois des années 1950 se transforme-t-il en garderie à certaines heures de la journée ? Cette affable kiosquière sortant tricycle, poussette et autres jouets pour la fillette au premier plan pourrait nous le laisser croire ! Et de fait, ce kiosque n’a rien de banal. C’est Augusta Grobet qui le tient de 1948 à 1966, à la route de Florissant 51. Elle a le sens du commerce très développé, Augusta, une qualité indispensable quand il s’agit d’inventer des stratégies efficaces pour ne pas se laisser concurrencer par la Coop voisine. Par exemple, elle offre un paquet de cigarettes à l’achat d’une cartouche. Elle acquiert aussi une vitrine réfrigérée pour vendre du chocolat en plus du tabac et des journaux. Grâce à sa débrouillardise, la boutique marche à merveille. Augusta va même « sacrifier sa chambre à coucher pour en faire une deuxième arcade avec vitrine sur rue dans laquelle sont exposés des articles de papeterie, jouets, mercerie, etc… », comme nous le raconte sa petite-nièce Sylvie Bazzanella, la petite fille du premier plan. Augusta n’a plus alors que la cuisine comme unique pièce à vivre, assez sombre et donnant sur une cour intérieure. C’est dans cette pièce à l’ambiance de confidences et de joyeux capharnaüm que la petite Sylvie joue pendant des heures. Notamment à la dînette, se barbouillant de beurre et répandant des nuages de farine, car Augusta est très occupée côté boutique et ne peut pas la surveiller à chaque instant. L’autre terrain de jeu de prédilection est, comme nous le montre la photo, le trottoir devant la boutique. Sylvie y joue souvent à la pause de midi avec le tricycle et la poussette, qui figurent en bonne place parmi ses jouets préférés. Peut-être que l’autre fillette un peu plus âgée, tout à gauche de la photo, va se joindre au jeu sitôt son chocolat terminé ?
Outre cette transformation épisodique en place de jeu, ce kiosque aurait été le théâtre d’un épisode pour le moins épique, selon les souvenirs de Sylvie : « Ma grand-tante et son magasin ont fait la une de La Tribune de Genève au début des années 1960. A la rue Crespin, un richissime locataire tenait un fauve en captivité. Un matin, en ouvrant les volets du local à marchandises, Augusta s’est trouvée nez-à-nez avec le félin. Je vous laisse imaginer sa frayeur… La police est intervenue dans les meilleurs délais dans le but de capturer l’animal qui, pendant ce temps, avait pris la poudre d’escampette. Situation épique, branle-bas de combat dans le quartier ! » Nos recherches n’ont pas permis de mettre la main sur cette une de journal ni même sur un entrefilet mentionnant l’abracadabrante histoire. Mais quelques fauves évadés de leurs diverses cages, de cirque le plus souvent, apparaissent bel et bien dans les pages des journaux. Augusta s’en serait-elle inspiré pour égayer sa petite-nièce d’une histoire divertissante ? Un peu de fantaisie fait toujours du bien au quotidien.
Le chemin jusqu’au kiosque
Mais comment en arrive-t-on à devenir kiosquière dans les années 1950 à Genève ? Grâce aux nombreuses photographies de Sylvie Bazzanella et surtout à son témoignage, la vie d’Augusta n’est pas un mystère. Augusta naît le 8 janvier 1894 dans la famille Hochstättler, à Fribourg. Aînée de sept enfants, sa mère s’occupe peu d’elle. On imagine même assez bien que c’est plutôt Augusta qui aide sa mère à s’occuper de ses six petits frères et sœurs. Dès la fin de l’école obligatoire, elle est envoyée en Suisse allemande pour travailler, comme cela se faisait couramment à l’époque. Elle occupe divers emplois : fille de ferme d’abord, puis lingère, cuisinière, femme de chambre. En 1915, elle part à Genève où elle trouve le même type d’emplois divers et variés : employée de maison, femme de chambre dans des hôtels, manutentionnaire au journal La Suisse.
Pendant la Première Guerre mondiale, Augusta devient ouvrière à l’usine Pic-Pic et contribue comme beaucoup de femmes à l’effort de guerre en fabriquant des munitions pour les Alliés. La société Pic-Pic, acronyme de Piccard-Pictet, fabrique des automobiles à Genève de 1905 à 1921. Unique marque automobile entièrement suisse de l’histoire, elle se fait remarquer dans les années 1910 lors de courses automobiles avant de péricliter après-guerre. Sylvie Bazzanella pense que c’est chez Pic-Pic qu’Augusta rencontre son mari : Henri Grobet. Ce n’est qu’une hypothèse, basée sur le fait qu’Henri Grobet était employé chez Pic-Pic avant d’être mobilisé. Mais ils ont tout aussi bien pu se rencontrer à un bal, l’un des principaux loisirs à l’époque et l’autre grande probabilité de rencontres hormis le travail.
Témoignage touchant de la période de séparation entre les amoureux : une lettre qu’Henri écrit à Augusta le 27 avril 1918, le lendemain de son anniversaire et d’une marche éreintante de Soleure à Bienne. On y devine que la mobilisation est une rude séparation pour de jeunes gens qui se font la cour et que la correspondance écrite est un trésor pour l’un comme pour l’autre, le seul lien qui leur permet d’apprendre à se connaître par-delà les kilomètres. Henri écrit à Augusta : « J’ai relu au moins 5 fois ta lettre tellement elle m’a fait plaisir. » Cette correspondance est aussi un lien financier, car nous apprenons dans cette lettre qu’Augusta a envoyé un mandat de 10 francs à Henri, qui semble très gêné de profiter de l’argent gagné par celle qui n’est pas encore sa femme. Il lui en est fort reconnaissant. Nous apprenons encore que leurs retrouvailles sont prévues trois semaines plus tard. Elles ont dû être bien belles et l’été des plus réjouissants, puisque le 21 septembre 1918, Augusta et Henri se marient à Genève. Nous pouvons supposer qu’Augusta attend déjà à cette date un autre heureux événement, car six mois après, le 20 mars 1919, naît Marguerite qui sera l’unique enfant du couple.
Toute la famille en side-car
Pour leur fille, ils vont travailler dur. En effet, Marguerite contracte la polio et fait partie des 1% de personnes infectées développant une paralysie. Nous l’avons oublié aujourd’hui, car cette terrible maladie est considérée comme éradiquée en Europe depuis plusieurs décennies, mais elle faisait des ravages au début du XXe siècle. Sur plusieurs photographies publiées par Sylvie Bazzanella, sa cousine Marguerite doit s’aider d’une béquille pour marcher ou se tenir debout. Afin de la soigner avec les meilleurs traitements possibles, ses parents cumulent les emplois. Henri travaille ainsi le jour dans un atelier de vélo et la nuit au journal La Suisse.
Mais cela n’empêche pas la famille de sourire tout grand à la vie ! Nous la retrouvons ainsi sur une ribambelle de photographies témoignant de leurs campings, escapades et voyages au Tessin, en France et en Italie, notamment en side-car, Augusta étant tout aussi passionnée de mécanique que son mari Henri. Le couple participait d’ailleurs à des courses avec des amis. Peut-être ont-ils participé en catégorie side-car à la course du 29 juillet 1928 dont L’Inédit s’est déjà fait l’écho (lire l’article) ? Sylvie Bazzanella se rappelle en tout cas très bien les récits exaltants qu’Augusta lui ferait plus tard de ces courses.
Malheureusement en 1946, Henri décède prématurément, à 52 ans, d’un arrêt du cœur. Ce triste événement marque un tournant dans la vie d’Augusta : elle change complètement de carrière et décide d’ouvrir un kiosque, après avoir trouvé des locaux à la rue Florissant 51 à Genève. Le caractère bien trempé d’Augusta, sa confiance en la vie et sa solidité ne pouvait qu’en faire une kiosquière extraordinaire !
Malgré les épreuves, le bonheur resplendit toujours dans le sourire d’Augusta sur les photographies. Un sourire transmis à sa petite-nièce Sylvie Bazzanella, qui s’entend dans sa voix quand elle parle avec tendresse de sa « si chère Augusta ». La complicité fut grande toute leur vie entre Augusta et Sylvie, comme le prédisait déjà cette photo du baptême de la petite-nièce, bien calée sur les genoux de sa grand-tante. Parfois, la joie transmise par une photo est si grande que l’on croirait y être. ■